Côte d’Ivoire

Dr Geoffroy Julien Kouao (essayiste et politologue) : « Ce que Alassane Ouattara, Assimi Goita et la CEDEAO doivent faire maintenant »

Mis à jour le 3 janvier 2023
Publié le 03/01/2023 à 5:51 , , , , , , , ,

La condamnation des 46 soldats ivoiriens par la justice malienne pose la question de la gestion à venir de ce dossier. Dans cet entretien, l’essayiste et politologue ivoirien Geoffroy Julien Kouao donne quelques pistes à suivre pour un dénouement heureux de la crise.

Dans le dossier des 46 soldats ivoiriens, l’ultimatum donné par la CEDEAO au Mali pour la libération de ces militaires a expiré depuis le 1er janvier 2023. Que va faire l’organisation sous-régionale, ou à quoi devrait-on s’attendre ?

Au Mali, la CEDEAO a un résultat mitigé au sein de l’opinion publique ouest-africaine. Et le Mali lui-même a gagné la bataille de l’opinion publique. La CEDEAO est sortie presque discréditée de la batterie de sanctions contre le Mali. Certes le Mali aujourd’hui est dans une constance de défiance vis-à-vis de la CEDEAO et de toute la communauté internationale, mais la CEDEAO ne peut pas prendre encore de sanctions au risque de se discréditer davantage aux yeux de l’opinion publique de la sous-région. Ce qu’il faudrait donc faire, c’est redoubler d’efforts au niveau de la diplomatie. Il faut arriver à convaincre Bamako de libérer les 46 soldats ivoiriens. Mais attention, pour la Côte d’Ivoire cette libération ne peut se faire par la grâce, car cela signifierait que les 46 militaires ont vraiment commis l’infraction qui leur ait reprochée. À savoir la déstabilisation, l’atteinte à la sûreté de l’État, complot contre le gouvernement malien.

Que faut-il donc faire dans ce cas ?

Ce qu’il faut ici dans l’espèce c’est une amnistie, parce que l’amnistie effacerait totalement l’infraction et voudrait dire simplement que tout ce qui a été fait est oublié. Et cela pourrait réhabiliter l’honneur de la Côte d’Ivoire. Une grâce par contre signifierait que ces militaires ont vraiment commis l’infraction, et que la Côte d’Ivoire est désormais un Etat voyou qui cherche à déstabiliser ses voisins.

Docteur, quelques jours avant la décision de la justice malienne qui a condamné à 20 ans de prison les 46 militaires, une délégation ministérielle ivoirienne s’était rendue à Bamako où il a été annoncé la signature d’un accord dans le sens de la libération des soldats. Mais peu de temps après, c’est une condamnation qui est tombée. Qu’est-ce qui explique cela ?

La procédure suivie n’était pas la bonne. Pour une affaire aussi importante, on ne peut pas signer un mémorandum secret, car personne n’a le contenu de cet accord. C’est une erreur politique de la part des uns et des autres. Mais, il n’est pas encore tard. Sur le plan juridique, on peut trouver la solution. Mais elle doit être précédée d’une démarche politique.

Et quelle devrait être cette démarche politique puisque le déplacement d’une délégation ivoirienne à Bamako n’a pas donné le résultat attendu dans l’immédiat ?      

Je pense qu’aujourd’hui, ce qu’il faut c’est une rencontre directe entre le président Alassane Ouattara et son homologue malien, le colonel Assimi Goita. Le chef d’État ivoirien devrait aller voir son homologue malien et s’entendre avec lui. Il faut un dialogue direct. C’est ce qui peut accélérer la procédure allant dans le sens de la libération des 46 soldats.

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C’est ce qu’il faut. C’est une affaire d’État. Il y va aussi de la réputation et de l’image de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est accusée d’être un État qui cherche à déstabiliser ses voisins. Il est évident que c’est une accusation grave pour la Côte d’Ivoire. Il faudrait donc que le gouvernement ivoirien et surtout le chef de l’État prennent les mesures les meilleures pour pouvoir blanchir la Côte d’Ivoire.

Et cela passe par une rencontre entre les deux chefs de l’État. Je pense que les autres méthodes n’ont pas marché. Et le colonel Assimi Goita veut montrer aux et aux autres qu’il est le maître de la situation. Vous savez qu’aujourd’hui, il est dans une posture sankariste, qui consiste à affirmer la souveraineté du Mali contre de présumées velléités d’occupation de la communauté internationale. Et dans cette posture, il est soutenu par une certaine opinion publique sous-régionale, surtout les jeunes qui voient en lui un héros. Tout cela n’est pas fait pour arranger la Côte d’Ivoire qui est vue comme l’élève assidu de la France.

Quand on sait les relations actuelles exécrables entre la France et le Mali, il est utile que le chef de l’État ivoirien aille lui-même voir son frère Assimi Goita du Mali pour lui expliquer la politique ivoirienne dans la sous-région. Lui dire  aussi que la Côte d’Ivoire a toujours été un pays pacifique qui cherche à aider ses voisins allant dans le sens du progrès, du développement et de la démocratie.

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Et que la Côte d’Ivoire n’a jamais été un pays qui cherche à déstabiliser ses voisins. Seul le chef de l’État ivoirien peut aller rassurer son frère Assimi Goita.

Dans ce dossier, certaines voix n’hésitent pas à évoquer l’option militaire. Cela est-il envisageable ?

Non, l’option militaire est non envisageable. Elle est à écarter, car n’étant pas dans l’intérêt des deux États pour plusieurs raisons. D’abord ce sont deux États pauvres. Ce serait donc la guerre des pauvres. Et aujourd’hui, on n’en a pas besoin. Deuxièmement, dans le contexte actuel de la crise de l’Ukraine où on assiste à une flambée des prix des denrées de première nécessité et qui entraîne également la cherté de la vie, on comprendrait très mal que deux États se fassent la guerre. Le troisième élément est démographique. C’est la démographie qui fait la politique. Il y a 3 millions de Maliens en Côte d’Ivoire. Ni le Mali ni la Côte d’Ivoire ne pourront gérer une guerre entre eux avec cette population importante. L’option militaire est donc totalement à écarter. Il faut toujours privilégier l’option diplomatique et politique. Et au risque de le répéter, ce qui reste à faire aujourd’hui, c’est une rencontre entre les présidents Alassane Ouattara et Assimi Goita.

Réalisé au téléphone par Richard Yasseu  

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