Côte d’Ivoire Politique

3e mandat- Le ballon d’essai de Ouattara, réactions divergentes, juriste: « La Constitution le lui permet »

Mis à jour le 5 juin 2018
Publié le 05/06/2018 à 9:18 , , ,
La Constitution de la IIIème République de son pays lui permet de briguer deux autres mandats. Le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire Alassane Ouattara tient à le faire savoir de tous. Dans une interview accordée au confrère Jeune Afrique en sa dernière parution, le président ivoirien le signifie sans faux-fuyant. La position du chef de l’exécutif ivoirien a du coup provoqué une éruption.
 
Le débat est relancé. La présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire pourrait se faire avec la participation d’Alassane Ouattara comme candidat à sa propre succession. Et sur la question, il est sans détours. Selon lui, c’est un droit que lui confèrent les nouveaux textes du pays. « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision qu’à partir de ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire », recadre-t-il. Et d’ajouter qu’il considère que le dernier mot revient aux ivoiriens qui doivent choisir leur prochain président dans la paix et sans violence comme ils l’ont fait en 2015.
 
Cette sortie du chef de l’Etat ivoirien contraste avec ses précédentes déclarations sur le sujet. Début janvier 2017, lors de la présentation officielle de vœux de nouvel an, il indiquait au corps diplomatique avoir déjà consacré 50 ans de sa vie aux diverses fonctions qu’il a exercées. Aussi, entendait-il prendre sa retraite à la fin de son mandat en 2020. Deux ans plutôt par ailleurs, Alassane Ouattara évoquait même une éventualité de passer le témoin avant la fin de son mandat à un Vice-Président de la République.
 
Non-respect de la parole donnée ? Non, estime le président ivoirien, mais plutôt une volonté de s’assurer d’un bon héritage à laisser. « La stabilité et la paix passent avant tout. Y compris mes principes », justifie Alassane Ouattara.  
 
Dans la classe politique cela ne manque pas de susciter des réactions. « (…) un homme de parole, un vrai, ne revient jamais sur sa décision », commente sur sa page Facebook Mamadou Traoré, conseiller régional RDR dans la Bagoué (Boundiali au nord de la Côte d’Ivoire). Selon ce cadre du parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, c’est le rejet de toute idée d’un troisième mandat qui a occasionné un vote sanction contre l’ex- président sortant de la Mutuelle des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (MUGEFCI). Les fonctionnaires ivoiriens, fait-il savoir, « n’hésiteront pas à répéter ce NON en 2020, en tant qu’électeurs pour les élections présidentielles, s’il y avait tentative de récidive de la part de nos autorités politiques » prévient-il.
 
Dr Geoffroy-Julien Kouao est analyste politiste et écrivain. Ce nouveau discours peut jouer sur la curabilité dit-il. « Peut-être que ce changement de discours va discréditer le discours politique. Mais, monsieur Ouattara n’est pas le seul dans ce cas. Tous les hommes politiques ont un double langage. Ils disent une chose aujourd’hui, et une autre le lendemain. Le discours politique change selon les conjonctures politiques. Il est clair que cela discrédite la parole politique. Mais il est aussi de notoriété que les ivoiriens n’ont jamais cru au discours d’un homme politique ivoirien. En un mot comme en mille, les vérités politiques d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain », analyse l’expert joint par Poleafrique.info.
 
Pour Dr Geoffroy-Julien Kouao toutefois, sur le volet purement politique, cette déclaration va remuer le microcosme politique ivoirien. Il estime que par ces propos, le président ivoirien « a le mérite de réveiller l’opposition politique qui était frappée de mutisme et drapée dans ses contradictions internes. Mais, aussi de faire bouger un peu la coalition au pouvoir pour remettre à jour les velléités de contrôle de cette coalition dans l’objectif de la présidentielle de 2020 ».
 
Il ajoute par ailleurs qu’Alassane Ouattara a le droit légitime de dire qu’il peut être candidat comme tous les 23 millions d’ivoiriens pourraient le dire. Mais ajoute-il, « seul le Conseil constitutionnel a le dernier mot sur la validation des candidatures ».        
 
Les juristes portent un regard similaire sur la question. A en croire un Haut magistrat ivoirien, sous couvert d’anonymat, il n’y a pas de débat à mener sur le sujet. La Constitution est sans ambiguïté et donne raison au chef de l’Etat de Côte d’Ivoire. « Avec la nouvelle Constitution du pays, tout est remis à plat. On repart à zéro. Le président Alassane Ouattara a le droit de se présenter à nouveau. Les textes le lui permettent », explique-t-il à Poleafrique.info. Il estime d’ailleurs que « la limitation de mandat ne convient pas aux Etats africains car il faut la stabilité sur le long terme pour construire nos nations. Imaginez que Félix Houphouët-Boigny ait fait deux mandats, où en serions-nous aujourd’hui?  » interroge-t-il. Et de conclure que « la stabilité par la durée de nos chefs d’Etat, quoique pas exempts de reproches, n’est pas pour satisfaire l’Europe. C’est Mitterrand qui a envoyé cette histoire. Il faut que le débat soit mené » soutient-il. « Même les opposants qui crient, arrivés au pouvoir, ils ne sont pas enclin à respecter cette disposition de limitation de mandat, on a vu Gbagbo créer le poste de président pour contourner la limitation de mandat au Fpi et pour l’avoir évoqué, Don Mello a échappé à un attentat à Treichville. C’est dire que le débat reste entier » conclut-il.
 
Richard Yasseu
Source : rédaction Poleafrique.info 
7info.ci_logo

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter 7info

L’INFO, VU DE CÔTE D’IVOIRE