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Dossier/ Autoroute du Nord, réhabilitation à 14 milliards FCFA, à qui la faute?

Mis à jour le 3 janvier 2019
Publié le 29/03/2017 à 6:34

Gesco dans la commune de Yopougon à l’ex-corridor Ouest de la ville d’Abidjan, il est 13 heures GMT. Ce vendredi 17 mars 2017, une scène inhabituelle attire l’attention. Une longue file de véhicules roule au ralenti. A peine entament-ils l’autoroute, que des panneaux de signalisation circonstancielle et des agents de sécurité leur font injonction de changer de voie.  

« L’autoroute est déjà gâtée. C’est pourquoi les voitures sont obligées de rouler sur l’autre voie. Il y a actuellement des travaux en cours sur la partie défaillante », indique à Politikafrique.info Sam, un des commerçants ambulants qui pullulent sur cet ex-corridor de sécurité. Sur quelques kilomètres, les véhiculent en partance d’Abidjan doivent circuler en sens interdit mais permis pour la circonstance. 

La situation est aussi la même après Toumodi, ville située à 201 Km d’Abidjan, toujours sur la même autoroute mais sur la nouvelle portion construite il y a à peine 5 ans. « Juste après Toumodi, les automobilistes changent de voie. Car la route menant à Yamoussoukro est en réfection sur trois à quatre kilomètres. Cela perturbe quelque peu le trafic surtout que les travaux ne vont pas vite. On se demande bien comment cela a pu arriver aussi rapidement sur une autoroute construite il n’y a pas encore quatre ans », s’étonne K. Justin un haut cadre dans le privé qui revenait de Bouaké dans le cadre d’une mission pour son entreprise, joint au téléphone.    
A partir de Toumodi jusqu’à Yamoussoukro la capitale politique ivoirienne, en effet, d’importantes parties dégradées qui nécessitent actuellement une réhabilitation de la voie sont visibles tout le long du tronçon. Un peu plus de 14 milliards FCFA 378 963 483 de FCFA est l’estimation du coût global des travaux de réparation.  

Moins de quatre années plus tôt, pourtant, cette autoroute présentait fière allure. L’Etat de Côte d’Ivoire, appuyé par des partenaires techniques et financiers extérieurs, procédait, d’une part, au prolongement de la chaussée de Singrobo jusqu’à Yamoussoukro. Et d’autre part, au revêtement total de la chaussée pour la partie existante. Selon « ageroute.ci » le site internet de la structure chargée de la gestion des routes en Côte d’Ivoire, ce sont plus de 141 milliards FCFA qui ont été décaissés pour la partie prolongée longue de 85,9 Km. Et 35 milliards FCFA pour le renforcement de 140 Km du tronçon Abidjan-Singrobo qui existait déjà. 

Pourquoi si tôt ?

« Un tronçon de route inauguré en décembre 2013 qui se dégrade aussi rapidement, ce n’est pas normal. Ce qui s’est passé ne sera plus accepté par les ivoiriens », avait dénoncé  le 14 mars dernier, Amédé Kouakou, le nouveau ministre ivoirien des Infrastructures économiques, alors qu’il visitait le chantier de réhabilitation des sites dégradés, comme relaté par le confrère « Soir Info ». Selon les explications à lui données, comme le relate le site « actutransport.net » dans sa publication du 15 mars 2017, l’eau serait le facteur principal de la dégradation. 

A en croire ce site, Amédé Kouakou avait à l’occasion, pointé un doigt accusateur sur l’Etat de Côte d’Ivoire, de même que sur les missions de suivi et de contrôle, sans oublier l’entreprise exécutante et le maître d’ouvrage. Les travaux de réparation quant à eux, poursuit «actutransport.net », consistent actuellement à un revêtement d’une couche de base non traitée de 15 cm et d’une couche de revêtement en béton bitumeux de 5 Cm. Ils consistent aussi au renforcement des moyens de drainage des eaux de ruissellement.  

Lors de  la construction de cette voie pourtant, « ageroute.ci » révélait les caractéristiques de cette autoroute rénovée et inaugurée par le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara fin 2013, rassurantes sur sa résistance. La chaussée, lit-on sur ce site, est faite d’une couche de roulement de 5 cm de béton bitumineux, d’une couche de base chaussée de 10 cm de grave bitume, d’une couche de base BAU de 12 cm de grave concassée 0/31,5. Elle est aussi composée d’une couche de fondation de 18 cm de graveleux stabilisé à 4%, et d’une couche de forme de 60 cm graveleux naturels. Une structure dite « différente » de celle des autres routes en Côte d’Ivoire. Et qui lui garantissait une durée de vie théorique de 15 ans. Mauvaise appréciation apparente!

Un mal généralisé

Comme cette autoroute, de nombreuses voies routières ivoiriennes présentent aussi des dégradations importantes et rapides, après construction ou réhabilitation. A Abidjan la capitale économique, aucune commune n’échappe à cette réalité. Ce sont par endroit, des nids de poule géants, des pans entiers de la route arrachés, qui jonchent des rues ou des places parfois très fréquentées (quartier Liberté à Adjamé par exemple), et qui gênent considérablement la circulation. Un fait qui nécessite régulièrement des interventions pour des réparations. A des coûts élevés.  Là où les sommes investies auraient pu être consacrées à de nouveaux travaux.   

De l’avis des experts, la construction des routes nécessite que certaines conditions soient remplies. « Une route c’est comme un sandwich. Il y a la face visible, la surface ou la couche de roulement qu’on appelle aussi le tapis. Mais, en dessous, il y a des couches. Quand une route est très usée, non seulement le tapis est atteint, mais les couches en dessous sont fatiguées. Elles n’ont plus de résistance. En pareille circonstance, tu peux mettre ce que tu veux dessus, mais cela va se casser dès qu’il y aura des poids lourds qui vont y circuler », révèle sous le couvert de l’anonymat à Politikafrique.info, un spécialiste des routes. 

Selon lui, plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans les soucis rencontrés avec les routes. Il s’agit du financement qui ne serait pas à la hauteur du coût des travaux. Pour palier le problème et donner la possibilité à la population de circuler, dit-il, « le plaquage » qui « n’est pas durable », est le procédé le plus utilisé. 

Évoquant l’autoroute Singrobo-Yamoussoukro, il mentionne la résistance des sols. A l’en croire, le terrain qui supporte cette partie de l’autoroute du Nord, ne sied pas à la construction d’une voie. « On ne construit pas une route sur n’importe quel sol. Si tu construis une route sur un marécage elle ne va pas tenir. Il y a donc des problèmes de sol. Mais on a décidé qu’on pouvait construire quand même une autoroute à cet endroit. Ce qui devait arriver, arriva. Le sol étant mauvais, il y a des phénomènes de tassement. C’est-à-dire qu’au fur et à mesure qu’il y a de la circulation, le sol s’enfonce. Et finit par casser », soutient-il. 

L’expert ajoute par ailleurs que le problème de l’autoroute du Nord est le même qu’avec la route Abidjan-San Pedro. Selon lui, au moment de la construction de ce tronçon, des spécialistes du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) s’y était opposé car le sol ne s’y prêtait pas. Mais poursuit-il, le président Houphouët-Boigny avait décidé de passer outre les raisons techniques évoquées. Et avait argué que c’était une option politique. La solution trouvée pour faire passer la côtière, révèle le spécialiste,  a été d’enterrer des pneus qui ont tenu un certain temps.

Il est donc clair que les spécialistes savaient que cette autoroute tant vantée ne durerait pas cinq ans avant sa dégradation commencée à peine quelques mois après sa livraison. En permanence, Soroubat, la société tunisienne qui a construit l’autoroute Singrobo- Yamoussoukro, est en travaux pour rattraper des portions dégradées. On coupe ici pour remettre une nouvelle couche de bitume qui ne dure que le temps du passage d’un poids lourd et on recommence. Les 31 Km entre Toumodi et Yamoussoukro constituent une source d’accident vasculaire cérébral pour les usagers. A la moindre incartade, c’est une sortie de route tant les dos d’âne se sont accrus. Les travaux de réhabilitation qui coûteront la bagatelle de 14 milliards FCFA. A qui la faute? Si on s’en tient aux propos du ministre Amédée Kouakou, lui-même ingénieur des TP et ancien DG du laboratoire du bâtiment et des travaux publics (Lbtp), tout le monde est coupable! Le spectre de la corruption, sans être évoqué directement est également dans toutes les têtes. Malheureusement, le constat est amer et la dépense onéreuse pour tous. Peut-être que le péage sera une option à partir de Yamoussoukro et non sur juste l’ancienne portion de 140 Km, pour dégager les ressources nécessaires. Les usagers sont d’accord mais on se demande pourquoi l’Etat traîne le pas sur cette option de péage à partir de Yamoussoukro ou même, plus haut, à Ouangolo, aux portes du Burkina Faso et du Mali.

Richard Yasseu
Source : rédaction Politikafrique.info

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