Dans son histoire, le Mali se présente comme un pays marqué par plusieurs coups de force depuis son indépendance. La crise socio-politique qui aboutit finalement au coup d’Etat du Colonel Assimi Goïta et ses camarades, est la suite d’événements malheureux qui ont rythmé la vie du pays. L’historien nigérien Mamoudou Djibo, n’impute pas totalement la crise actuelle à la mauvaise gestion du pouvoir par IBK.
Le coup d’Etat perpétré au Mali a été condamné par la communauté internationale. Les pays de la CEDEAO ont appelé à un retour à l’ordre constitutionnel. Mais, pour l’heure, la situation demeure sous le contrôle de l’armée. Une armée fortement éprouvée ces dernières années avec l’apparition de groupes terroristes au nord et au centre du pays.
« La situation sécuritaire du Mali de 2013 jusqu’à ce jour, n’est pas une situation compatible avec une faiblesse de l’État, de mon point de vue. Car l’Etat incarné par IBK et sa bande, du fait de son écurie, est exactement le contraire de ce qu’il fallait pour le pays. On a vu sur les réseaux sociaux, intoxication ou vérité, certains comportements de dignitaires du régime. On a vu, pendant que le nord du pays était sous occupation, comment ils fêtaient au sud et au centre. Comme si le nord avait été abandonné aux groupes terroristes. Donc déjà une cassure non seulement sociale mais aussi territoriale a commencé à se faire sentir.
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Ce Mali est caractérisé essentiellement par une mauvaise gouvernance ponctuée de corruption, et de détournement de deniers publics. Tout cela va compliquer une situation déjà délétère au plan politique, sécuritaire et sociale. On a senti, à travers la forte mobilisation réussie par le M5 et les autres forces politiques, la cassure, la détermination du peuple malien d’en finir avec ce régime. Et si le peuple lui- même se dresse contre un régime, cela signifie qu’il n’a plus besoin de lui. C’est ce qui a permis un coup d’Etat facile. Ce coup d’Etat a obtenu l’adhésion d’une bonne partie du peuple. On ne peut pas dire qu’IBK n’a personne mais ce coup d’Etat était soutenu par le peuple » fait remarquer l’enseignant-chercheur.
Une bonne partie de la population a en effet salué le coup d’Etat. Partout dans les rues de Bamako, l’on a pu constater des scènes de liesse après la chute du régime. L’opposition qui avait réclamé la démission du président depuis le mois de juin dernier, a atteint son but. Mais, le principal leader de la contestation l’imam Mahmoud Dicko, s’est lui, retiré de la vie politique. Une période de transition politique s’annonce.
« Maintenant que les militaires demandent 3 années de transition, je ne suis pas au Mali, je ne peux pas connaître exactement la situation comme eux. Mais trois années, en mon sens, c’est trop. L’expérience a prouvé, l’histoire l’a enseigné, toutes les transitions militaires dans nos pays ont été des échecs quel que soit la durée de la transition. Les militaires ont géré et ont pillé, pire que le régime civils qu’ils ont chassés. Ils ont doté leurs pays de nouvelles lois fondamentales qu’ils ont souvent eux-mêmes violé par la suite pour passer le pouvoir à qui ils veulent. Le simple fait qu’il y ait un coup d’Etat pendant la deuxième république au Mali, signifie que le mécanisme mis en place au lendemain de la gouvernance de Dioncounda, ne tient pas » analyse l’historien.
Selon l’enseignant-chercheur, plutôt que de prendre des sanctions contre le peuple malien déjà en souffrance, les pays de la CEDEAO devraient se rendre à son chevet pour l’aider à guérir tout en prenant en compte les raisons qui ont conduit à cette situation
« Trois années, c’est quand même beaucoup, ce n’est qu’un point de de vue. Mais seuls les maliens connaissent la réalité du Mali, la réalité de leur armée. Tous les pays de la CEDEAO au lieu de sanctionner devraient, à mon avis, s’approprier la crise malienne pour un règlement heureux de la situation et une prise en charge rigoureuse de question sécuritaire. On ne peut pas comprendre que l’insécurité gagne du terrain avec autant d’armées étrangères au Mali. Qu’avec autant de soldats et d’armements, le pays reste divisé territorialement. On ne peut pas comprendre que cette situation explosive arrive à s’étendre au Burkina et au Niger voisin alors qu’il y a pratiquement près de 30.000 hommes en armes dans le pays. La question de la transition doit être réglée avec la question sécuritaire dans le nord et le centre du pays et surtout passer par le règlement définitif des problèmes qui ont conduit à la situation explosive actuelle » préconise l’universitaire.
Eric Coulibaly
7info.ci