Les journalistes ivoiriens sont-ils libres d’exercer leur métier ? Une question d’actualité au moment où le monde entier célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse. Si certains reconnaissent des efforts dans ce sens, d’autres par contre parlent d’une liberté partielle.
Selon Reporters Sans Frontières (RSF), la Côte d’Ivoire a fait beaucoup d’efforts dans le domaine de la liberté de la presse. Classé 66e en 2021, le pays occupe désormais la 37e place. Mais sur le terrain, les sentiments sont mitigés. Selon Gbané Yacouba, directeur de publication du quotidien le « Temps » proche du PPA-CI de Laurent Gbagbo, la liberté de la presse est en danger en Côte d’Ivoire.
« La liberté est embrigadée. En Côte d’Ivoire le journaliste n’est pas à l’abri de sanctions. La preuve en est que le journal le « Temps » est suspendu pour 15 parutions pour dit-on incitation à la violence, au tribalisme et à la révolte. On a l’impression que quand on fait la volonté du pouvoir on est libre, mais dans le cas contraire, on subit la colère du régime et c’est bien dommage » regrette le journaliste.
En 2020, six journalistes ivoiriens ont été condamnés à payer des amendes. Les plus connus sont Vamara Coulibaly, directeur de publication de Soir Info et Paul Koffi, directeur de publication du Nouveau Réveil, journal proche du PDCI. Ils ont été condamnés à payer une amende de 2,5 millions de francs CFA chacun pour « diffusion de fausses nouvelles ». Ils avaient en effet repris la lettre ouverte des avocats d’Alain Lobognon, qui dénonçaient ses conditions difficiles d’incarcération.
Pourtant, selon Fernand Dédeh, le problème de la liberté de la presse en Côte d’Ivoire est ailleurs.
« Les journalistes ivoiriens font aujourd’hui du copier-coller en reprenant les communiqués des chargés de communication des institutions ou organisations. Il y a aussi les publications sur les réseaux sociaux. Souvent, sans relecture, sans distance. Du coup, les journalistes eux-mêmes désignent et crédibilisent leurs concurrents: les utilisateurs des réseaux sociaux. Ils mettent non seulement les règles de leur métier en veilleuse, mais en plus, donnent les moyens au public de douter des informations, mais surtout, le bâton aux États-prédateurs de réduire chaque jour, l’espace de la liberté », fait-il savoir.
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Le problème est donc la crédibilité de l’information donnée. Et le thème choisi pour la célébration cette année, « le journalisme sous l’emprise du numérique ». Les médias en Côte d’Ivoire font face à une rude concurrence portée par les réseaux sociaux. Les blogueurs et autres influenceurs du Web sont de plus en plus sollicités par rapport aux journalistes.
« Je pense que c’est là le véritable problème. Nous devons nous adapter, nous battre pour être présents sur les réseaux sociaux pour combattre les Fake news. Aujourd’hui rien ne peut se faire sans internet et nos médias traditionnels meurent parce que le numérique prend la place. C’est un sujet qu’il faut aborder avec beaucoup de sérieux et trouver des solutions pour une presse pérenne en Côte d’Ivoire », propose-t-il.
Les défis sont donc nombreux. Outre la liberté d’expression en elle-même, le journalisme doit se réinventer. Et c’est là, tout l’enjeu de cette commémoration.