La Côte d’Ivoire a traversé une décennie de crise avec la célébration d’anti-valeurs comme le népotisme, la fainéantise, la corruption et d’autres maux. Les exemples, chacun se les cherche tous les jours. Mais il s’en trouve, passé le cap de cette crise militaro-politique dont les plaies peinent à se cicatriser, des individus qui refusent d’épouser l’esprit d’une Côte d’Ivoire engagée sur les sentiers ardus de l’émergence. Il est certes vrai que l’émergence est un idéal, une idée de la Côte d’Ivoire qu’Alassane Ouattara voudrait léguer en héritage aux générations à venir, un pays prospère avec des conditions de vie exemplaires. Il est vrai aussi que les mauvaises habitudes ont souvent la peau dure, dans de nombreuses couches de la vie civile, civique, publique ou économique.
C’est dans cette Côte d’Ivoire en pleine mutation que des policiers et gendarmes se comportent comme des mafiosi dans le far west américain. Vêtus des tenues de la République, payés par le contribuable ivoirien, ils se mettent, telle une vulgaire milice, au service d’acteurs privés.
Que des sous-officiers de gendarmerie se plaignent d’un officier supérieur de la police nationale qui refuserait « de collaborer » dans une affaire viciée en tous points, est un manque de respect non pas seulement à l’égards de cet officier mais à celui de l’ensemble de la police nationale et à celui de la République elle-même.
Le collaborateur du Préfet de police d’Abidjan, homme de rigueur et de haute probité, a ouvert une procédure après saisine de son service pour une affaire qui sent le roussi. De gros montants sont en jeu. Un très riche commerçant a, au mépris de toute règle judiciaire, saisi avec l’aide de policiers du District de police d’Adjamé, des marchandises d’un jeune commerçant. Celui-ci porte plainte mais le riche commerçant réussit à s’attirer la sympathie d’un policier de la Direction de la police criminelle. L’argent a fait son effet. Le plaignant est menacé d’être mis en difficulté s’il ne reste pas tranquille. L’affaire a même atterri à l’inspection générale de la police nationale. Sans suite !
Face à l’inertie, le plaignant s’en remet à un policier probe et rigoureux, collaborateur du Préfet de police d’Abidjan. Il dépose une plainte auprès de lui. Le mardi 11 juin dernier, le riche commerçant, surpris par la tournure des événements se fait escorter par ses « gardes de corps », un policier et un gendarme en civil, à la préfecture de police même. Ces deux larrons veulent déposer une plainte contre le plaignant qui a convoqué leur boss et le convoquent à la brigade de recherches de la gendarmerie nationale. Et c’est dans les bureaux de l’officier de police que ces « gardes de corps » tentent de forcer le plaignant à prendre possession de leur convocation. Chose que l’officier supérieur de police n’admet pas et le fait savoir à tous ceux qui comme une légion, l’assaillent de coups de fil. Un magistrat se mêle à l’affaire. Pourquoi cette fébrilité soudaine ? Le blé est ventilé.
Le dieu argent a parlé. Ces hommes violent la justice, choisissent leur camp (celui du plus riche) et traquent le jeune homme. Devant leur insuccès, ils font savoir au Commissaire Dosso, le Préfet de police, que son collaborateur, « ne collabore pas. » Revient-il à un officier de police de « collaborer » avec des sous-officiers fussent-ils des Officiers de police judiciaire? Pourquoi pour la même affaire dont la procédure est engagée par la police, les gendarmes n’attendent-ils pas la fin au Tribunal pour aider leur nouveau « commandant »? Pour l’argent d’un riche individu qui n’est pas ivoirien, des compatriotes se ridiculisent, jetant l’opprobre sur la police, la gendarmerie et la Justice.
Pour avoir reçu sans nul doute des billets de la concussion, ces hommes, sans foi ni loi, ont décidé de souiller l’image de la police et de la gendarmerie, bafouant et foulant aux pieds les instructions fermes du Général Apalo Touré Alexandre et du Contrôleur Général, Youssouf Kouyaté. Ces deux hauts responsables de l’appareil sécuritaire ivoirien ont placé en haut de leurs priorité la lutte contre la corruption, la justice, le soutien aux plus faibles et le respect des procédures. Mais, il se trouve, hélas, des individus pour ramer comme toujours à contre-courant des valeurs et principes chaque jour rappelés aux rassemblements de corps.
L’argent de ce riche commerçant qui emploie des policiers et gendarmes pour assouvir une basse besogne, n’a heureusement pas aliéné toute la police et toute la gendarmerie, en somme un pan de la Justice de ce pays. Ces mêmes hommes de peu de foi, une fois leur coup tordu réalisé, font savoir que la Côte d’Ivoire est un pays corrompu.
Est-ce l’image que ces hommes veulent donner de ce pays ? Il est évident qu’elle est le cadet de leurs soucis. L’immédiateté qui caractérise le Noir, comme le dit Sartre, est ici confirmée par les actes de ces policiers et gendarmes qui, au mépris de toute pudeur, ont choisi l’injustice comme valeur à célébrer. Et pour des miettes. Leur nouveau « boss », à qui ils ont promis d’avoir la peau de ce jeune homme, a compris depuis le mardi 11 juin, qu’il y a encore de l’espoir dans ce pays qu’ils estiment de non droit. Des hommes de valeur existent et font droit à la justice. Au moins, le Général Apalo Touré Alexandre et le Contrôleur Général Youssouf Kouyaté peuvent se réjouir, tout n’est pas noir. Ils devraient par contre, saisir l’occasion de cette rocambolesque histoire dont le cours se joue à coup de pression et de liasses de billets de banque, pour faire le ménage et remettre de l’ordre dans les troupes. La bataille que se livrent policiers et gendarmes ripoux contre un service, avec à sa tête un officier de haute probité, devrait attirer attention. La célébration des anti-valeurs n’a que trop duré dans ce pays, il est temps d’y mettre le holà !
Adam’s Régis SOUAGA