Vavoua, Sakassou et bien d’autres villes ivoiriennes ont vu leurs établissements scolaires être secoués ces derniers jours. Des élèves qui exigent un départ anticipé en congé de Noël ont manifesté et délogé leurs camardes des salles de classes. Le phénomène gangrène depuis quelques années, des établissements scolaires dans le pays. Selon des spécialistes des comportements sociaux, les congés anticipés ont une explication.
Plusieurs raisons sont à la base de ce phénomène de congés anticipés en Côte d’Ivoire. Le manque de temps de divertissement en est une, estime Prisca Brou, Coach spécialiste de la parentalité. « Lorsque les congés approchent, les élèves sont beaucoup distraits. Ils ont envie de s’amuser, de se relâcher. Parce que notre système est fait de sorte que depuis la rentrée, ils ont cours le matin et le soir. Les seules activités que les enfants aiment c’est le cours d’éducation physique et sportive. Durant ces cours, ils se sentent un peu plus détendus, et s’amusent un peu. Le vrai problème c’est que les enfants ne savent pas pourquoi ils vont à l’école. Ils y vont sans grand intérêt. Ils n’y trouvent rien de stimulant, de motivant », analyse pour 7info, la spécialiste.
Dr Albert Yao Kouakou, lui voit une autre raison. Pour cet enseignant chercheur en sociologie à l’université Lorougnon Guédé de Daloa, le problème réside dans la programmation des évaluations des élèves durant l’année scolaire. « (…) l’une des raisons principales réside dans l’écart entre l’arrêt des notes du premier trimestre et le départ définitif en congé de Noël. En effet, une semaine avant la date prévue pour les congés de Noël, nous assistons à l’arrêt des notes et au calcul des moyennes du premier trimestre. Une fois les notes arrêtées et les moyennes calculées, il n’y a pratiquement plus de contrôles scolaires (devoirs et interrogations) jusqu’au retour des congés. Les élèves considèrent donc le temps entre l’arrêt des notes, le calcul des moyennes et la date de départ pour les congés de noël, comme un temps perdu », analyse l’universitaire pour 7info.ci qui l’a joint.
Depuis quelques années en Côte d’Ivoire, des cours dans les établissements scolaires connaissent des perturbations à l’approche des congés. Animés par le désir d’aller bien avant la date indiquée, profiter de ces temps de repos programmés durant l’année, des élèves s’adonnent à des actes de violences. Ce sont souvent des coups de sifflets, des jets de pierres et de gourdins dans les salles de classe pour déloger leurs camarades et des enseignants.
L’année académique 2021-2022 n’échappe pas à cette pratique. Depuis fin novembre, alors que le départ pour les congés de Noël est programmé au 17 décembre inclus pour prendre fin le 2 janvier 2022 inclus, des perturbations sont enregistrées dans des écoles de plusieurs villes du pays. Des élèves ont décrété leurs congés de Noël au mépris de ce calendrier officiel. Face à la montée de ce phénomène qui a déjà conduit à l’irréparable en 2019 (des pertes en vies humaines parmi les élèves ainsi que des arrestations dans leurs rangs). La ministre Mariatou Koné avait pris le soin de communiquer le calendrier des congés scolaires dans le cadre d’une campagne d’invitation au civisme dénommée ‘’Zéro congé anticipé’’. Mais cela ne semble pas changer la donne.
Pour Dr Albert Yao, en plus de la sensibilisation, la solution à ce phénomène nécessite des mesures à adapter au mal. Ce sont notamment la mise en place des unités pédagogiques, en intelligence avec les administrations des établissements, qui doivent programmer les devoirs communs durant la dernière semaine qui précède les congés ; la réduction de l’écart entre la date de l’arrêt des notes, du calcul des moyennes du premier trimestre et celle des congés de décembre ; et la programmation des leçons, objet des sujets d’examens, la dernière semaine précédant les congés, surtout pour les classes d’examens.
Prisca Brou, la Coach spécialiste de la parentalité, propose de consacrer la dernière semaine avant Noël à organiser des activités ludiques mais éducatives. « Les enfants aiment bien les artistes, le théâtre, la musique, le sport, la peinture. On peut en faire une semaine culturelle où on les laisse exprimer une autre partie d’eux, autre que des leçons à apprendre. Le but c’est de permettre à ces enfants de se déployer à travers les activités de dessin, des photos, des concours culinaires, des activités d’intérêt public. L’école installe des machines avec un styliste pour que les enfants s’essayent à d’autres disciplines que celles de l’école », suggère-t-elle.