Eco-business

Deux sénateurs américains menacent le cacao ivoirien

Mis à jour le 2 août 2019
Publié le 02/08/2019 à 8:30 , ,

La question du travail des enfants dans la cacaoculture resurgit. Si les autorités ivoiriennes ne montent pas au créneau, les Etats-Unis pourraient fermer leurs frontières au 1er producteur mondial de cacao. En cause, le sempiternel travail des enfants dans cette filière agricole.

«Nous vous écrivons pour exprimer notre inquiétude persistante face au fait que des importations de cacao contenant du travail forcé, notamment du travail forcé des enfants, continuent d’entrer aux États-Unis » ont écrit les sénateurs démocrates Ron Wyden de l’Oregon et Sherrod Brown de l’Ohio envoyée le 16 juillet 2019 au département de Sécurité intérieure américaine (Dhs) afin de faire appliquer les lois interdisant les importations de cacao issues du travail des enfants.

Cette lettre qui fait suite à l’enquête publiée le 5 juin 2019 dans Washington Post « Cocoa’s Child workers » avec photographies et témoignages, indique avec preuve à l’appui l’utilisation des enfants dans la chaîne d’approvisionnement du cacao en Afrique de l’ouest.

«Nous vous exhortons à utiliser l’autorité renforcée en vertu de la section 1307 pour prendre des mesures immédiates afin de mettre un terme au flot de cacao produit dans notre pays par le travail forcé », car « le bien-être de deux millions d’enfants en dépend » font-ils savoir. Or la Côte d’Ivoire est très visée comme pays recourant à l’exploitation des enfants dans la cacaoculture.

 Si cette mesure est appliquée, la Côte d’Ivoire en paiera les frais. Ce pays d’Afrique de l’ouest produit à lui seul plus de 45% de la production mondiale de fève de cacao. Cette culture constitue la mamelle de son économie et une interdiction de ses exportations entraînerait un déséquilibre économique. Chose que confirme Bienvenue Beugré, ingénieur agronome spécialiste de la filière. «Si jamais ces deux sénateurs obtiennent des sanctions, ce sera un coup dur pour le monde agricole. La production annuelle est de 1.200.000 tonnes, elle représente 47% des recettes d’exportation et 10% du PIB, avec plus de 600.000 chefs d’exploitation et 6.000.000 de personnes qui vivent directement des revenus du cacao. Tout ceci rend la filière sensible. Les plus grands bénéficiaires selon une étude de la Banque Mondiale sont les chocolatiers certes, mais une sanction contre l’entrée de ce produit aux USA va perturber l’économie. Il faut que les autorités étatsuniennes et ivoiriennes se parlent franchement pour trouver ensemble une solution durable au phénomène des enfants exploités dans les plantations de cacao » analyse l’expert ivoirien.

Notons que les États-Unis ont importé pour 608 millions de dollars soit plus de 304 milliards de Fcfa de fève de cacao en provenance de Côte d’Ivoire et 100 millions de dollars soit plus de 50 milliards de FCFA de pâte de cacao pour la seule année de 2018. Le marché américain est donc très important dans la politique de commercialisation du cacao made in la Côte d’Ivoire.

Un adressage sérieux de cette problématique, vu par les Occidentaux et bien sûr, différent de la conception africaine du travail des enfants, devra être effectué afin de mettre fin aux stéréotypes.

Arnaud Houssou

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