La junte militaire au Mali, demande trois ans pour une transition politique, afin de réinstaurer l’Etat de droit et assurer le bon fonctionnement des institutions avant de rendre pouvoir aux civils. Une situation qui risque de plonger le pays dans une autre crise eu égard à son histoire. L’historien nigérien Dr Mamoudou Djibo, enseignant-chercheur à l’Université Moumouni de Niamey, revient sur les circonstances du coup d’Etat, qui trouve son origine dans la période coloniale.
Ibrahim Boubacar Keïta, aux affaires au Mali depuis 2013, a été chassé du pouvoir lors de son deuxième mandat, par des militaires. Un coup d’Etat précédé par plusieurs manifestations de rue et des revendications de la part d’une partie de la population. On reproche à l’ancien dirigeant, une gestion calamiteuse du pouvoir.
Mais selon l’historien Mamoudou Djibo, cette crise prend sa source dans un passé peu récent.
« Le Mali tout comme le Niger, cumulent plusieurs fragilités structurelles. Il y a l’immensité du territoire et donc, un faible encadrement territorial caractérisé par une absence de l’Etat pendant une longue période, dans certaines zones. Le pays est caractérisé par une pauvreté endémique. Un pays qui n’est pas toujours amis avec ses voisins notamment la Libye qui n’arrive pas à endiguer le transfert des hommes armées et des armes. Il y a aussi cette proximité du narcotrafic qui prend de l’ampleur et le fait que la construction de la nation soit en déphasage avec les revendications sécessionnistes que le Mali connaît depuis 1960.
L’Etat né en 1958 avait opté pour une ambition panafricaniste qui s’opposait aux ambitions de la puissance coloniale au Sahara. Et les premières actions du président Modibo Keïta allaient à l’encontre des opérations des agents français de la division et la démarche fédéraliste indépendantiste. Depuis 1968 il y a eu une apparence de stabilité du régime du Lieutenant Moussa Traoré qui a tenu jusqu’à ce que les événements de 1991 surviennent » raconte l’historien.
Pour lui, les régimes militaires et les coups d’Etat successifs, n’ont pas permis d’installer une vraie démocratie. L’instabilité politique était sous-jacente, avant ce dernier coup de force.
« La transition dirigée par ATT a presque réussi. Elle a conduit à l’arrivée d’un régime démocratiquement élu dirigé par Alpha Oumar Konaré. La suite a donné l’impression d’un marché conclu entre Konaré et ATT. Le dernier a succédé au premier mais a fait une sorte de régime populiste. Avec le coup d’Etat du capitaine Sanogo et la transition fragilisée à la naissance du président Dioncounda Traoré, cela ne pouvait pas permettre d’espérer une bonne solution au Mali. Surtout quand François Hollande impose des élections bâclées qui amènent IBK au pouvoir, cela ne permet pas une prise en main réelle des affaires du pays. Il arrive dans une situation complètement pourrie. Situation sécuritaire précaire, accointance avec les narcotrafiquants, présence de plusieurs armées étrangères sur le territoire, et finalement on se demande, si tout le monde avait le même agenda politique… » S’interroge l’universitaire.
Eric Coulibaly
7info.ci