Le Président de la République, Alassane Ouattara, et l’ex-chef de l’Etat, Henri Konan Bédié, se sont donc enfin parlés. Ils ont abordé des « dossiers d’extrême importance », selon les mots mêmes de l’actuel locataire du palais présidentiel. Les ivoiriens respirent. La tension politique ambiante, qui pesait depuis des semaines, baisse d’un cran.
Depuis le début de l’année, en effet, les nuages s’amoncelaient au dessus du ciel politique Ivoirien. Le Président Ouattara ne s’est pas privé de les rappeler à l’issue de son entrevue avec son aîné : mutineries, grèves, chute des cours du cacao. À cela, les observateurs politiques, c’est-à-dire à peu près tous les ivoiriens, ajoutaient la glaciation des relations entre Bédié et Ouattara, entre PDCI et RDR, et plus largement au sein du RHDP (ce n’est pas non la joie avec l’UPCI et l’UDPCI depuis les élections législatives), ainsi qu’entre Soro et Ouattara. Au point qu’un début de pugilat a fleuri sur les réseaux sociaux entre les partisans des deux hommes, à coup d’injures et de menaces à peine voilées. Rien de rassurant. L’inquiétude a atteint son apogée lorsque le chef du protocole du Président de l’Assemblée Nationale, Soul to Soul, a été arrêté et mis en détention, suite à la découverte de six tonnes d’armes à son domicile de Bouaké durant la mutinerie de mai dernier.
Alassane Ouattara s’est exprimé publiquement sur les deux fronts pour tenter de désamorcer les tensions : après son entrevue avec HKB, il a reconnu qu’avec le Président du PDCI, ils ne s’étaient pas vus depuis bien longtemps (car « l’année 2017 a été éprouvante » a -t-il dit), accréditant l’idée qu’il y avait bien eu un coup de froid entre les deux hommes. Henri Konan Bédié, pour sa part, avait surpris par le ton ferme employé lors de la commémoration du troisième anniversaire de l’appel de Daoukro le mois dernier, rappelant son partenaire « au respect de la parole donnée » à propos de l’alternance en 2020. Le simple fait que les deux hommes se revoient aujourd’hui, discutent ensemble des sujets sensibles, à savoir la fusion des partis de la majorité au sein du RHDP, peut-être un mode de sélection du futur candidat de cette majorité en 2020 et sûrement aussi le « cas Soro », que Henri Konan Bédié avait bien ménagé ces derniers mois, est donc un signe tangible de décrispation. Il faut entendre Alassane Ouattara, à la sortie de la résidence d’Henri Konan Bédié, dire que les deux hommes ont relancé la fameuse fusion du RHDP qui était devenue un serpent de mer de la majorité : « Nous avons réitéré notre volonté de remettre en place le RHDP, le parti unifié et pour ce faire nous avons décidé de créer un comité de haut niveau qui travaillera à cette tâche. Il nous proposera un manifeste du parti unifié, un statut et un règlement intérieur ainsi que des étapes que nous devons franchir pour y arriver. Cela nous est important d’autant que la Côte d’Ivoire est en paix et elle doit le demeurer ». Dont acte. Comment ne pas penser que si ce processus est réellement relancé, c’est que les deux hommes se sont entendus sur les dossiers qui fâchent ou du moins sur la méthode pour les traiter?
Quant à Guillaume Soro, son voyage de plusieurs mois à l’étranger était le signe, à tout le moins, d’un malaise certain. Le ton virulent, voire injurieux, employé par ses partisans sur les réseaux sociaux, allègrement relayés sur ses propres comptes Facebook et Tweeter, celui non moins virulent utilisé par la presse et les réseaux pro-Ouattara à son encontre, l’arrestation de Soul to Soul dans l’affaire de la cache d’armes, tout contribuait à créer un climat délétère, voire anxiogène. Mais à son retour sur le sol ivoirien, le 22 novembre dernier, le PAN a eu les mots apaisants qui, sur ce front aussi ont fait retomber la tension, annonçant une rencontre avec celui qu’il a nommé son « grand-frère, le Président Ouattara ». Quelques jours plus tôt, celui-ci avait affirmé qu’ « il ne peut y avoir de crise entre Guillaume Soro moi. C’est un jeune homme que j’ai présenté à mon parti pour être le Président de l’Assemblée Nationale ». Depuis ces deux déclarations, les noms d’oiseaux ne fusent plus dans les deux camps. Chacun, et à vrai dire toute la Côte d’Ivoire, attend la rencontre annoncée entre les deux hommes et ce qui en sortira. Parions sur l’entrée de Guillaume Soro et d’un certain nombre de ses soutiens dans la nouvelle direction du RDR, comme c’est d’ailleurs le souhait, également, de la Présidente du parti, Henriette Dagri Diabaté.
Dans un éditorial publié à la fin du mois de septembre, nous exprimions l’idée que l’ouverture de fronts au sein de la majorité était périlleux pour le Président Ouattara. Les derniers développements semblent montrer qu’une éclaircie politique se fait jour suite à l’apaisement généralisé constaté au sein de la majorité.. Pourvu que ça dure.
Philippe Di Nacera
Directeur de la publication