L’Afrique de l’Ouest est au bord de l’embrasement. Alors que le Burkina et le Mali apportent leur soutien commun aux nouveaux dirigeants au Niger, le chef d’État-major du Nigeria se dit « prêt à intervenir militairement dans le pays ».
La France annonce l’évacuation de ses ressortissants du Niger. La situation est tendue dans le pays. Après les menaces de la CEDEAO de recourir à la force pour rétablir l’ordre constitutionnel à Niamey, le Mali et le Burkina font bloc.
Les deux pays qui partagent la zone sahélienne des trois frontières, ont pris fait et cause pour le Niger. Mieux, ils considèrent « comme déclaration de guerre à leurs pays respectifs, toute attaque contre les nouveaux hommes forts de Niamey ».
Dans une intervention rendue publique un peu plus tôt, le chef des armées du Nigeria, le général Christopher Musa, mobilise déjà ses troupes pour une éventuelle intervention au Niger.
« C’est inacceptable. Nous défendons la démocratie et cela doit continuer. Et nous allons faire exactement ce que dit le président. Nous sommes prêts et dès que nous recevrons l’ordre d’intervenir, nous le ferons », a-t-il menacé.
Les forces en présence sont-elles au bord de l’affrontement ? Le président nigérian Bola Tinubu, par ailleurs président en exercice de la CEDEAO, joue sa crédibilité après sa prise de position tranchée contre les coups d’État.
Pour le politologue Kipré Paul, un spécialiste des questions militaires, la CEDEAO est en retard sur les crises politiques dans la sous-région.
« J’ai des récriminations à apporter. Car nous, la CEDEAO, avons péché. Nous construisons notre continent et donc avons le devoir d’être proactifs. Mais nous sommes dans la réaction. Les putschistes auront toujours une longueur d’avance sur nous. Depuis des décennies, nous appelons à parfaire notre force en attente, à huiler notre mécanisme, au sein de l’Union africaine (UA) ou dans les autres pôles comme la CEMAC, mais ne travaillons pas assez. On fait la moitié et on rebrousse chemin. C’est maintenant qu’on tente de mettre en place une intervention armée, mais c’est trop tard. Un GTIA (groupement tactique inter-armé) commun aurait facilité les choses depuis bien longtemps », a analysé pour 7info, le professeur d’université.
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La crise sécuritaire ne semble pas être la seule raison de la prise de pouvoir par les militaires au Niger. Des dissensions politiques internes auraient précipité la chute de Mohamed Bazoum.
Mais selon Kipré Paul, les nouveaux dirigeants ont la propension à remettre le pays sur les rails.
« Il y a des éléments que nous n’avons pas encore. Dans l’analyse, il manque le rôle réel de l’ancien président Issoufou, sa volonté avant la grève corporatiste des militaires. Aujourd’hui, les choses sont en train de lui échapper. Je suis enclin à craindre un clivage entre les Nigériens. Le général Modi ex-chef d’état-major est beaucoup plus sage et conciliant que le général Tchiani. Cet ancien de l’EMPT (Modi) est très apprécié de la troupe. Le commandant des forces spéciales, le général Salaou a les compétences pour juguler et expédier les problèmes courants. Le colonel major Djibrila Hamidou, a lui aussi déjà prouvé ses compétences de conciliation. Le colonel Soumana Kalkoye, le général Abdou Sidikou, le général Moussa Mahamane, le colonel Bako, le général Souley Mahamane, sont autant de compétences qui pourraient servir à redresser ce pays très attachant », a-t-il fait savoir.
Le Niger, troisième pays de la sous-région à subir un coup d’État depuis 2020, n’entend pas plier l’échine.
En dépit des sanctions de la CEDEAO et de l’Union européenne, la junte au pouvoir multiplie les arrestations dans le camp du président déchu, afin d’asseoir davantage son pouvoir.