Pourquoi le Front populaire ivoirien, FPI a-t-il suspendu son partenariat avec le RHDP, le parti au pouvoir, et pourquoi est-ce que certains cadres de cette formation s’opposent à cette décision ? Gnépa Bartélémy le nouveau secrétaire général de ce parti revient sur cette décision. Il explique également la raison du désaccord de leurs camarades qui n’approuvent pas la rupture. Entretien.
Vous êtes le nouveau secrétaire général du Front populaire ivoirien, le FPI. Dans quel état d’esprit vous vivez cette nomination ?
Il faut dire que j’ai été très satisfait parce que c’est la reconnaissance, disons, renforcée de la confiance que le président Pascal Affi N’Guessan a toujours eu pour moi depuis plus d’une vingtaine d’années que nous sommes ensemble. Donc le fait de me confier aujourd’hui d’autres charges, je pense que cela ne peut que me réjouir parce que ça démontre qu’il a vraiment confiance en moi.
Avec le président Pascal Affi N’Guessan, le leader de votre parti, vous êtes donc un proche collaborateur ?
Oui, j’ai toujours été un proche collaborateur depuis son élection à la tête du Front populaire ivoirien.
Nouveau secrétaire général, c’est un contexte un peu particulier, marqué par la rupture d’un partenariat avec le RHDP le parti au pouvoir. Est-ce que cela vous impose une conduite particulière dans votre tâche ?
Pas de conduite particulière, mais il y a certains détails qu’il faut quand même prendre en compte dans la conduite des affaires qu’on vient de me confier. Donc je pense qu’il n’y a pas véritablement de grands changements.
La décision de la rupture d’avec le RHPD n’est pas acceptée par tous au sein de votre parti politique. Certains de vos camarades s’y opposent. Un commentaire ?
C’est normal, parce que beaucoup n’ont pas compris pourquoi nous nous sommes rapprochés du RHDP. C’était au 6e congrès extraordinaire du Front populaire ivoirien à Treichville que le président actuel de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, qui était à l’époque directeur exécutif du RHDP, était à ce congrès. Dans son intervention à la tribune, il avait dit que le président du RHDP l’avait mandaté pour dire qu’il souhaitait, selon le terme utilisé, que Affi, le jeune frère du président du RHDP et le RHDP puissent s’allier. C’était au congrès de 2021.
Et sur place, au niveau des débats du Congrès, il avait été donné un mandat à la direction du Front populaire ivoirien d’examiner toutes les possibilités d’alliance avec n’importe quel parti politique. C’est fort de cela et à la suite de cette offre d’alliance que le RHDP avait fait que la réflexion a été menée depuis 2021.
Et à la suite de tous ces débats auxquels nous avons participé, et les débats qui ont été faits à l’intérieur, pendant plus de deux ans, le débat de rapprochement avec le RHDP a été mené et a abouti à la signature d’un partenariat. Le partenariat est suffisamment clair. Chacun des deux parties garde l’autonomie de son fonctionnement. Deuxièmement, l’objet du partenariat porte sur les actions à mener entre les deux parties pour la réconciliation des Ivoiriens.
Une réconciliation entre le RHDP et le FPI, non, mais non ensemble des actions pour que les Ivoiriens soient réconciliés, qu’il y ait la cohésion sociale. Voilà, ce sur quoi on portait dans ce partenariat. Subsidiairement, comme c’était à la veille des élections locales, on a dit que sur le terrain et selon les localités, si les gens arrivent à s’entendre pour aller ensemble à ces élections, ils peuvent le faire. Ce n’était pas donc une décision. Voilà ce que dit aussi le partenariat. Si nécessaire, si cela est possible sur le terrain. C’est comme ça que le partenariat a été mis en œuvre.
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Mais après les élections, à la fin de 2023, puisque les élections régionales ont eu lieu début septembre, à la fin, le constat, c’est que lorsque nous avons regardé cela, on a trouvé que c’était désastreux pour le Front populaire ivoirien. Mais sur l’objet du partenariat lui-même, l’instrument institutionnel que le gouvernement lui-même avait mis en place qui est le ministère chargé de la réconciliation n’existe plus. Deuxièmement, aucune action n’a été menée dans le cadre de la réconciliation des Ivoiriens. Et nous-mêmes, nous avions préparé j’allais dire des termes de référence pour que nous fassions le bilan sur la question des actions que nous avions à mener ou que nous devions mener pour que les Ivoiriens soient réconciliés. Au cours d’une rencontre, on nous a dit qu’au niveau du RHDP, la question n’était plus à l’heure du jour.
Quelle a été votre réaction ?
Lorsque nous sommes venus rendre compte au Comité central qui est l’organe de décision, alors le comité central a dit comme l’objectif de ce partenariat n’est plus à l’ordre du jour, suspendons le et continuons notre marche, étant entendu que chaque parti doit fonctionner comme il a décidé. On avait suspendu. Mais nous préparons un congrès où le président du FPI doit faire un bilan sur les questions du parti dont le rapprochement que nous avons, que le congrès nous avait imposé en tant que direction. Nous ferons le bilan.
M. le Secrétaire général, vos camarades qui ne partagent par cette décision de rupture reprochent à la direction de votre parti d’avoir mis en avant le volet électoral du partenariat plutôt que le volet réconciliation nationale pour décider de la rupture. Que répondez-vous ?
Mais je vous que ce n’était pas l’élément central, ce n’était pas un accord électoral. Il était porté d’abord sur la réconciliation des Ivoiriens. Subsidiairement, les élections arrivent, si les gens pensent que les militants des deux partis peuvent se mettre ensemble, ils peuvent aller se mettre sur une liste commune. Mais vous l’avez constaté sur le terrain, dans certaines localités, il y a eu des candidats FPI contre des candidats du RHDP. Cela veut dire que ce n’était pas l’accord électoral. Ce qu’il y a aujourd’hui comme souci, c’est que grâce à l’application de cet appendice-là, certains camarades ont pu devenir des conseillers. Donc, c’est la panique. Si le comité central a décidé de suspendre dans un premier temps et de proposer, j’allais dire, le retrait totalement, parce que nous allons partir au Congrès et on va surement entériner. Nos camarades qui se trouvent être dans les communes dirigées par des élus RHDP, ils se demandent peut-être comment est-ce que les autres vont les regarder étant entendu qu’il n’y a plus de partenariat entre le Front populaire ivoirien, qu’ils les représentent dans le Conseil ? C’est pour cela qu’ils mettent cet argument en avant. Donc la peur d’être mal vu par ceux dont ils sont devenus les collaborateurs est ce qui explique cela. Mais la direction les a rassurés. On leur a dit ceci : « la mission que vous exercez, le travail que les populations locales vous ont confié n’a rien à voir avec le partenariat, cela n’a rien à voir avec le retrait. Parce que vous êtes là-bas parce que les populations vous ont fait confiance. Ceux qui vous ont fait confiance, ce n’étaient pas tous les militants du Front Populaire Ivoirien. Donc c’est cette peur-là qui leur fait dire cela. Donc ils décident qu’il faut qu’on reste dans le partenariat pour cette raison. Pourtant certains parmi eux étaient contre l’idée de partenariat. L’actuel 3e adjoint au maire de Yopougon, le professeur Dagbo Godé, était parti parmi ceux qui s’opposaient véritablement à ce partenariat. Il n’en voulait pas. Mais aujourd’hui, c’est eux les grands défenseurs de ce partenariat.
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Ces camarades, dont il est question ont annoncé le 26 septembre 2024, au cours d’une rencontre avec la presse, la création d’un courant au sein du FPI. Quelle est votre appréciation de cette initiative ?
Il faut savoir que le Front Populaire Ivoirien, j’allais est un assemblage des différents fronts, des différents courants. Dans nos textes, en créant le Front Populaire Ivoirien, on a instruit l’existence des fronts, enfin des courants. Mais le courant est bien encadré. Le courant, c’est un ensemble de camarades qui ont une même vision, qu’ils peuvent partager au débat. C’est pour enrichir le débat au sein du parti. Ce n’est pas pour créer un parti à l’intérieur du parti. C’est pour enrichir le débat. Et être membre d’un courant ne donne pas automatiquement le droit d’être membre de la direction du parti. La preuve est que parmi ceux qui ont lancé l’intention de créer un courant, il y a des militants qui sont suspendus. Mais en attendant que leur suspension soit levée par le Congrès, ils se joignent à ceux qui annoncent ce courant. Le courant est prévu dans nos textes, c’est tout à fait normal. Et ce n’est pas le premier courant qui va exister officiellement. Dans les années 90, il y avait des camarades qui n’étaient pas d’accord sur la ligne. Ils avaient créé un courant.
Parce que le courant a pour objectif de mener le débat et de faire en sorte que votre position soit partagée par une majorité des militants pour que vous preniez le dessus. Et des camarades en ont créé durant le parcours du FPI. Certains ont même été transformés en partis politiques. C’est le cas du MFA. Le ministre Don Mélo, lui aussi, l’avait créé en courant. Annoncer la création d’un courant, on n’a même pas besoin de ça, puisque les autres ont créé leur courant durant le parcours du FPI, en s’organisant à l’intérieur du parti. Evidemment c’est le secrétariat général, c’est-à-dire la direction du parti qui est d’abord saisie pour annoncer la création d’un courant. Donc c’est tout à fait normal.
Comment entrevoyez vous vos rapports avec ces camarades qui sont mécontents ?
Ils demeurent encore des militants, aucun n’a démissionné. Les instances auxquelles ils peuvent participer, par exemple les réunions dans les fédérations et autres, ils peuvent y être parce que beaucoup ne sont plus dans les instances de direction. Ils sont donc désormais de simples militants.
Rupture de partenariat avec le RHDP, de l’autre côté, il y a la main tendue du président Laurent Gbagbo dans le cadre de l’appel de Bonoua. Que fera le FPI ?
D’abord, on oublie que le Front populaire ivoirien est dans l’opposition. Donc si un parti qui est dans l’opposition comme nous veut mener une action ou alors nous l’invite, nous allons. Parce que nous sommes tous dans la même situation. Pour l’heure, nous ne connaissons pas encore le contenu de l’appel, puisque l’émissaire du président Gbagbo, vous l’avez aussi écouté. Ce n’est pas seulement le président du Front populaire ivoirien qu’il a rencontré. Il n’a pas développé le contenu de cet appel, aussi bien au président du FPI qu’au président des autres partis. Tout le monde attend donc. Nous ne pourrons réagir, comme l’indique nos textes, que si nous connaissons le contenu. À ce moment-là, on appréciera.
Dans le mois de novembre, le FPI, votre parti, ira à un congrès. Comment se prépare ce rendez-vous ?
Nous préparons le congrès depuis six mois pratiquement. Le congrès avait été annoncé pour le mois de juillet. C’est une question de disponibilité des salles pour l’accueillir qui a retardé la tenue de ce rendez-vous, parce que c’était la période des vacances. Les structures-là avaient déjà leur programme de vacances scolaires, avec Wozo vacances et autres. Donc, il n’y avait pas de salle qui puisse recevoir le rassemblement. C’est pour cela que nous avons reprogrammé le congrès par rapport à la disponibilité d’une salle. Et il s’est trouvé que c’est la fondation Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro qui, à cette période-là, est disponible. C’est pour cela que nous l’avons programmée à Yamoussoukro et non à Abidjan, comme c’était annoncé officiellement.
Un message aux militants ?
Les militants sont sereins. J’allais dire que même avec ces petites incompréhensions qu’il y a au niveau du parti, ils sont pressés d’aller au congrès. Ils sont pressés d’aller se prononcer sur la marche du parti. Aujourd’hui le Front Populaire ivoirien va à son congrès. Il va mette en place de nouveaux organes dirigeants, c’est ce qui est important. On va y aller pour réorganiser les jeunes, les femmes et désigner son candidat. Voilà ce qui préoccupe aujourd’hui les militants. Heureusement que parmi ceux qui ont l’intention de créer ce courant là, il y a un qui a décidé d’être candidat. Il s’agit du professeur Dagbo Godé. C’est donc une très bonne chose. Il va lui aussi se mettre en campagne auprès des délégués, pour faire connaître la vision du courant qu’ils ont. Ils vont eux-aussi chercher à convaincre les congressistes pour qu’ils votent pour eux. Il s’agira pour de convaincre les militants pour dire qu’AFfi ayant fait plus de 20 ans à la tête du parti, donnez-moi le parti, je vais retourner le Front populaire ivoirien dans le partenariat. C’est pour cela que tout le monde attend cette belle occasion.
Réalisé par Richard Yasseu