Silence absolu sur le fait. Graduellement, certains aliments de première nécessité connaissent une hausse de prix en Côte d’Ivoire. Le consommateur ivoirien qui n’a pas été averti, s’interroge sur les raisons de ces augmentations.
« Quand l’on se rend au super marché, dans les rayons, on constate une légère augmentation de 50 à 100 FCFA sur les produits qui apparemment sont insignifiants. Mais, une fois à la caisse, on se rend compte que la facture est vraiment salée », explique à Politikafrique.info Marthe Konan, habitante de Cocody qui dit avoir observé depuis quelque temps une hausse de prix sur les différents produits. Charles Bako lui, réside dans la commune de Yopougon plus au nord à Abidjan la capitale économique ivoirienne. Il a également vécu son expérience. « J’ai été surpris hier (mardi 7 mars, Ndlr) d’acheter le gros tube de dentifrice que j’avais l’habitude de payer à 800f à 900f dans la boutique près de chez moi » fait-il savoir. Son avant dernier achat remonte à 1 mois.
Aucune communication n’a été faite à cet effet. Les consommateurs ont au fil des jours, constaté ces différentes augmentations des prix sur le marché et ce sur plusieurs produits de consommation. Konaté Adama grossiste et demi-grossiste au marché « Forum » dans la commune d’Adjamé confirme la propension à l’augmentation. « Le kilogramme de sucre blanc qu’on vendait à 700 FCFA est passé à 800 FCFA. Le sucre roux lui est passé de 600 à 700 FCFA. La petite boîte de café (Nescafé) de 25g est passée de 750 FCFA à 800 FCFA. Celle de 200g qui coûtait 2500 FCFA, est montée à 2700 FCFA. Les deux qualités de beurre que je vends habituellement à 300 FCFA et 350 FCFA sont désormais respectivement à 350 FCFA et 400 FCFA soit une hausse de 50 FCFA sur chacune des marques », soutient-il.
« L’huile bat le record »
Konaté Adama ajoute que le kilogramme de la poudre de lessive « omo » est passé de 1500 FCFA à 1700 FCFA. Idem pour le carton de savons qui a subi depuis peu une augmentation de 500 FCFA. Cependant, il dit opter pour le maintien du prix initial de l’unité. Car selon lui, il est incertain que les clients l’achètent à un prix à la hausse.
« Chaque semaine il y a le coût d’un produit qui augmente sur le marché », révèle en outre le grossiste. Cependant, il reste marqué par l’augmentation du prix de l’huile. « La bouteille de 0, 90 L est progressivement passée de 700 FCFA à 800 FCFA. Maintenant nous sommes à 1000 FCFA », soutient le commerçant, tout en précisant que ces augmentations sont intervenues progressivement depuis le mois de décembre 2016.
A cette période, « aminata24 », une cyber-activiste proche du pouvoir, faisait une alerte sur les changements intervenus sur les prix des produits alimentaires. Le 5 décembre 2016, sur sa page Facebook, elle publiait : « Côte d’Ivoire : depuis quelques semaines, les prix du lait, de l’huile et du kilogramme de sucre ont augmenté, à Abidjan comme à Bouaké, les consommateurs grognent ».
Etait-ce l’effervescence des fêtes de fin d’année ? Konaté Adama ne le confirme pas. Selon lui, et sur la base des informations reçues de ses fournisseurs, les changements sont dus à « des taxes au niveau du port et une augmentation au niveau de l’usine ».
Comme lui, Cissé Inoussa, un grossiste également dans ce même espace commercial, atteste une montée des prix. « Plusieurs produits ont vu leurs prix augmenter, mais l’huile bat le record », dit-il. Pour lui, cette augmentation a duré. « D’habitude, révèle-t-il, c’est 2, 3 semaines ou un mois maximum pour que les produits reprennent leur prix ordinaire». Mais malgré tout, il essaie de faire des bénéfices et sa technique est simple : « Je mets 100 FCFA sur chaque produit pour revendre » confesse-t-il.
De multiples raisons évoquées
Joint par Politikafrique.info, Doukoua Godé le président de la Fédération nationale des associations de consommateurs de Côte d’Ivoire explique qu’ « En général, ces genres d’actions ne sont pas justifiés parce que quand vous remontez à l’usine ou au niveau de l’importateur, très souvent les choses n’ont pas changé. C’est au niveau du détail qu’on a cette augmentation », dit-il. Non sans indiquer que son action reste à titre préventif. « Nous sensibilisons nos consommateurs à être des consommateurs avertis et nous les orientons dans leur manière de faire des achats. Nous dénonçons aussi les pratiques à faire contre la libre concurrence et à favoriser superficiellement les augmentations de prix, sinon les hausses excessives de prix qui créent des situations inflationnistes », fait savoir le défenseur de consommateurs.
Pour Doukoua Godé, il est préférable de ne faire les achats que dans les supermarchés où les prix respectent certaines normes. Il conseille également les consommateurs de faire des achats groupés ce qui consiste au fait qu’une ou 2 personnes fassent des achats chez un grossiste après cotisation et le partager ensuite pour le reste du groupe.
À la Commission de la concurrence et de la lutte contre la vie chère, un agent reconnaît ce bond qu’a connu l’huile via la marque « dinor ». Selon cet agent qui a requis l’anonymat, le rôle de cette structure est plutôt de lutter « contre le monopole, les positions d’avis dominantes, les pratiques anti- concurrentielles…. c’est vrai que cela peut impacter sur le coût de la vie, mais notre impact n’est pas direct » fait-il savoir. Pour lui, ces différentes augmentations pourraient être causées par l’augmentation de certaines taxes que les commerçants répercutent sur les différents produits.
« C’est l’Etat qui doit intervenir… Il y a souvent des situations transversales qui concernent plusieurs ministères. Si le ministère de l’Economie et des Finances augmente par exemple les impôts, que peut faire le ministre du Commerce? », s’interroge la source. Mais, il fait cas également de la loi de l’offre et de la demande qui pourrait être un facteur d’augmentation de ces produits.
Du côté de « dinor », une des marques d’huile de consommation ménagère, on se défend. « Il y a une augmentation du coût de la palme depuis décembre 2016. Le prix du produit fini a donc connu une hausse. Nous espérons que cela se régularise au plus tôt pour notre satisfaction à tous », explique une source.
Le Conseil national de la lutte contre la vie chère, lui, après constat de la hausse du prix dit avoir mené son enquête auprès des industriels conformément à ses missions. « Notre rôle est de rencontrer les industriels comprendre les difficultés qu’ils rencontrent et y apporter une réponse quand cela résulte du rôle de l’Etat ou lorsque l’Etat est en mesure d’intervenir sur l’élément bloquant » explique à Politikafrique.info Dr Bah-Koné, secrétaire technique.
Selon ce conseil, cette situation est indépendante des industriels qui évoquent « une hausse du prix de la graine bord champ », leur matière première au niveau national mais également international due à une baisse de prévision de 2017, ce qui a impacté toute la chaîne. En Côte d’Ivoire le problème s’explique par le fait que les plantations sont vieillissantes d’où la baisse de la production. « Ici, le problème n’est pas structurel mais plutôt conjoncturel ce qui fait que l’offre a diminué. Mais, cela ne va pas durer. Nous pensons qu’avec les nouvelles récoltes qui seront meilleures, nous pourrions revenir à des prix normaux », espère Dr Bah-Koné.
Le conseil national de la lutte contre la vie chère est une organisation transversale regroupant 30 structures du public et du privé. Il a été mis en place en 2014. Son rôle est de lutter contre la vie chère et le bien-être des populations.
Raïssa Yao
Source : rédaction Politikafrique.info