Aurore Garnier est une spécialiste des questions de sécurité et de sûreté. Elle accompagne des entreprises internationales et sous-régionales via son cabinet ISAO. Elle analyse pour 7info la stratégie d’intrusion en Côte d’Ivoire des groupes terroristes basés au Burkina-Faso.
Comment interpréter l’intrusion du groupe armé jeudi soir dans le village de Bolé, près de Kafolo?
L’intrusion d’un groupe important (60 personnes armées), hier soir (NDLR: jeudi 6 mai), dans ce village situé à une douzaine de kilomètres de Kafolo, peut être vue comme une opération d’intimidation des populations. Ces groupes commencent le travail de « conquête » du territoire nord ivoirien en tentant de créer une distance entre les populations et les autorités. Il est à craindre que des actions punitives soient menées à moyen terme. Cette opération se situe à la suite de plusieurs attaques quasi militaires qui ont eu lieu autour de Kafolo. Leur volonté est donc de prendre pied dans le nord de la Côte d’Ivoire, en parallèle de leurs activités au Burkina.
Quelle est la stratégie des groupes terroristes installés au Burkina Faso vis-à-vis de la Côte d’Ivoire ?
Il y a à la fois une stratégie et une contrainte pour ces groupes. La stratégie est d’augmenter leurs territoires de contrôle, notamment ceux qui leur permettent de pratiquer tous les trafics nécessaires à leur financement. Donc les menaces, les attaques contre des postes militaires, la pose d’engins explosifs… tout est bon pour effrayer afin de pouvoir occuper ce terrain.
La contrainte est que les opérations militaires qui sont menées au Mali (Barkhane notamment) exercent une pression qui oblige à cette stratégie de conquête de nouveaux territoires pour pratiquer les commerces illégaux qui les financent. Cette pression et leur stratégie d’expansion les ramènent vers chez nous.
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Peut-on craindre une installation de ces groupes en Côte d’Ivoire et des actions violentes de leur part ?
Pour l’instant, les attaques n’ont été que sporadiques et ont visé exclusivement les forces de sécurité. On peut penser qu’avec la saison des pluies, elles vont s’espacer, car les groupes seront coupés de leur zone de repli et connaîtront des difficultés logistiques.
Mais il est fort à craindre qu’ils utilisent de plus en plus d’IED, des engins explosifs artisanaux, déposés sur des routes, dans la zone nord de la Côte d’Ivoire. Ces engins sont aveugles. Ils peuvent toucher n’importe qui et rendre dangereuse la zone de Kafolo. Ce qui aura un impact sur le commerce et la vie quotidienne des populations.
Quant à des actions violentes contre des populations civiles dans le reste du pays, on n’en est pas encore là. Les autorités ivoiriennes connaissent ces groupes et leur stratégie. Elles ont les moyens de prévenir d’éventuelles attaques.