Société

Abidjan-San Pedro, 11 heures de secousses pour atteindre le premier port exportateur de cacao dans le monde

Mis à jour le 17 mai 2022
Publié le 17/05/2022 à 9:00 , , , ,

Départ d’Abidjan à 11 heures. Arrivée à San-Pedro, à 22h. On a simplement l’impression que le développement du sud-ouest de la Côte d’Ivoire s’arrête aux portes de Gagnoa. Accéder à la ville de San-Pedro, sans passer par la côtière, est un véritable parcours du combattant.

Il est 8h, le jeudi 12 mai matin lorsque nous nous retrouvons au siège de Bolloré Transport et Logistics Côte d’Ivoire dans la commune de Treichville. L’entreprise exerçant dans le domaine du transport, de la logistique et de la manutention dans les différents ports du pays, s’apprête à inaugurer une nouvelle station d’empotage à San-Pédro, premier port mondial d’exportation du cacao. Les journalistes de divers médias ont été invités pour la couverture de la cérémonie officielle de lancement des activités de cette nouvelle infrastructure.

Avant le départ, le débat sur le choix du trajet passionne les uns et les autres. Pour la majorité, il ne faut surtout pas passer par la côtière à cause du mauvais état de la route.

« Il est préférable de passer par la ville de Gagnoa, atteindre Soubré puis enfin San-Pedro. Le trajet est long, fastidieux, mais bien mieux qu’une côtière laissée en désuétude depuis plusieurs années. La route n’est pas sécurisée et nous risquons de courir à notre perte », a insisté M’Bra Konan, journaliste au quotidien Soir Info, un habitué du tronçon.

La décision est donc prise. Nous allons à San-Pedro en passant par la ville de Gagnoa. Le car quitte Abidjan à 11h. Soit un retard de 3h que la route compte bien nous faire payer. La distance est estimée à plus de 500 kilomètres.

Abidjan-Gagnoa, « bonjour les dos d’âne »

Tout commence bien lorsque nous prenons l’autoroute en direction de N’Douci puis Tiassalé. Premier constat, le péage d’Attingué en flammes le mardi 19 avril 2022, s’est remis de cette épreuve et les postes fonctionnent bien. C’est donc sans difficulté que nous poursuivons notre voyage jusqu’à la bretelle qui jouxte N’Douci, petite localité située à une centaine de kilomètres d’Abidjan. C’est à partir de cet endroit que les dos d’âne décident de se joindre au voyage.

N’Douci-Tiassalé-Divo… ces bosses de bitume ont été érigées à l’entrée et à la sortie de chaque village. Une précaution routière pour faire respecter la limitation de vitesse dans les zones habitées et dissuader les pilotes de Rallye et amoureux de la pédale. Pourtant, malgré l’obstacle, les habitués du tronçon comptent bien se faire plaisir. Le petit car de 34 places qui transportait les journalistes a, tout le long du trajet, été dépassé par des chauffeurs imprudents qui donnaient l’impression d’avoir une « femme en travail » dans leurs véhicules.

Mais une satisfaction, la ville de Divo. Cette localité située à quelques kilomètres de Gagnoa est sur la voie du développement. Une grande route avec deux voies de part et d’autre, permet d’apprécier la douceur de cette cité autrefois livrée à elle-même. La route permet désormais à la ville de sortir peu à peu de l’ornière. Selon des témoins, d’autres infrastructures ont aussi vu le jour dans la localité, située à seulement deux heures de route de la capitale économique ivoirienne. Une initiative à répéter dans plusieurs régions afin d’amorcer le développement cohérent de tout le pays. Mais à peine cette réflexion en gestation, que de violentes secousses nous informent que nous arrivons à Gagnoa, après avoir traversé Lakota.

A LIRE AUSSI: Grève: les dockers suspendent leur mouvement à Abidjan et à San-Pédro

Gagnoa-San-Pedro, « Accrochez-vous, car ça va secouer »

C’est ici que nous marquons un arrêt pour déjeuner avant de reprendre la route. Mais les premières secousses encaissées à l’entrée de la ville ne présageaient rien de bon pour la suite. « Mangeons et prenons des forces, car le plus dur commence maintenant », lance un confrère au restaurant « Espace Aser chez Péguy » non loin de la préfecture de Gagnoa. Il est 16h, notre inquiétude grandit. Mais la route entre Gagnoa et San-Pedro en passant par Soubré est-elle catastrophique au point de préparer les esprits à ce supplice ?

Pourquoi la ville de Gagnoa, capitale de la région du Goh et qui a bercé un chef d’État, n’a-t-elle bénéficié du développement comme les autres ? Pourquoi le sud-ouest de la Côte d’Ivoire a-t-il été abandonné à son sort malgré le fait qu’il abrite le premier port exportateur de cacao dans le monde ? Les travaux pour la réhabilitation de la côtière ont certes démarré, mais en attendant, comment fait-on pour voyager dans cette zone, quand on n’a pas les moyens de prendre l’avion ? Des questions qui ne trouvent pas de réponse. Il faut donc se résigner à poursuivre le voyage.

Il est 17h30 lorsque le car se remet en route. De Gagnoa à Yabayo en passant par Galébré, Liliyo, et Yacolidabouo, le constat est le même. le bitume est soit arraché ou colmaté par endroit. Il faut avoir les reins solides pour parcourir toutes ces localités tant le minicar effectue de petits sauts sur cette route irrégulière. Accrochés aux sièges, on pouvait facilement être balancé de gauche à droite au rythme de secousses telles des danseurs exécutant quelques pas de « Ziglibiti », le rythme musical de cette partie du pays.

Le calvaire se prolonge jusqu’à Soubré puis Méagui. Pendant que le minicar tangue, des compagnies de transport qui font, elles aussi, le voyage de nuit, domptent sans difficulté, l’exercice du trajet. « Les chauffeurs connaissent la route », a-t-on coutume de dire. Ces rois du tronçon transpercent l’obscurité à vive allure et ne se laissent surtout pas rattraper. Il est 20h lorsque nous arrivons à Soubré. Le supplice se poursuit jusqu’à Méagui.

À l’entrée de la ville, un petit coup de cœur, le Centre hospitalier régional (CHR). Construit sur un espace bien aménagé, l’établissement sanitaire brille de mille feux. Il a été construit dans le cadre du programme sanitaire 2018-2020 pour lequel l’État ivoirien a investi plus de 850 milliards FCFA. D’autres villes comme Aboisso, Adzopé et San-Pedro en ont bénéficié. Plusieurs hôpitaux ont aussi été réhabilités et équipés à travers tout le pays.

A LIRE AUSSI: Infrastructures, bientôt 11 nouveaux ponts métalliques construits, voici les zones bénéficiaires  

San-Pedro, une ville en chantier

53 kilomètres. C’est la distance qui sépare la ville de Méagui à celle de San-Pedro. Pourtant il a fallu 1h30 mn pour la parcourir. La route est quasi-impraticable même si selon des voyageurs, « c’est mieux qu’avant ». Il est 22h35 mn quand le minicar arrive à San-Pedro, 2e ville portuaire de la Côte d’Ivoire. À l’entrée de la cité, des engins sont en pleine manœuvre. La voie d’accès a été élargie. San-Pedro est loin, mais San-Pedro doit accueillir la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2023. Il faut faire vite. La ville est en chantier et c’est rassurant.

Les entreprises en charge de la réfection de la route de la côtière, longue d’environ 368 kilomètres, sont à pied d’œuvre, afin de permettre de voyager plus aisément à San-Pedro qui abrite le premier port exportateur de cacao dans le monde. Des chiffres révèlent que plus de 6 millions de tonnes de marchandises ont transité dans la ville en 2021. Ce qui a permis de réaliser un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards FCFA. Une situation qui rend inexplicable l’état alarmant de dégradation de la route.

Mais c’est une fois réveillé à notre hôtel, que nous comprenons. La beauté du cadre et les belles plages de la ville ont eu leur effet thérapeutique, sur les corps courbaturés de la veille. Roland Poupon, célèbre enseignant de Géographie, ne disait-il pas que « pour trouver un trésor, il faut se lever, sortir, chercher et souffrir ? ». San-Pedro n’a pas dérogé à cette maxime.

7info.ci_logo

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter 7info

L’INFO, VU DE CÔTE D’IVOIRE