Dans une déclaration à la presse, en date du vendredi 11 janvier 2018, Monsieur OULAT Privat, Député de la Circonscription de Duékoué, Vice président de l‘Assemblé Nationale, s‘est prononcé, au nom du Bureau de l‘Assemblée Nationale, sur la procédure pénale engagée contre Monsieur EHOUO Jacques, Député de la Circonscription du Plateau.
Dans sa déclaration, Monsieur OULAT Privat a cru devoir faire un rappel sur l’existence de trois pouvoirs dont le pouvoir législatif, qui agirait directement au nom du Peuple de Côte d‘Ivoire, et non par procuration,
Il a en outre indiqué qu‘au–delà des budgets importants dont la Côte d‘Ivoire s‘est dotée, il était nettement mieux d‘avoir une justice outillée, qui réponde véritablement aux aspirations du peuple.
Soutenant que les Députés qui ont voté les dispositions légales discutées connaissaient, mieux que quiconque, l‘esprit et la lettre des différents articles de la Constitution, il a demandé d‘arrêter d‘en faire des interprétations inutiles.
La déclaration de Monsieur le Député OULAT Privat appelle les observations suivantes :
1– Les parlementaires tiennent leur pouvoir de représentation nationale de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016, dont l‘article 143 dispose que « la justice est rendue sur toute l‘étendue du territoire national, au nom du peuple ivoirien, par la Cour Suprême, la Cour des Comptes, les cours d‘Appels, les Tribunaux de première instance, les tribunaux administratifs et les Chambres Régionales des Comptes »,
Il en résulte que, relativement au pouvoir judiciaire, agir au nom du Peuple n‘est pas l‘apanage du seul pouvoir législatif.
2– Le fait pour un Député, représentant de la Nation, de s‘autoriser à jeter le discrédit sur un autre pouvoir constitutionnel est inacceptable et ne saurait être toléré, surtout lorsque les animateurs du pouvoir judiciaire ne font qu‘appliquer les lois de la République, conformément à la Constitution.
C‘est le lieu de rappeler qu‘en vertu de l‘article 140 alinéa 2 de la Constitution, « le Magistrat est protégé contre toutes formes d‘ingérence, de pression, d‘intervention ou de menace ayant pour effet de nuire à l‘accomplissement de sa mission ».
Il convient, en conséquence, d‘appeler les uns et les autres, fussent–ils parlementaires, au respect de l‘indépendance du pouvoir judiciaire, indépendance consacrée de façon non équivoque par la Constitution.
3– La Constitution, qui prévoit les pouvoirs et organise les rapports entre eux, sépare très clairement la fonction d‘édiction de la loi de celle de son application, en confiant chacune de ces fonctions à des pouvoirs distincts.
Au demeurant, être Député d‘une législature ne signifie pas qu’on a voté toutes les lois de la République, et qu‘on en connaît, mieux que quiconque, l‘esprit et la lettre.
Par ailleurs, s‘agissant des dispositions prévues par la Constitution, notamment l‘article 92, il convient de rappeler qu‘elles ont été adoptées par référendum par le peuple de Côte d‘Ivoire, et non par le pouvoir législatif.
L‘interprétation de ces dispositions relève en conséquence de la compétence du Conseil Constitutionnel, prévu par la Constitution comme « organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics ». Cette interprétation ne relève donc pas du Parlement.
Au total, la séparation des pouvoirs voulue par le peuple ivoirien et gravée dans le marbre de la Constitution, a un sens que tous, à quelque niveau que l‘on se situe, devraient se garder de dévoyer par des déclarations ou comportements inappropriés.
Fait à Abidjan le 13 janvier 2019
Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme