Tout changer pour que rien ne change…. On attendait du renouvellement, on l’a eu, mais il est marqué par une faible ouverture politique et une continuité sur certains postes clés. Telle est résumée la nouvelle donne politique version Ouattara/Achi.
Vingt ministres ont quitté le gouvernement, c’est plus qu’on l’imaginait. Treize nouveaux visages sont entrés. Et si ce gouvernement comporte huit femmes, le même nombre dans le dernier gouvernement d’Hamed Bakayoko, une innovation de taille est remarquée par tous : la nomination d’une femme, pour la deuxième fois en Côte d’Ivoire (la première étant Henriette Dagri Diabaté), au poste ministre d’État, qui plus est numéro deux du gouvernement.
Une promotion pour Kandia Camara qui est tout, sauf un hasard, y compris en ce qui concerne le symbole que désormais elle représente. Cette bosseuse acharnée est devenue au fil du temps un poids lourd au sein du pouvoir, elle en est récompensée.
Pour la seconder sur la scène internationale, plus particulièrement sur le continent africain, elle aura à ses côtés un ministre délégué, ancien membre du FPI, Alcide Djédjé.
La seule marque d’ouverture de ce gouvernement (avec la reconduction à son poste du déjà ministre KKB -Kouadio Konan Bertin- à la Réconciliation nationale) qui recrute opportunément un homme, diplomate et ministre de l’ancien pouvoir, mais aussi issu de la région du Président Gbagbo, passé avec armes et bagages de l’opposition à la majorité, alors que son ancien mentor prépare ses valises du retour au pays.
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Quant aux postes clés de la Défense, de la Sécurité, de l’Économie, du Budget, de l’Équipement et Entretien routier, du Transport, leurs titulaires sont reconduits et même, pour Téné Brahima Ouattara, promu à un rang de ministre d’État. La ligne politique, singulièrement la politique économique, ne changera donc pas.
Sans être très resserrée, la nouvelle équipe est plus restreinte de 5 postes (37 ministres et 4 secrétaires d’État contre 40 ministres et six secrétaires d’État auparavant). Comme tout nouveau gouvernement, mais singulièrement en Côte d’Ivoire, celui-ci répond à de subtils dosages. Il tient compte d’enjeux locaux ou nationaux, de considérations de géographie politique, d’alliances locales ou nationales et d’alliages ethniques. Il mélange anciens et nouveaux, poids lourds et poids plumes, chacun devant apporter « quelque chose » qui dépasse ses seules compétences au dispositif d’ensemble.
C’est d’ailleurs cette dernière considération qui, sûrement, a emporté certaines personnalités fort compétentes, mais politiquement peu ou moins utiles qu’au moment de leur entrée au gouvernement (Issac Dé, par exemple, en a fait les frais). Pour d’autres, c’est l’ancienneté à un poste ministériel qui les a fait chuter ou leur échec aux élections législatives.
Voilà pour le factuel. Le Président Ouattara, qui avait donné le ton en nommant son jeune Secrétaire général du gouvernement, Abdourahmane Cissé, a donc fait ce qu’il avait annoncé tout en s’appuyant sur des cadres sûrs pour poursuivre sa politique.
Qu’ont voulu dire aux Ivoiriens et au monde le Président et son Premier ministre? Qu’après dix ans à la tête de l’État, un nouveau visage du pouvoir, avec une équipe rajeunie, s’imposait. Dans cet élan nouveau, une autre importante innovation retient l’attention : la création d’un ministère de la Promotion de la bonne gouvernance, du renforcement des capacités et de la lutte contre la corruption.
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Ce département ministériel inédit depuis l’accession du Président Ouattara au pouvoir est confié à un magistrat de métier, bien connu des Ivoiriens, Epiphane Zoro Bi. Placer la lutte contre la corruption au niveau adéquat, c’est-à-dire au niveau ministériel, montre assez l’ampleur du mal qui ronge la société et l’économie Ivoiriennes et la prise de conscience au plus haut niveau de l’État de la nécessité de s’y attaquer avec les armes qui conviennent.
Un signal fort pour les Ivoiriens fatigués de voir s’évaporer des ressources qui pourraient servir à leur mieux-être, mais aussi un gage pour les investisseurs internationaux. On souhaite beaucoup de courage et d’inspiration à Epiphane Zoro Bi qui a la charge de mener cette mission capitale d’intérêt public.
Depuis les obsèques du Premier ministre Hamed Bakayoko, on a vu le Président reprendre la main sur le cours des choses politiques et redevenir le maître des horloges. Le gouvernement nommé le mardi 6 avril en est la parfaite illustration. Les conditions d’un nouveau départ sont réunies. La priorité sera nettement donnée au développement du pays et à l’amélioration des conditions de vie des Ivoiriens. Gare à ceux qui par leurs pratiques dévoyées commettraient de faux pas.