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Déprimantes primaires / Philippe Di Nacera

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 30/01/2017 à 10:37

En France, les primaires se suivent et les surprises de succèdent. Benoit Hamon, peu connu des français, est sorti hier du chapeau de l’élection primaire de la gauche, après François Fillon, ancien Premier Ministre de Nicolas Sarkozy, sur qui peu misaient, qui, lui, représentera la droite à la présidentielle. Deux candidats choisis par le peuple de gauche et le peuple de droite, deux surprises pour les analystes, les journalistes et même les cadres du Parti Socialiste et des Républicains. En démocratie, c’est le peuple qui décide. Il a tendance, ces derniers temps, à s’échiner à déjouer tous les pronostics, c’est-à-dire à rejeter les plans prévus par d’autre pour lui. Force est de le constater, « sortir les sortants » est devenu un sport national. Un mot nouveau vient même d’émerger pour qualifier le comportement électoral du peuple, « le dégagisme » : exit donc Hollande et Valls à gauche qui étaient aux manettes de l’Etat; exit aussi Sarkozy et Juppé, qui faisaient trop « déjà vus ». Et si, lors de la véritable élection, qui aura lieu dans trois mois, le peuple français poursuit sur sa lancée, les scénarios les plus inédits, voire les plus inquiétants, pourraient nous être servis. Car pour la première fois depuis que l’élection présidentielle au suffrage universel a été instituée en 1962, les deux partis de gouvernement pourraient être éliminés dès le premier tour, laissant la place, au second tour, à un combat de candidats qui se disent soit « hors système » soit « anti-système ». Si c’est le cas, c’est que la démocratie française est gravement malade. Un grand chambardement pourrait alors sortir de cette élection présidentielle.

Pourquoi l’élimination au premier tour des deux partis de gouvernement est-elle possible?
Marine Le Pen, Présidente du Front National, parti « anti-système », est quasiment assurée de sortir en tête du premier tour de la présidentielle et de se trouver au second tour.  Il ne reste donc qu’une place pour les deux partis de gouvernement qui avaient l’habitude de s’affronter aux différentes présidentielles et d’alterner aux responsabilités du pouvoir. Examinons les deux cas. Le candidat des Républicains, François Fillon, va mal. Sa chute dans les sondages est vertigineuse à la suite d’un scandale opportunément sorti du chapeau pour le discréditer. Il aurait employé son épouse pendant quinze ans comme assistante parlementaire, sans qu’elle ne travaille réellement. Parviendra-t-il à sauver sa candidature ou sa campagne sera-t-elle une descente aux enfers jusqu’à son élimination? Quant aux socialistes, Bénoit Hamon a certes l’avantage de la nouveauté, d’une certaine fraîcheur, mais aussi les handicaps de ce qu’il est : mal connu des français et représentant l’aile gauche du parti. C’est la première fois que le candidat socialiste à la présidentielle est issue de cette aile gauche. Les français dans leur ensemble voudront-ils un coup de barre à gauche alors qu’on sort d’un quinquennat socialiste dont le bilan est massivement rejeté? Le dégagisme risque tout autant de s’appliquer à lui qui fut ministre de François Hollande. D’autant plus que, à sa gauche, un candidat déjà lancé prend une place importante (15% des intentions de vote dans les sondages). Jean-Luc Mélenchon, lui aussi « anti-système », refusera de se saborder sur l’hôtel de l’union des gauches. Un fort handicap pour le candidat socialiste.

Enfin, et c’est sûrement le plus significatif, un autre jeune homme, 39 ans, qui se définit lui non pas comme « anti » mais comme « hors système », « ni de droite ni de gauche », bénéficie d’un formidable élan et d’une incroyable progression dans l’opinion, c’est Emmanuel Macron. Lui aussi présente un nouveau visage. Il vient des meilleurs écoles et de l’une des banques d’affaires françaises les plus importantes. Il a été choisi par François Hollande pour être son conseiller économique, puis son Secrétaire Général adjoint de l’Élysée et enfin son ministre de l’économie. Et pourtant il a réussi, de part son positionnement, à « faire neuf », et ça marche. La chute de Fillon, le candidat de droite, pourrait bien profiter au jeune Macron. Et la victoire de Hamon à la primaire du PS pourrait voir se rallier à lui une bonne partie de l’aile droite du parti socialiste.

Voilà comment l’élection présidentielle française, de surprise en surprise, pourrait amener une « anti-système » et un « hors-système » à s’affronter au second tour. Pour faire quoi? Là est la question. On connaît le programme de l’une -proche dans l’esprit de ce que fait Trump aux États-Unis, anti-immigré, anti-réfugiés, anti-européens-, et pas grand chose de la politique de l’autre. « L’aventure, c’est aventure », selon la célèbre expression. Les élections primaires ont eu pour effet de radicaliser les partis de gouvernement au profit de ceux qui les rejettent. Des primaires déprimantes en somme.
Philippe Di Nacera
Directeur de la publication

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