La société des limonaderies et de brasseries d’Afrique plus connue sous le sigle de Solibra, vieille « institution » de la bière en Côte d’Ivoire a tenu à situer les ivoiriens sur l’avènement de la concurrence dans le secteur.
Comme Politikafrique.info l’a souhaité, la coulée de bière n’a pas laissé insensible les dirigeants de la première brasserie en Côte d’Ivoire. Patrick Assi, le Directeur commercial et Emmanuella Moulod ont tenu, à traduire la vision de leur société sur la question.
Avant l’ouverture de la bouteille, ces deux responsables ont tenu à préciser que Solibra a contribué et accompagné le développement économique et social de la Côte d’Ivoire depuis des dizaines d’années. Patrick Assi a tenu à relever que « Solibra n’a jamais racheté les Nouvelles brasseries ivoiriennes » qui fabrique la bière Number One. Responsable commercial et marketing d’Idis, société de distribution des produits de Solibra, il insiste sur le fait que Solibra a maintenu son activité pendant les crises politiques que le pays a connues. « Nous avons payé les gens ici à la caisse et surtout aucun employé n’a été renvoyé » tenait-il à préciser.
Il réagissait à la question du rachat des Nouvelles Brasseries Ivoiriennes, arrivées comme un concurrent à Solibra qui, dit-on, avec des pratiques anti-concurrentielles, l’a phagocytée.
Il précise que cette brasserie était bel et bien son concurrent mais « n’arrivait pas à vendre et cherchait quelqu’un pour la racheter »
« Nous appartenons tous au même groupe, le groupe castel » précise Assi Patrick. Il explique que chaque entité est censée rendre compte au groupe sur les objectifs qu’il s’est assignés.
« Ils ont des objectifs de vente et mon objectif c’est de vendre des produits également. S’il me dérange sur le marché moi aussi je le dérange sur le marché et puis chacun doit bâtir ses volumes » fait-il savoir.
Concernant l’exclusivité qu’avait son entreprise sur le marché, il soutient que Solibra a construit le marché de la brasserie en Côte d’Ivoire et toujours eu des concurrents notamment, Bracodi, céleste et autres. « Nous n’avons pas peur de la concurrence. Cela nous fait plaisir parce que la concurrence nous permet de nous mettre en cause et ainsi maintenir notre cap qui est la qualité» assure–t-il , exaspéré par la question tout en niant les récriminations des concessionnaires et responsables de maquis.
Certains de ces « partenaires commerciaux » de Solibra qui n’ont selon pas le Directeur commercial, « aucun lien » administratif avec la société, dénoncent des « pressions » pour ne pas vendre des boissons autres que celles de Solibra. « Nous ne sommes pas saisis de ces récriminations de ces partenaires qui sont en fait des privés qui viennent contracter avec nous suivant un cahier de charges » tient à préciser Patrick Assi.
Qu’en est-il du contentieux en cours relatif au rachat des Nouvelles Brasseries Ivoiriennes? « Nous ne sommes pas au courant d’un contentieux en cours. Nous n’avons reçu aucune notification ouvrant lieu à un contentieux » relève Emmuella Moulod.
Selon la responsable juridique de Solibra, Emmanuela Moulod, Solibra ne se reconnait pas dans un quelconque contentieux « pendant » à la commission de la concurrence à l’union économique et monétaire ouest africain (Uemoa).
Elle précise que sa structure a été contactée par l’Uemoa dans le cadre d’une enquête sectorielle sur les boissons qui ne concernait pas que Solibra mais plusieurs autres acteurs du secteur des boissons afin d’actualiser les données dans ce milieu.
La concurrence vient de faire son apparition dans le domaine de la brasserie en Côte d’Ivoire. Après une tentative manquée il y a 3 ans, par les nouvelles brasseries ivoiriennes (LBI), Brassivoire vient de faire son entrée dans l’arène de la brasserie qui a été longtemps l’affaire d’une seule société.
Les bières viennent sur le marché ivoirien mais ne se ressemblent pas. Pour l’heure, après sa présentation officielle le lundi 14 novembre dernier, la bière « Ivoire » de Brassivoire inonde les tables des consommateurs ivoiriens.
Brassivoire est une joint-venture entre le hollandais Heineken et CFAO. Dans un pays à la croissance économique de 9% et où la consommation est de 11l/hbt/an, « il existe un bon potentiel sur le marché », fait savoir Koch Alexander, le Directeur Général de Brassivoire.
Il vante son produit « au goût léger, développé avec les consommateurs ivoiriens » fait-il savoir.
Cet investissement de 100 milliards de FCFA dans un pays où la laïcité favorise la bonne consommation de l’alcool quoi qu’il y ait une bonne représentativité de musulmans, Koch Alexander est très précis, « ce n’est pas un projet à court terme » assure le néerlandais.
Le disant, il sait, en fin connaisseur du terrain de la concurrence et sûrement au parfum du sort subi par « les nouvelles brasseries ivoiriennes », arrivées pour prendre leur part du marché quasi-monopolistique de Solibra (Société des limonaderies et brasseries d’Afrique, Groupe Castel), qui a fait long feu. Les témoignages abondent sur les coups bas reçus sur le terrain de la concurrence.
« A l’arrivée de « Number one », ancienne version, concurrente du produit phare de Solibra au niveau de la bière, Bock, nous avons remarqué que les promoteurs de cette bière étaient plus attentifs à nos préoccupations. Du coup, nous nous sommes tous tournés vers eux » explique N. K, sous couvert d’anonymat, propriétaire d’un dépôt de boissons à politikafrique.info.
Mais, bien avant il mentionne un fait de l’entreprise dominante. « Au début, comme elle avait le monopole du marché, elle faisait ce qu’elle voulait. Elle ne prenait pas en compte nos préoccupations » fait-il savoir.
D’un autre côté, Dame G., gérante et propriétaire de maquis, fait cas de la pression subie en tant que distributeur pour avoir vendu « Number One ».
« Solibra visitait les maquis et nous demandait de ne pas vendre les produits de son concurrent. Il disait au sous-dépôt de ne pas ravitailler les maquis qui vendaient les boissons « number one ». Elle précise qu’ils (distributeurs) étaient menacés de ne plus faire partie des distributeurs Solibra.
Elle soutient que la pression était si forte qu’à un certain moment, elle préférait s’alimenter avec les camions de livraison pour ne pas que l’on sache où elle se ravitaillait.
Distributeurs, concessionnaires, propriétaire de dépôts et sous dépôts de boissons n’ont pas été épargnés par la pression, se souvient-elle.
Pour Koch Alexander, « c’est le consommateur qui décidera de notre avenir, ce sera dynamique sur le marché » se réjouit le DG de Brassivoire qui prévient qu’il ne plaisantera jamais avec son « atout majeur, la qualité ».
Vendu à 500F la bouteille qu’il qualifie de « jolie bouteille », M.Koch estime que son produit est « une marque qui traduit l’ambition de ce pays, l’émergence à l’horizon 2020 ». Avec ses 200 employés « fresh », « une équipe dynamique et motivée », Brassivoire sait que la concurrence sera âpre.
Stoïque et ferme dans l’adversité, Koch Alexander se nourrit d’espoir.
« Je ne veux pas parler d’une bataille mais j’espère que tout le monde va jouer honnêtement le jeu » et d’estimer que « l’intimidation est une pratique de l’ancienne époque ».
Pour le DG du nouveau venu, implanté au PK24 sur l’autoroute, « il y a des cas d’intimidation » avant de sonner le glas à toute tentative de dissuasion, « on est là pour rester, on ne va pas partir » a-t-il assuré.
Les nouvelles brasseries ivoiriennes à travers leur bière « number one » ont, il y a trois ans brisé le monopole qu’avait la société des limonaderies et des brasseries d’Afrique (Solibra). Au moment où les acteurs de ce secteur avaient commencé à s’habituer à une concurrence, certaines rumeurs faisaient cas de la fusion de ces deux entreprises au détriment du consommateur. Cette fusion résulterait de la chute de « number one » qui n’a pas résisté à la concurrence que lui a imposée Solibra.
« Number one a été racheté par Castel. L’an prochain, il y aura une fusion de ses deux entreprises » révèle un gérant de maquis dont la patronne est propriétaire d’un dépôt de boissons qui travaille depuis plusieurs années avec la Solibra.
Contacté sur cette situation Guy Achou Sous-directeur de la concurrence du ministère du Commerce a déclaré qu’ « en Côte d’Ivoire, le monopole n’est pas interdit, donc ce n’est pas une infraction. » Par contre, il soutient que « ce qui est interdit, c’est l’abus de ce monopole » à savoir le fait de mettre en œuvre des pratiques anti-concurrentielles pour essayer d’empêcher une autre entreprise de pénétrer le marché. »
Concernant la concurrence de Solibra faite à l’ex-société de production de « Number One », il explique que son service a été informé « mais pas de manière officielle » car selon lui, LBI n’a pas saisi le ministère du Commerce.
Guy Achou précise que son service a eu écho, par des indices de tous les acteurs de ce domaine sur le terrain, ce qui leur a permis de « collecter et remonter les informations au niveau de la commission de la concurrence de l’UEMOA qui a diligenté une enquête en Côte d’Ivoire. »
Pour ce cas qu’il qualifie « d’abus et de dominance », il se garde un droit de réserve car le contentieux est toujours pendant.
Concernant le rachat de LBI par Solibra, le sous-directeur de la Concurrence affirme que cela ne s’est pas fait dans les normes car dans ce cas d’espèce, la réglementation stipule qu’une entreprise qui veut racheter une autre, concurrente, doit d’abord le signaler à la Commission de la concurrence de l’UEMOA qui devait donner son avis après analyse de la situation. Ce qui n’a pas été le cas, pour l’heure.
Le temps que la Commission de la concurrence de L’UEMOA vide son délibéré, la bière coule sur les tables des maquis de Yopougon, Adjamé, Deux-Plateaux et autres points chauds de la capitale économique ivoirienne.
Selon des consommateurs, « Ivoire est en pénurie parce que c’est la bière la plus demandée en ce moment. »
La direction de la concurrence entend garder un œil vigilant sur la cohabitation entre Solibra et Brassivoire. Car, avant tout, seul le consommateur ivoirien compte.
Pour « Cette crainte nous allons veiller à ce que les règles de la concurrence ne soit pas faussée » rassure Guy Achou.
Le ministre du Commerce, Jean Louis Billon a lui, indiqué sa ferme volonté de lutter contre les monopoles.
Que répond Solibra à ces accusations de pratique de dominance exacerbée ? Sa position est désormais connue. « Nous sommes sereins, c’est nous qui avons créé le cadre, c’est quand aujourd’hui c’est calme que certains arrivent pour évoquer des investissements à coûts de milliards de FCFA. Nous ne rentrons pas dans cette polémique, nous sommes au travail et le consommateur nous est fidèle » soutient Patrick Assi qui refuse de donner les chiffres de la part de marché de Solibra.
C’est Roger Adou, ex-DG des Nouvelles Brasseries Ivoiriennes, qui assure en tant qu’intérimaire la direction générale de Solibra. Il y était directeur commercial avant de regagner l’aventure « Number One ». Un numéro 1 qui a fait long feu et coulé à minima! Sort que n’envisage pas Koch Alexander pour « Ivoire ». Vive la concurrence!
Raïssa Yao et Issiaka N’GUESSAN
Source: Politikafrique.info