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Banquiers et producteurs saluent la décision de gel des ventes de cacao

Mis à jour le 20 juin 2019
Publié le 20/06/2019 à 1:45 , , , ,

Les acteurs des banques ivoiriennes saluent la décision de la Côte d’Ivoire et du Ghana de bloquer la vente anticipée de la fève de cacao pour la campagne 2020-2021.

Pour la campagne 2020-2021, les deux plus gros producteurs mondiaux de cacao, 70% de la production mondiale, ont décidé de suspendre la vente de leur cacao. La Côte d’Ivoire et le Ghana, dans l’attente d’un accord avec les industriels du cacao sur le prix minimum garanti aux producteurs, vont suspendre la vente de leur cacao à partir du 1er octobre prochain. Un chantage risqué.

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La Côte d’Ivoire et son voisin de l’Est, le Ghana ont décidé le 11 juin dernier d’un accord commun de suspension de la vente de fèves de cacao, pour la campagne 2020-2021 qui débute le 1er octobre prochain.

Une décision inter-Etats qui ne déplaît pas à un Directeur de banque à San Pédro, contacté par 7info.ci. Explications : « Cette décision est la bienvenue car ce sont les grands industriels européens qui influent sur les cours mondiaux du cacao. La campagne dernière, avec le retrait des agréments aux coopératives et intermédiaires par l’Etat suite au scandale de la mévente des stocks de cacao achetés, en 2017, les banques à San Pédro ont subi des pertes énormes avec l’incapacité des intermédiaires et coopératives à rembourser les prêts acquis. Toutes les banques ont perdu leurs « matelas », les fonds de garantie récupérés par le Conseil café-cacao » explique-t-il.

Poursuivant, il fait savoir que « cette décision aura une répercussion sur les banques qui ne pourront pas avoir beaucoup de retours sur les financements. Ce sont les intermédiaires qui vont être sortis du circuit de commercialisation » constate-t-il.

Il soutient que les retraits d’agrément par le Conseil café-cacao ont eu « des répercussions sur les ressources et les emplois » dans le secteur bancaire dans la ville qui a le 1er port mondial d’exportation du cacao, San pédro.  « Le prix évoluant dans le même sens que l’offre ou la demande évoluant au même niveau que le prix, c’est une bonne décision. Il s’agit pour les deux grands producteurs mondiaux de maîtriser le flux, créer un manque sur le marché et le produit se raréfiant, prend de la valeur et donc à son prix plus rémunérateur.« 

Le coût international actuel qui tourne autour de 2.400 Dollars la tonne, serait la cause de cette décision commune des deux producteurs. Ils souhaiteraient provoquer une coulée de chocolat pour atteindre 2.600 Dollars la tonne du cacao, soit 2.300 Euros. Les deux pays caressent le secret espoir de ramener un large sourire sur le visage de leurs producteurs. Pour les deux pays, il faut un prix minimum garanti entre 1700 et 2000 livres.

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Pour la campagne 2019-2020, l’organisation internationale du cacao prévoit une production record pour la Côte d’Ivoire de l’ordre de 2.15 millions de tonne, 15% du PIB ivoirien contre 900.000 tonnes pour le Ghana.

Pour rappel, le prix bord-champ du cacao est à 750 Fcfa/kg en Côte d’Ivoire pour la campagne en cours à cause de la chute du prix à l’international. Un énorme manque à gagner en 2017 de 300 milliards FCFA avec pour effet incident, la renonciation à 43.4 milliards FCFA de taxes perçues sur les exportations par l’Etat. L’effet boomerang a été la baisse de voilure sur des promesses de campagne d’Alassane Ouattara et des projets gouvernementaux.

Qu’en pensent d’ailleurs ceux pour lesquels les gouvernements disent livrer cette bataille stratégique ?

Certains producteurs ou responsables de coopérative ou de confédérations de la filière café-cacao sont presque unanimes que cette option qu’explorent ces deux pays est une décision avantageuse pour eux.

Obed Blondé Doua, président d’une confédération de producteurs de café-cacao à Man (Ouest ivoirien, 580 Km d’Abidjan) salue une bonne décision. « Une bonne option et une option à soutenir car cela va favoriser une bonne rémunération aux paysans », soutient-il.

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Pour lui, La Côte d’Ivoire et le Ghana, qui par le passé étaient dans une atmosphère de concurrence pour la 1ère place de producteur mondial, ont compris les limites de cette stratégie égocentrique. « Les deux pays ont compris que lorsqu’on est détenteur de plus 65% de la production du cacao dans le monde, on doit se comporter en maître et parler d’une même voix pour obtenir ce qu’il y a d’essentiel pour les producteurs. » « C’est dans cette dynamique que la Côte d’Ivoire et le Ghana se sont inscrits aujourd’hui et cela va porter », assure Obed Blondé Doua. Selon ce responsable de coopérative et aussi producteur, les chocolatiers n’ont pas le choix. Car pour lui, si les ventes sont suspendues pendant un mois seulement par les deux plus gros producteurs, l’impact sur les activités des industriels sera bien palpable. S’ils n’ont pas entre temps anticipé pour augmenter leurs stocks de réserve.

Koffi Loukou, producteur lui aussi de cacao se satisfait de l’unité retrouvée entre ivoiriens et ghanéens. « C’est une très bonne option, car si les deux pays unissent leurs forces le résultat obtenu sera positif », soutient-il. Il recommande même que cette union entre les deux plus grands producteurs soit pérenne.

Pour lui, les deux pays possèdent le plus grand quota d’approvisionnement.  Une décision de blocage des ventes aura un effet négatif sur les industriels. « Par contre, la question que l’on doit se poser est de savoir si les industriels augmentent le coût de la tonne à 2.600 dollars, y aura-t-il subséquemment un bénéfice pour le producteur ? s’interroge Koffi Loukou.

La question soulève le pan de la recherche de gain plus pour les gouvernements, confrontés à la réalisation des promesses électorales que le bien-être des producteurs dans les zones de production souvent sans les infrastructures de base.

Adam’s Regis SOUAGA, Coll Diané Drissa

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