Cette fois-ci, on est bien loin de l’Afrique. Deux présidents et une Chancelière se disputent des tickets de très longs séjours à la tête de leurs pays respectifs. L’alternance qui recouvre le socle démocratique est-elle mise à mal en Allemagne, en Chine et en Russie? Eclairage.
Le 5 mars dernier, le Parti Communiste Chinois (PCC) a levé la limite de deux mandats présidentiels inscrite dans la Constitution, offrant au Président Xi Jinping à la tête du pays depuis 2013, la possibilité de se maintenir au pouvoir après 2023, jusqu’à la fin de sa vie. Il devient du coup, le « Mao Tsé-Toung du XXIe siècle », tout puissant fondateur du régime communiste en 1949. Cette levée de verrou a permis à Xi Jinping, âgé de 64 ans, d’être réélu pour un deuxième mandat de cinq ans, le samedi 17 mars dernier, lors d’un vote à l’unanimité, en sa faveur. Il a été élu par les 2.970 députés présents à la session plénière annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP).
Depuis son arrivée à la tête du Parti Communiste, fin 2012, Xi Jinping a concentré les pouvoirs sur sa personne comme aucun dirigeant chinois ne l’avait fait depuis au moins un quart de siècle. Il a engagé une lutte contre la corruption qui a vu plus d’un million de cadres sanctionnés. Mais d’aucuns y voient avant tout un moyen pour le président, de se débarrasser de toute opposition interne.
Son pouvoir s’est accompagné d’un retour du quasi-culte de la personnalité autour du président, omniprésent dans les médias, et d’un renforcement de la répression visant la presse, les défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme. Xi Jinping a promis en octobre, de combattre tout ce qui pourrait « saper » le pouvoir du PCC et le système socialiste.
Tout ceci, il faut le noter, comporte un grand risque de stabilité occasionnant du coup le retour de l’ère Mao Tsé-toung, où une seule personne décidait pour tout le peuple.
Geoffroy-Julien Kouao, juriste-essayiste et politologue, joint par Pôleafrique.info a souligné que, « ces élections se sont déroulées dans un cadre de parti unique. Hors la démocratie, suppose le multipartisme, c’est-à-dire l’expression plurielle. Donc déjà on ne pas parler d’élections démocratiques en Chine. La Chine n’est pas une démocratie, c’est une dictature. En ce sens qu’il n’y a qu’un seul parti. Le parti d’Etat, le parti communiste. Et c’est à l’intérieur de ce parti qu’on choisit le Président. Or le parti unique est l’antithèse de la démocratie.» a réagi l’universitaire.
Même son de cloche du côté de la Russie où Vladimir Poutine a été réélu à la tête du pays ce dimanche avec 76,67 % des voix, après le décompte de plus de 99 % des bulletins. C’est le meilleur score jamais obtenu par ce dernier en 18 ans de règne.
« S’agissant de la Russie avec Vladimir Poutine, les élections ont été boycottées par une partie de l’opposition. Certains candidats ont été empêchés de se présenter à cette présidentielle. C’est une élection qui rappelle un peu celle qui se passe régulièrement en Afrique. On ne peut pas dans un tel contexte parler de démocratie » a renchéri Geoffroy-Julien Kouao.
Quant à la chancelière allemande, Angela Merkel, après seize ans de pouvoir, a été réélue ce dimanche pour un 4e mandat, a eu du mal à cacher sa déception en conférence de presse. Comme le souligne le quotidien populaire Bild sur son site internet, la chancelière a fait « son plus mauvais score depuis 1949 » avec 32,9% des voix, tandis que l’extrême droite s’est imposée comme la « troisième force politique du pays » avec 13% des voix.
Dans une démocratie occidentale, plus qu’une prouesse, c’est une exception. D’ordinaire, la barre des dix ans est souvent fatale en démocratie, pour une question d’usure. Ou tout simplement par un jeu d’alternance inscrit dans l’agenda institutionnel, comme aux Etats-Unis, un président ne peut rester plus de huit ans.
Pour Geoffroy-Julien Kouao, « c’est le mode d’organisation des élections, le mode d’exercice du pouvoir et le mode d’évolution du pouvoir qui détermine l’état démocratique d’un Etat. En Allemagne, Mme Merkel est à son quatrième mandat à la suite d’élections régulières et concurrentielles, donc plurielles. Alors donc, nous sommes dans le cadre d’une démocratie parfaite. C’est une tradition en Allemagne. Helmut Khöl a fait plus de dix ans, Gerhard Schröder également. Nous sommes dans une tradition car il y a eu une élection démocratique, parce que faite et accepter par tout le monde dans un cadre concurrentielle et en accord avec les textes en vigueur » soutient-il.
Dans la plupart des démocraties occidentales, les gouvernants sont choisis par des élections libres qui respectent trois conditions, à savoir la libre adhésion d’un candidat à un parti de son choix, le suffrage universel (hommes et femmes peuvent voter et chaque individu détient un vote) et le scrutin libre et secret. L’exercice du pouvoir se fait par les élus du parti formant la majorité au gouvernement, et qui ont la légitimité pour gouverner. L’opposition, représentée par les autres élus, a la liberté de critiquer le gouvernement, de surveiller ses actions et proposer des solutions alternatives
Mais la nouvelle donne politique pourrait bien donner des idées à la jeune génération. En 2021, Angela Merkel aura gouverné durant seize ans. La gestion de ce quatrième mandat, sera plus délicate que les trois précédents. La soif de stabilité exprimée par les électeurs allemands depuis douze ans, devrait laisser la place à une soif de changement surtout face à la percée de l’extrême droite sur la base de la politique migratoire et de l’économie de Mme Merkel.
LADE Armel Kévin (stagiaire)
Source: rédaction PôleAfrique.info