Le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba n’est plus président du Burkina Faso. Il a été renversé le vendredi 30 septembre 2022 par un groupe de militaires avec à sa tête le capitaine Ibrahim Traoré. Un putsch qui porte à neuf le nombre de coups d’État dans le pays.
Deux coups d’État en huit mois. Le Burkina Faso enregistre à nouveau le retour des militaires dans l’arène politique. Après qu’un autre militaire, le lieutenant-colonel Paul Henry Damiba, a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré en janvier, le capitaine Ibrahim Touré a également pris le pouvoir en écartant Damiba. Mais ce coup d’État n’est pas le premier de l’histoire du pays.
Depuis son accession à l’indépendance du 5 août 1960 au vendredi 30 septembre 2022, le pouvoir au Burkina Faso à trois exceptions près (Maurice Yaméogo, Michel Kafando, et Roch Kaboré), a basculé aux mains de l’armée.
Le premier coup en 1966
La Haute-Volta, actuel Burkina Faso, accède à l’indépendance le 5 août 1960. Le premier président est Maurice Yaméogo, un civil. À la fin de l’année 1965, il met sur pied un plan d’austérité qui suscitera la colère des opposants. Des milliers de Voltaïques envahissent la rue pour protester contre les mesures du chef de l’État. Le lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana, chef de l’armée, en profite pour s’emparer du pouvoir début 1966.
Autopromu général le 22 avril 1967, l’ex-élève de l’école des officiers africains du Sénégal gère le pays d’une main de fer. Dans les années 1970, les terribles sécheresses plongent la Haute-Volta dans une situation d’insécurité alimentaire. Le général Sangoulé Lamizana fait face à des mouvements de contestation, dirigés par des enseignants. La situation devenue intenable, au matin du 25 novembre 1980, il sera renversé par son ancien ministre des Affaires étrangères, le colonel Saye Zerbo. Le colonel-président va suspendre toutes les activités politiques. Il ne passera que deux années à la tête du pays. Le 7 novembre 1982, il sera à son tour évincé du pouvoir par le médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo.
Le commandant Ouédraogo va vite se brouiller avec les jeunes officiers qui l’ont porté au pouvoir. Leur chef, le capitaine Thomas Sankara, nommé Premier ministre, sera emprisonné. Mais ce dernier, étant populaire auprès de la troupe, est vite libéré. Dans la nuit du 4 août 1983, Jean-Baptiste Ouédraogo est arrêté puis conduit au camp commando de Pô. Le pouvoir d’État vient ainsi de changer de camp.
Capitaine Sankara, le plus aimé
De tous les militaires qui ont dirigé ce pays sahélien, le capitaine Thomas Sankara a été celui qui a marqué les esprits. Homme peu protocolaire, il entreprend des réformes à tous les niveaux. Sous sa gouvernance, la Haute-Volta est rebaptisée Burkina Faso (pays des hommes intègres). Il impose des mesures drastiques aux officiels, obligés désormais de voyager en classe économique, annule les privilèges des hauts fonctionnaires, redistribue les terres aux paysans pauvres. Des campagnes de vaccination de masse auront pour effet de faire disparaître certaines maladies. Tribun hors pair, il harangue les foules tant au Burkina Faso que dans les sommets internationaux. Ce qui lui valut d’être adulé par la jeunesse des pays du tiers-monde. Il incarne l’espoir de tout un continent face au néocolonialisme.
Dans l’après-midi du jeudi 15 octobre 1987, alors qu’il est en réunion avec des collaborateurs, un commando dirigé par le lieutenant Gilbert Diendéré attaque le Conseil de l’entente. Le père de la Révolution burkinabé est criblé de balles. Quelques heures après, son ami et « frère », le capitaine Blaise Compaoré s’autoproclame président du Burkina Faso et procède à une « rectification » de la révolution burkinabé entamée 4 ans plutôt. Il renoue avec l’Élysée dont les relations avec l’ancien régime étaient exécrables.
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La rectification en marche
Durant 28 ans, Blaise Compaoré va diriger le Burkina Faso. Si ses détracteurs lui imputent une gestion de main de fer, le pays va connaître sous son règne, une transformation spectaculaire avec la sortie sous terre de joyaux architecturaux dont les quartiers résidentiels Ouaga 2000, les salaires des fonctionnaires, les conditions de vie des burkinabés connaîtront une amélioration. En automne 2014, suite à sa volonté de modifier la Constitution afin de briguer un autre mandat, il est évincé du pouvoir par une insurrection populaire. Il trouve refuge en Côte d’Ivoire, le pays de son épouse Chantale.
À sa chute, le diplomate Michel Kafando est chargé de conduire le pays vers des élections démocratiques. Le 17 septembre 2015, il est renversé par des militaires. Détenu quelques jours, il sera libéré grâce à une contre-offensive menée par Paul-Henri Sandaogo Damiba, capitaine au moment des faits.
Premier scrutin démocratique après l’ère Compaoré
Roch Marc Kaboré remporte le premier scrutin démocratique avec 53,5 %. En novembre 2020, il réussit à se faire réélire, mais la situation sécuritaire marquée par la menace djihadiste va de mal en pis. Cela sert d’argument au lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, commandant de la 3e région militaire de faire le putsch du lundi 24 janvier 2022. Bis repetita, les mêmes arguments seront utilisés pour le renverser à son tour le vendredi 30 septembre par le jeune capitaine de 34 ans, Ibrahim Traoré. Ainsi se succèdent au pouvoir pour la neuvième fois, les régimes militaires au pays des Hommes intègres.