Jusqu’où ira le Burkina Faso dans ses relations avec la France ? Avec les dernières décisions des autorités de ce pays dans le sens de se défaire de la présence militaire française sur leur territoire, nombreux sont les observateurs qui voient une fin prochaine de la coopération militaire entre les deux pays.
Dans cet entretien, Dr Eddie Guipié, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo analyse.
Les relations entre la France et le Burkina Faso ne sont plus au beau fixe, notamment sur le plan militaire. Les autorités burkinabé ont exigé courant janvier le départ des troupes françaises de leur territoire. Est-ce le début de la rupture entre les deux pays ?
La présence des soldats français dans le camp militaire de Kamboinsin causait un problème, semble-t-il, aux autorités burkinabè. Elles ont décidé de dénoncer l’accord qui justifiait et qui légalisait la présence de ces troupes françaises au Burkina Faso. La dénonciation est l’acte qui marque la fin d’un accord et donc la fin de la présence de ces soldats français dans ce pays. Il peut y avoir sans doute des mesures de rétention au niveau des autorités françaises qui vont suspendre toutes sortes de coopération militaire au demeurant, comme la coopération peut continuer sous une autre forme.
Ces relations entre la France et le Burkina Faso connaissent un nouveau rebond. Depuis le mercredi 1er mars, le gouvernement burkinabè a demandé le retrait de tous les coopérants militaires des administrations militaires de leur pays.
C’est une montée en puissance dans leur volonté de ne plus avoir un seul formateur a posteriori les soldats français. Ce sont eux qui prennent cette initiative et cela marque effectivement une sorte de rupture de toutes les coopérations militaires entre les deux pays.
Le Burkina Faso est-il sur les traces de son voisin, le Mali ?
Effectivement, on peut le dire à la lecture de leur posture. Sans avoir de griefs majeurs à la différence des Maliens, les Burkinabè ont devancé les autorités françaises pour dénoncer l’accord et ainsi obtenir la fin de la présence militaire française sur leur territoire. Ce qui est un début de fin de la coopération militaire française entre la France et le Burkina Faso. Effectivement, elles sont sur le chemin du Mali. Politiquement, la question de la fédération entre le Mali, la Guinée et le Burkina Faso qui pourrait paraître utopique est en train de prendre forme. Le projet prend de plus en plus forme avec récemment le déplacement du Premier ministre malien au Burkina Faso pour rendre ne serait-ce que la politesse à son homologue. On peut dire que le Burkina Faso semble être sur le même chemin que le Mali.
Le Burkina Faso, comme le Mali, est confronté au terrorisme. Est-ce que cette posture vis-à-vis de la France n’aura pas d’impact dans la lutte contre le djihadisme dans le pays ?
Le chef du gouvernement malien lors de son déplacement à Ouagadougou avait effectivement dit qu’il y a des conséquences dans une rupture de toute convention avec un pays puissant comme la France. Il va sans dire que les troupes burkinabè seront beaucoup plus exposées. Elles devront donc beaucoup plus réagir, ce qui est une conséquence tout à fait logique de la fin de la coopération avec un pays aussi puissant comme la France.
Mais dans tous les cas, il en va de la responsabilité immédiate des autorités burkinabè. Ce d’autant plus qu’elles estiment être capables de se défendre seules et donc de pouvoir juguler cette menace.
Entretien réalisé au téléphone par Richard Yasseu
