Suspectée d’avoir ignoré la souffrance des victimes de l’Ouest, du Sud-ouest et d’Abidjan dont le village Anokoua Kouté d’Abobo, Me Paolina Massida, représentante légale des victimes de la crise post-électorale ivoirienne dans l’affaire en cours à la CPI a plaidé non coupable au cours d’une conférence de presse à Abidjan ce 23 janvier 2019.
La polémique autour d’une priorité accordée à un seul camp dans la gestion des victimes de la crise post électorale ivoirienne renaît. Ce, depuis les manifestations entamées contre l’acquittement de Laurent Gbagbo et Blé Goudé prononcé par la Cour de première instance de la CPI. Au cours de la conférence de presse animée à Abidjan ce 23 janvier 2019 par Me Paolina Massida, avocate des victimes, la quasi-totalité des questions sont allées dans ce sens.
Concernant les victimes de l’Ouest, du Sud-ouest et d’Abidjan, y compris le village Anokoua Kouté d’Abobo, dont les souffrances n’ont jamais été écoutées par la CPI, elle a répondu n’avoir pas choisi les victimes.
« Je n’ai pas choisi les victimes. Ce n’est pas moi qui ai collecté les demandes de participation des victimes. C’est le greffe de la Cour pénale qui l’a fait et moi j’ai été désignée en tant qu’avocate seulement après que les juges de la Cour ont autorisé les victimes et ont vérifié leur dossier. En fait, j’ai connu mes clients après que les juges de la chambre préliminaire ont décidé de les autoriser à la procédure », précise Me Paolina Massida.
Puis d’ajouter : « Autrement dit, je n’étais pas au pays quand les victimes ont déposé leur demande de participation. Et je le répète, cela peut ne pas plaire, cela peut paraître injuste mais ce sont les règles de procédure devant la Cour pénale internationale. On ne choisit pas les victimes. Les victimes sont autorisées par les juges conformément aux procédures pendantes devant la Cour. Or je le répète, la seule procédure pendante, c’est la procédure à l’en contre de M. Gbagbo et M. Blé Goudé. Cela ne signifie pas que moi-même ou la Cour nie la présence d’autres victimes », reconnaît-elle que d’autres ont souffert.
Une enquête bâclée ?
Comment s’est passée la réunion des preuves pour que dans sa décision orale, le juge de première instance disqualifie l’accusation ? La représentante des victimes, partie prenante au procès estime qu’il est difficile de « spéculer » sans les motivations écrites des juges.
« La question était est ce que les preuves sont suffisantes pour continuer le procès pour permettre à la défense de présenter leurs témoins. Or sur cette question, nous ne savons pas jusqu’à aujourd’hui, quel est le seuil probatoire que la majorité de la chambre a utilisé»
S’agissant de la question au sujet des témoins qui semblaient disculper les accusés, Me Massida indique que « le rôle des victimes dans les procédures pénales de la CPI est celui de présenter essentiellement leurs vues et préoccupations. Ce ne sont pas les victimes qui ont en première la responsabilité de prouver la responsabilité des accusés devant la Cour. C’est l’accusation qui a ce seuil de preuves à mener. De l’autre côté, ce que nous avons essayé de faire comprendre pendant le procès est le type de préjudices de souffrances subis par les victimes et soutenir l’accusation dans ses démarches.»
Le sort des victimes de l’affaire en cours
Quel est le sort des victimes si la décision d’acquittement pour absence de preuves reste en l’état ? « Devant la Cour pénale internationale, la procédure en réparation peut être déclenchée s’il y a un verdict en culpabilité. A’ ce moment, la chambre de première instance a déclaré les accusés non coupables, acquittés. Si la situation reste telle qu’elle est, les victimes n’auront aucune réparation car il n’ y aura personne déclarée coupable. Si la chambre d’appel devrait renverser la décision de la chambre de première instance, la possibilité pour les victimes de voir déclencher la procédure en réparation demeure», répond l’avocate des victimes.
La procédure procureur vs Laurent Gbagbo et Blé Goudé tient compte de 729 victimes. Ce sont des personnes ayant subi des préjudices physiques ou moraux. De sources proches du dossier, on dénombre dans la procédure en cours moins de 300 morts sur les 3000 de la crise post électorale. En Côte d’Ivoire la gestion des victimes par la justice post-crise est décriée par une partie de l’opinion et par des ONG locales.
En première instance, les accusés ont été acquittés par les juges qui demandent leur libération immédiate. La chambre d’appel a accédé à la demande de l’accusation de suspendre la libération immédiate. Elle a jusqu’au aujourd’hui 23 janvier pour motiver les éventuels risques de fuite des acquittés en cas d’appel sur l’acquittement. Le 29 janvier 2019 la défense et les victimes déposent leurs observations.
Le 1er février une audience est programmée pour écouter toutes les parties. La Chambre d’appel se prononcera en temps voulu sur la mise en liberté.
Pour la décision d’acquittement, les acteurs devront attendre la chambre de première instance pour sa décision écrite motivée. Par la suite l’accusation pourra déposer ou non un appel au sujet de l’acquittement.
Nesmon De Laure
Pôleafrique.info