Dans une interview accordée au confrère Libération.fr le dimanche 15 mars, le président guinéen Alpha Condé donne son avis sur la décision de son homologue ivoirien Alassane Ouattara de ne pas briguer un troisième mandat présidentiel.
« (…) chaque pays a ses réalités. Est-ce qu’il n’y a pas beaucoup de présidents en Afrique qui ont fait plus de trois mandats ? Ici, l’opposition, ce sont les anciens gestionnaires, les anciens Premiers ministres, qui ont gouverné le pays. Et on sait dans quelle situation ils l’ont mis. Alassane Ouattara avait lui-même dit qu’il n’allait pas laisser le pays à ceux qui l’avaient mal géré », a réagi Alpha Condé.
Selon le chef de l’Etat guinéen, s’il est admis à son homologue de la Côte d’Ivoire de modifier la Constitution de son pays, pourquoi cela ne serait pas possible en Guinée. « Mais lui-même (Ndlr, Alassane Ouattara) a fait une nouvelle Constitution ! Alors pourquoi me pose-t-on la question à moi ? », interroge-t-il.
En Guinée, Alpha Condé est aux affaires d’Etat depuis 2010. Après 10 ans de gestion qui correspondent à deux mandats, des spéculations vont train sur sa volonté de rempiler pour un troisième mandat. De l’avis de ses opposants politiques, la modification constitutionnelle à controverse, à soumettre à l’avis du peuple par voie référendaire le 22 mars prochain, s’inscrit dans cette optique. De fait, si le « Oui » l’emportait, ce serait un champ libre au chef d’Etat guinéen pour être à nouveau candidat.
Des intentions que le concerné lui-même ne dément pas, préférant s’en remettre à la décision de sa formation politique le moment venu. Alpha Condé indique en outre n’avoir de leçon à recevoir de personne en ce qui concerne les modifications constitutionnelles. « Je ne sais pas d’où vient cette obsession sur le troisième mandat en Guinée, quand vous avez des chefs d’Etat africains qui ont fait quatre ou cinq mandats et qui sont chouchoutés. C’est une démocratie à géométrie variable. Et la démocratie, ce n’est pas nécessairement l’alternance. On a vu dans beaucoup de pays ce que cela a donné. Même en France, jusqu’après Jacques Chirac, il n’y avait pas de limitation de mandats. Est-ce que cela veut dire que la France n’était pas une démocratie ? J’ai été opposant pendant quarante-deux ans, j’ai été condamné à mort, j’ai fait de la prison. Je n’ai jamais cédé, et je n’ai jamais utilisé la violence. Pendant tout ce temps, nous n’avons pas jeté une pierre. Aujourd’hui, l’opposition casse les voitures, les maisons… Je n’ai de leçon de démocratie à recevoir de personne. Et je ne vois pas ce qu’il y a de plus démocratique qu’un référendum », a estimé le président guinéen.
Richard Yasseu
7info.ci