En cette journée de célébration internationale des droits de la femme, 7info met à l’honneur, ces femmes au cœur du métier des armes, ces femmes-garçons dans l’armée ivoirienne.
Elles sont le symbole de ce que la femme est capable d’aller au-delà des images stéréotypées. Très Souvent qualifiée de sexe faible, la femme, en Côte d’Ivoire comme partout dans le monde, a du mal à intégrer certains corps de métier, qualifiés de profession d’homme. Au sein des Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI), les femmes se sont fait une place de choix.
Coup de projecteur sur ces femmes qui relèvent des défis, d’homme.
Tout est possible à celui qui a de la volonté dit-on. Et cela, les femmes l’ont bien compris dans l’armée de Côte d’Ivoire où elles se démarquent par leur bravoure et l’ardeur au travail. Elles sont à la tête de groupes, de sections, de compagnies, de bureaux, ou encore de services et excellent dans leur travail.
L’amour du terrain comme leitmotiv
Pour le Chef de bataillon Kouassi N’Dri Roselyne épouse Johnson, «L’emploi n’a pas de genre». Aujourd’hui Commandant en Second de l’Ecole Nationale des Sous-Officiers d’Active (ENSOA) de Bouaké, c’est en janvier 2005 que Kouassi N’dri Roseline fait son entrée à l’Ecole des Forces Armées. En mission de travail à Abidjan, c’est à l’Etat-Major Général des Armées, à Abidjan-Plateau, qu’elle rencontre 7info. Coupe de cheveux dame, une paire de lunettes de lecture sur le visage, c’est un officier sûr que nous découvrons.
Ce métier, elle l’a choisi par ‘’amour’’ mais surtout pour ressembler à son père biologique, militaire de profession. «C’est un choix qui n’était pas facile au début car les amis et connaissances avaient des préjugés. Dans l’armée, les gens sont carrés, me disait-on souvent ».
Son amour pour le métier des armes et son engagement lui font rapidement gravir les échelons. Ainsi, en octobre 2006, elle devient sous-Lieutenant puis Lieutenant en octobre 2008 avant de passer Capitaine en octobre 2013. Promu Chef de bataillon, Kouassi N’dri Roselyne intègre les Forces Spéciales dès leur création en 2011 en qualité de Commandant d’une unité opérationnelle, avant de devenir Commandant en Second de l’ENSOA. Cet amour du terrain lui vaut d’être respectée parmi ses paires et de ses hommes.
Dans ses tâches, le Commandant Roselyne relève pourtant le machisme de certains hommes. Eternel réflexe ! « Avec les femmes, le commandement passe sans problème. Mais, avec les hommes, ce n’est vraiment pas facile ». Et d’ajouter : «Il leur est très souvent difficile d’accepter que ce soit une femme qui commande et donne des ordres. Leur esprit le rejette. Je les comprends parce que ce sont eux qui donnent des ordres chez eux et la femme exécute. Mais, ici c’est l’armée. Et quand on a un chef homme ou femme, il faut obéir à ses ordres » rappelle-t-elle.
Son quotidien rigoureux, elle le décrit comme une journée mécanique, à l’image d’un robot. « Je me réveille à 05H du matin pour la caserne où la pratique du sport se fait tous les jours à 06H 30 du matin avant l’exécution des autres tâches liées à la fonction pour ensuite rentrer entre 18H et 19h », affirme-t-elle.
Mère de famille et femme au foyer, Mme Johnson, avoue que ce calendrier journalier n’est pas facile pour les siens. «Il est encore difficile à supporter quand il y a une mission de longue durée à l’étranger ». Le Commandant en second de l’Ensoa a, dans sa carrière, déjà effectué des missions hors du pays, notamment dans le cadre de la mission des Nations Unies au Sahara occidental qui a duré un an (Décembre 2018-Décembre 2019).
«Loin de la maison, on se met en mode TIC pour rester en contact avec les siens. Ce sont souvent les appels via les réseaux sociaux pour vous voir à travers les vidéos… On a besoin d’une bonne base arrière que constitue la famille et surtout de beaucoup de prière pour tenir dans ce genre de moments », fait-elle savoir. Pour cette femme, Commandant, il faut sortir des considérations et des stéréotypes. La femme n’est pas faite que pour rester dans les cuisines et « A force de volonté, on peut tout faire ».
Le goût du risque, une motivation de supplémentaire.
Parachutiste confirmée, le Sous-Lieutenant Touré Kognoba, a la charge de la sécurité du Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Issue du 1er Bataillon de commandos et de parachutistes (1er BCP), cette diplômée de Droit est entrée au sein des Forces Armées ivoiriennes en 2013. Déjà à l’école de Formation des officiers, elle se démarque par ses qualités physiques et intellectuelles. Présente durant les deux ans de formation dans la garde au drapeau conférée aux majors de promotion, elle choisit comme arme l’infanterie. A sa sortie d’école elle opte pour la spécialité commando et parachutiste et obtient les brevets ivoirien et français avec huit sauts d’urgence dont un crépusculaire (nuit).
Face aux préjugés, Touré Kognoba a pour habitude de dire : «Nous sommes au service de l’Etat de Côte d’Ivoire… le mental, il doit être fort… pas de place pour l’indiscipline et le manque de respect ».
En opération extérieure, la femme militaire ivoirienne fait honneur
15 novembre 2017, le Chef de Bataillon Viviane Adanou pose ses valises à l’aéroport de Bamako, en pleine crise malienne. Cette épouse et mère de famille est transférée à Tombouctou pour servir en qualité d’Adjointe au Chef de la Cellule Formation au sein de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation du Mali (Minusma). Premier officier féminin ivoirien pour la mission, le Commandant Adanou, s’illustre de belle manière, ce qui lui vaut d’occuper la fonction de « point focal-genre » sur la période d’une année.
Chef de bataillon Adanou Ablan Viviane, la validation des stages et des formations c’est son affaire
Comme le Chef de bataillon Kouassi N’dri Roselyne Epouse Johnson, c’est l’éducation de rigueur reçue de son père militaire qui a incité le Chef de bataillon Adanou Ablan Viviane à entrer dans l’armée depuis octobre 2006. Le bureau Emploi/Stage à l’Etat-major de l’armée de terre est son service. Debout elle aussi chaque jour aux aurores, elle ne retrouve sa maison que quand son patron lui donne son accord ou lorsque le service n’a plus besoin d’elle.
Entre ses mains, reposent au quotidien les tâches de validation des stages dans l’armée de terre. C’est elle qui fait tourner l’effectif tout en s’assurant que toutes les troupes aient les formations adéquates pour avancer.
Dans sa carrière de femme militaire, Chef de bataillon Adanou Ablan Viviane reconnaît avoir souvent eu des difficultés imposer son autorité auprès des hommes. Entre 2008 et 2009, raconte-elle à 7info.ci, encore à L’Ensoa avec le grade de Lieutenant, elle devait organiser des CA1.
«En pleine brousse en exercice de combat, j’ai donné l’ordre à l’un des éléments sous mon commandement, un homme, et il a refusé d’exécuter. Alors je lui ai dit que s’il ne faisait pas ce qui lui était dit de faire, personne n’allait rentrer à la base. Vu mon insistance et l’intransigeance que j’affichais, ses amis lui ont dit : obéis au Lieutenant pour ne pas qu’on soit tous sanctionnés. En définitive il a obéi, je lui ai fait des remontrances et il est ensuite rentré dans les rangs », se souvient-elle. « Je me suis imposée et la discipline a été imposée », poursuit le Chef de bataillon Adanou Ablan Viviane.
La santé des troupes, une magie du Médecin-Capitaine Nioulé Marina
Dans cet effectif de femmes militaires, on compte également du personnel médical. Le médecin Capitaine Nioulé Marina en fait partie. Elle est médecin-chef au centre de santé des armées du Bataillon du Commandement de Soutien (BCS). L’amour du métier lui a été communiqué par son père, infirmier à la marine nationale. Mais, «C’est surtout la vue d’une femme Médecin-Colonel dans sa tenue blanche qui m’a impressionné», confie-t-elle.
En 2015, date de son entrée dans l’armée, le Médecin-Capitaine Nioulé Marina fait parler d’elle. Elle est major de la 10è promotion de médecins élèves officiers de l’EFA de Zambakro. Comme toutes ses consœurs, la profession lui prend plus de temps qu’elle ne le consacre à sa famille. « Chaque journée de travail débute pour moi dès 4h du matin. Juste le temps de faire à manger rapidement pour les enfants et ensuite prendre le chemin du service pour ne retourner qu’à partir de 17h30 », explique-t-elle. Non sans reconnaître que ce calendrier est très difficile pour les siens qui ont fini par s’en accommoder.
Au bureau, le Médecin-Capitaine Nioulé Marina s’occupe des consultations de malades, ou apprécie l’état de santé des personnes à envoyer en mission ou en formation. A l’instar du Chef de bataillon Adanou Ablan Viviane, elle reconnaît avoir souvent eu des difficultés à faire respecter son grade par des hommes. «Certains me voient juste comme un médecin et ne se réfèrent pas à mon grade », dénonce-t-elle tout en racontant un fait qui l’a poussée à bout.
« Un stagiaire qui devait aller à l’extérieur du pays est venu un jour à mon bureau où il est bien écrit à la porte Médecin-Capitaine. Une fois entré, il a lancé un ‘’bonjour madame’’ de manière futile. Comme je n’ai pas répondu, il a continué par ‘’je viens pour prendre des renseignements et vous ne me répondez pas et ne me donnez pas de place pour m’asseoir. Etes-vous un militaire, lui ai-je demandé ? Il ne voulait pas répondre alors je l’ai fait sortir du bureau. Quelques instants après, son message est venu. Il devait aller au Burkina Faso pour un stage. J’ai dit que je ne lui donnerai pas l’aptitude tant qu’il ne s’excusait pas pour son comportement. Il a fallu l’intervention de mon supérieur pour que je change d’avis. C’est d’ailleurs près d’une semaine après que j’ai délivré son document… je ne sais pas si c’est un comportement général ou si c’est seulement à l’infirmerie qu’ils agissent ainsi. Quand ils sont en face d’une femme, il est difficile pour les hommes de respecter le grade », déplore le Médecin-Capitaine Nioulé.
Mais pourtant, ces réactions ne détériorent en rien son amour pour le métier des armes. «Si je devais à nouveau faire le choix d’une profession, je choisirais encore l’armée. J’ai ce métier dans la peau», dit-elle tout en souhaitant être un jour choisie pour faire des missions comme celles au Mali.
Comme le Chef de bataillon Kouassi N’dri Roselyne Epouse Johnson, ce sont à ce jour un peu plus de 400 femmes qui sont dans les rangs des Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI). On les retrouve dans tous les corps. A savoir à la marine nationale, l’armée de l’air, l’armée de terre, au Génie, au BASA, aux Finances, à la magistrature, à la communication et dans les Forces spéciales.
La politique du genre, le Général de corps d’Armée, Lassina Doumbia l’a amplifié depuis sa prise de commandement et en fait une stratégie de réussite. Le mardi 11 février, la célébration du 63ème anniversaire des Forces armées libériennes à Monrovia, autour du thème, «Les stratégies pour l’insertion totale du genre dans le secteur de la sécurité : Forces armées libériennes en perspectives », ont vu la distinction du chef d’Etat-major général des armées de Côte d’Ivoire, le Général de corps d’armée Lassina Doumbia. Il a reçu la médaille de l’ordre du service distingué.
En cette journée internationale de célébration des droits de la Femme, l’on ne peut que saluer cette vision, non paternaliste du Général Lassina Doumbia, mais du grand chef qui sait plus que quiconque que les femmes ont leur place dans le dispositif de défense comme dans les autres corps de métier. Il n’y a plus d’espace dédié uniquement aux hommes. Les barrières sont longtemps tombées au profit des femmes, dans l’armée ivoirienne.