Des élections locales. Et voici que resurgit l’épineuse question de la CEI. Les nombreuses manifestations de protestation après les résultats provisoires proclamés par l’organe en charge des élections en Côte d’Ivoire, ravivent un débat jamais clos. Les nerfs sont à vif et la tension monte. Les spécialistes décryptent.
A Duékoué dans la région du Guémon, située à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, une faute imputable à un agent de la Commission Electorale Indépendante (CEI), selon le camp du candidat Evariste Méambly, serait la cause de la reprise du scrutin, dans un mois alors que la plupart des résultats au niveau des régionales dans le pays, ont été proclamés. Idem pour Port Bouët. La commune aéroportuaire d’Abidjan, aura aussi son scrutin taillé sur mesure.
Sans oublier toutes les autres localités touchées par ces vents de contestation des résultats donnés par la CEI. Selon Geoffroy Kouao Julien, juriste écrivain, il faut très vite engager le processus de réforme de l’organe pour éviter d’autres heurts à l’avenir.
« Je pense que la question de la réforme de la CEI n’est plus une question de pertinence, mais une question de survie républicaine. Nous avons pu constater que lors de ces élections locales, les dysfonctionnements étaient manifestes. Et apparemment, la CEI a été amenée à annuler des élections dans certaines circonscriptions pour des questions de dysfonctionnements. Je pense qu’il faut maintenant accélérer cette réforme mais aussi dans le sens de son indépendance réelle.
Cette réforme est nécessaire. La CEI apparaît aujourd’hui comme un problème de renouveau. Toutes les crises que nous vivons en Côte d’Ivoire partent des élections, et c’est parce que ces élections sont mal organisées qu’on assiste à des dysfonctionnements. Les élections deviennent anxiogènes, anthropophagiques et mortifères. Il faut donc trouver dès maintenant un nouveau cadre théorique, juridique et institutionnel pour les élections en CI si nous ne voulons pas offrir une nation anxiogène à nos enfants et petits-enfants » explique-t-il avant de proposer un mode de désignation des agents de la CEI pour une composition consensuelle.
« La CEI doit être indépendante et des partis politiques et de l’administration pour être l’affaire exclusive de la société civile.
Il faut donc que ce soit la société civile, qu’on mette en place un mode de sélection, qui passerait par un appel à candidature qui serait reçu par les organes institutionnels comme l’Assemblée nationale et le Sénat pour confirmer la nomination des différents commissaires de la CEI » propose Geoffroy Kouao Julien, politologue.
Pourtant la réforme de la CEI était déjà au centre des débats, des mois avant la tenue de ces élections en Côte d’Ivoire. L’opposition avait même au sein de coalitions interposées, demandé au Président de la République, Alassane Ouattara, de se conformer l’arrêté de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui recommandait une réforme de cette commission.
Après plusieurs manifestations dont certaines furent parfois violemment réprimées, le Chef de l’Etat, avait dans son discours du 6 août dernier, annoncé que l’organe serait reformé. Une promesse qui n’a pu être tenue avant ces élections, le temps étant trop court selon les autorités ivoiriennes, au grand désarroi de l’opposition qui tient la CEI responsable des heurts post-scrutin.
Pour le professeur Dago Pierre Godé, politologue et ancien directeur de l’école des sciences politiques de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan Cocody, en plus de réformer l’organe, il faudra rédiger et faire respecter une charte d’éthique.
« La nécessité s’impose, mais le problème est d’aller au fond. Ce sont les animateurs de la CEI qui ont fait de la fraude un moyen de travail. Ce ne sont plus simplement les candidats qui essayent de frauder, mais c’est à l’intérieur même de la structure que les fraudeurs se trouvent.
Le fond du problème c’est que la réforme s’impose pour la simple raison que la CEI souffre d’un problème de compétence en ressource humaine. Cela est problématique parce que la plupart des animateurs ne sont même plus à la hauteur. Je prends un exemple : à Bongouanou, le président de la CEI locale a été pris en flagrant délit de fraude.
Soit les candidats ont réussi à infiltrer des représentants locaux de la CEI, soit ces représentants ont voulu monnayer la position qu’ils occupent en vue de la réforme. C’est un problème de compétence interne à la CEI. Il faut non seulement reformer l’organe mais rédiger une charte d’éthique et la faire respecter» révèle l’universitaire.
Les élections couplées régionales et municipales étaient un test avant les présidentielles de 2020, et selon plusieurs observateurs de la vie politique ivoirienne, les choses sont mal parties.
Éric Coulibaly et Victor Merat
Poleafrique.info