Incroyable, mais vrai. Les sujets corrigés des épreuves du jour, soumis aux candidats, dans notre messagerie WhatsApp. Français, Mathématiques, orthographe, SVT ou anglais… tout y passe. Une fraude portée par les réseaux sociaux, malgré l’interdiction du téléphone dans les centres d’examens.
La lutte contre la fraude est le principal défi auquel le ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation est confronté chaque année lors de la période des examens à grand tirage. Malgré les efforts déployés dans le cadre de la lutte contre la tricherie en milieu scolaire, les fraudeurs arrivent toujours à passer entre les mailles des filets.
Plus les stratégies de lutte contre ce fléau évoluent, plus les méthodes des fraudeurs se peaufinent. Pour la session 2022 du Brevet d’études du premier cycle (BEPC), une forme de fraude bien organisée s’est développée à travers les réseaux sociaux.
Le mardi 14 juin 2022, des annonces publiées sur Facebook et qui sortent de l’ordinaire attirent notre attention. De quoi s’agit-il exactement ?
Des propositions sont faites sans fioriture aux candidats au BEPC, engagés dans les différentes épreuves.
« Bonjour chers élèves, je vous fais part du réseau BEPC et BACCALAURÉAT Session 2022, ce n’est pas une obligation, mais pour la réussite de ton examen c’est une occasion. La veille de chaque composition, on distribue les épreuves à chaque élève qui est inscrit dans le groupe du réseau. Depuis hier j’ai aidé certaines personnes pour le sujet de français et physique chimie donc ce matin j’ai décidé d’aider encore avec le sujet d’orthographe et mathématiques pour les candidats du BEPC donc ceux qui sont intéressés pour le sujet corrigé et non corrigé, contactez-moi sur mon numéro ou écrivez-moi sur WhatsApp », précise l’auteur du message.
Une proposition qui attire automatiquement notre attention en cette période d’examen. Pendant que des élèves, au prix de moult sacrifices, tentent de décrocher le précieux sésame, d’autres seraient-ils intéressés par ces raccourcis pour le moins intrigants ? Il faut en avoir le cœur net, d’autant plus que ce genre de propositions empeste actuellement les réseaux sociaux. Et nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises.
Nous décidons d’entrer en contact avec l’auteur du message via WhatsApp. Sans difficulté le contact est rapidement établi. Par la suite, un lien d’invitation à intégrer un groupe nous est envoyé. Des images des épreuves de Mathématiques et d’orthographe au programme du BEPC 2022, sujets de ce mardi 14 juin, sont publiées. Elles sont soutenues par des notes vocales. Ceci dans l’idée de rassurer les intéressés quant à la crédibilité de la proposition faite. Mais le plus troublant, c’est le nombre de personnes à avoir intégré le groupe en l’espace de quelques minutes. 166 participants ou devrions-nous dire, 166 tricheurs aux aguets.
Mais le réseau est bien ficelé au point d’exiger des conditions pour bénéficier de ces services mafieux.
Il faut « envoyer la photo de la carte scolaire du candidat, son numéro matricule, nom et prénom via un numéro WhatsApp. L’intéressé devra par la suite s’acquitter de la somme de 20 000 FCFA pour les sujets non corrigés et de 30 000 FCFA pour les sujets corrigés », rassure une note vocale. Le timbre est féminin et l’auteure semble être sûre de son réseau.
Nous rassurons notre interlocuteur que nous lui enverrons les documents susmentionnés et le montant indiqué.
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Une heure plus tard, une autre note vocale avec une proposition plus explicite est envoyée. « Pour ceux qui sont partant pour les sujets de demain (NDLR 15 juin 2022) à savoir SVT et Anglais venez dès maintenant pour accepter mes principes. Payez d’ici 18 heures et je vais vous envoyer les sujets. Ce sont des risques que je prends, car actuellement je suis cachée dans une salle pour faire cette note vocale pour encourager les candidats. Donc qui ne risque rien n’a rien. Ceux qui sont intéressés, veuillez me contacter immédiatement », fait-elle savoir.
La balle est au centre. Aux participants de jouer. 20 000 ou 30 000 FCFA pour acheter une épreuve ou son corrigé. Une situation qui révèle que nous sommes bien en face d’un réseau constitué d’acteurs du système éducatifs avec notamment des professeurs et d’anciens élèves habitués à la fourberie en période d’examen. Et pour couronner le tout, le réseau prépare déjà les examens du Baccalauréat 2022.
« Pour le BAC, les sujets non corrigés sont à 30 000 FCFA et les sujets corrigés à 45 000 FCFA. Je laisse également une petite révision et prenez la peine de lire ce que je vous envoie. J’ai pris le courage de vous aider parce que mes enfants sont aussi passés par là, voilà pourquoi aujourd’hui je travaille pour ça. Si vous êtes intéressés, venez, on va trouver une solution », invite notre interlocutrice.
Les caméras installées dans les centres d’examen et la valse des surveillants dans les salles de la classe sont bien loin de dissuader les partisans du moindre effort. La tricherie bat son plein pendant ces examens de fin d’année et la situation dépasse le seuil rationnel. Car une question se pose avec acuité. Comment un groupe de tricheurs peut-il opérer sur les réseaux sociaux, à l’insu du ministère de l’Éducation nationale, alors que les téléphones sont normalement interdits dans les centres de composition ?
