Quels noms pour les rues et espaces publics d’Abidjan ? Depuis le mardi 27 avril 2021, le sujet revient avec le projet d’adressage des rues lancé par le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme. Il s’agit pour Bruno Koné qui a sollicité des services techniques d’établir « un répertoire argumenté des noms, des voies et lieux publics par commune » du district d’Abidjan.
Mais quels noms faut-il donner aux rues et aux espaces publics de la capitale économique ivoirienne ? Dr Yao Albert est enseignant-chercheur en Sociologie à l’université Lorougnon Guédé de Daloa dans le centre ouest de la Côte d’Ivoire. Il serait convenable d’adopter des noms de personnalités ivoiriennes ou africaines en hommage à celles-ci pour les actions posées dans la vie de la communauté, mais aussi pour des raisons culturelles, estime-t-il.
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« Les noms qui avaient été donnés sont ceux qui permettaient de rendre hommage à certaines personnes au moment de la colonisation et de l’indépendance. Nous avons ainsi Valery Giscard d’Estaing, pont de Gaule et autres. Aujourd’hui, si nous disons que nous sommes un pays indépendant, il va sans dire qu’il y a des Ivoiriens ou Africains qui se sont illustrés au plan national et sous-régional par rapport à l’Afrique et spécifiquement par rapport à la Côte d’Ivoire. En même temps certaines réalités culturelles que nous avons, devaient pouvoir nous interpeler. Aujourd’hui, lorsqu’on dit boulevard Nangui Abrogoua, le curieux cherchera à savoir qui est Nangui Abrogoua. Et ses recherches le ramèneront à un pan de notre histoire. Mais lorsque vous dites de Gaule, les recherches ramèneront à l’occident, et donc à un déracinement culturel par rapport à lui-même », analyse l’universitaire pour 7info.
La question de l’adressage des rues et édifices publics n’est pas un fait nouveau en Côte d’Ivoire. Plusieurs autres initiatives ont été déjà prises par le passé. Mais elles ne sont pas allées à leur terme. « L’adressage qui a été fait au temps du président Henri Konan Bédié n’a pas réussi parce qu’il n’y a pas de nom. Quand on dit Rue J207 ou Rue J27, on ne sait pas à quoi cela renvoie. Aujourd’hui, dites à n’importe qui à Abidjan « Carrefour de la Vie » anciennement appelé « Carrefour de la mort », tout le monde sait de quoi il s’agit. Quand on dit boulevard Nangui Abrogoua, tout le monde sait aussi de quoi il s’agit. Cela permet non seulement de faciliter la reconnaissance, mais aussi une promotion des hommes que nous avons eus et qui se sont illustrés politiquement dans notre histoire. Si on part sur cette base, on réussira cet adressage. Et il permettre facilement aux Abidjanais de s’orienter dans la sphère géographique et de s’identifier à cet adressage futur. Sinon il sera remis en cause comme on l’a vu il y a peu », fait savoir Dr Yao Albert.
Selon le spécialiste ivoirien, les nominations futures des espaces et rues du district d’Abidjan doivent se faire de manière consensuelle. « Il faut associer à l’initiative les gens qu’il faut. À savoir des historiens, des géographes, des sociologues. Mais aussi les habitants des quartiers pour ce qui est des rues qui existent dans ces lieux de vie. En un mot, faire en sorte que ce soit un travail de consensus », suggère Dr Yao Albert.