Analyses

EDITO- Il était une fois Arafat DJ / Adam’s Régis SOUAGA

Mis à jour le 13 août 2019
Publié le 13/08/2019 à 12:31 , , , , ,

Atypique, iconoclaste, provocateur mais talentueux dans son style, Ange Didier Houon aurait traversé l’existence sans une empreinte indélébile, s’il ne s’était pas surnommé Arafat DJ.

Le jeune artiste chanteur de coupé décalé, discret au départ, s’est révélé aux mélomanes ivoiriens et africains au fil du temps. Et de ses frasques. Il savait combler le vide artistique par ses sorties sur les réseaux sociaux et avait collecté les sobriquets. « Influenmento », « yoro », « Sao Tao », « Commandant Zabra »,  et le dernier en date, « Daishikan » avaient fini à faire de ce jeune anonyme des nuits abidjanaises, un véritable phénomène social.

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Décrié, vilipendé, injurié, détesté par certains de ses compatriotes, il n’en demeurait pas moins, un homme comme tous ses concitoyens ivoiriens qui se sont sentis mal, à l’annonce, ce lundi 12 août, de son décès. Oui, Ange Didier Houon était le père de quatre enfants, Mael Houon, Ezekiel Houon, Lachoina Houon, Owen Houon qui n’auront plus l’opportunité de jouer avec leur père, leur frère, leur ami, leur confident, qui loin des tintamarres des décibels des boîtes de nuit de la capitale économique ivoirienne, leur appartenaient.

Les hommages qui fusent du monde entier, des grands médias, Le Figaro, Jeune Afrique, France 24, BBC Afrique, le Courrier International et RFI indiquent que le « petit » ne nous appartenait plus. Il était au monde.

Arafat DJ est à l’image de ces nombreux jeunes ivoiriens et africains qui se cherchent une voie, personnelle, une fois la famille disloquée. Fils de Houon Pierre, artiste musicien et de Tina Glamour (Spendja, Spencer), belle jeune dame arrivée des Etats-Unis qui révolutionna la pratique artistique à sa façon, en son temps, Arafat DJ a su fédérer une jeunesse en quête de repère.

Style vestimentaire, danse, regroupement en gang ont été des signes distinctifs d’une jeunesse qui se reconnaît en lui. Chacune de ses sorties était suivie, épiée, critiquée.

Jusqu’à ce lundi 12 août fatal, le jeune homme qui s’était mué dans un silence suite à sa déconvenue avec un de ses jeunes admirateurs qu’il avait pris sous sa coupole (c’était l’autre facette de l’homme), avait mis sur le marché un dernier son tout en « moto moto ».

Avec un squelette, une longue chaîne en main, sur une moto en flamme, passait-il un message prémonitoire sur cette fin inéluctable pour tout humain ? Les analystes religieux se chargeront de cet autre aspect.

Né le 26 janvier 1986, Ange Didier Houon s’est battu pour s’affirmer dans un monde des vivants sans pitié. Son cheminement a-t-il été bon ? Dieu seul saura juger sa créature qui, ce lundi, sous le coup de 16h, à la vue de ces grappes de jeunes gens qui affluaient vers sa résidence à Angré Djibi groupement 4200, était indéniable que le fils de Tina et Pierre, influençait.

Comme Douk Saga et d’autres jeunes du mouvement coupé décalé, partis très tôt dans le ventre de la nuit, celui qui s’est affublé du sobriquet d’Arafat, en référence à Yasser Arafat, l’illustre patron de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), est devenu un homme monument. Arafat, c’est aussi, cette colline, située à une vingtaine de kilomètres de la Mecque, 70 m de hauteur, qui est « la montagne de la Miséricorde », que les pèlerins, venus de Mina, doivent visiter l’après-midi du 9è jour de Dhou al-hijja. Mélange du révolutionnaire pieux.

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Un concentré d’énergie, de bonnes vibrations, de talents que nul ne lui dénonce mais aussi, de frasques, de folie, d’une farouche volonté de s’imposer à la vue de tous, sans retenue, s’étant fait une idée de lui-même, que les autres devaient suivre, ont fini par avoir raison d’Arafat DJ.

Le tour de platine s’est achevé brutalement au moment où il s’y attendait le moins, dans la fleur de l’âge, dans une symphonie à coup sûr inachevée. Un enfant doit enterrer les parents et non le contraire. A la vue de cette image d’une Tina Glamour, affolée, le pas léger, on comprend, au-delà de ce qui a pu opposer ces deux artistes chanteurs, fils et mère, que rien ne vaut l’Amour maternel pour son fils, son sang, sa chair. Yako Arafat, Yako Tina, yako !!

La leçon, que chaque jeune ivoirien se batte pour s’affirmer comme Arafat DJ mais en prenant soin de ne pas perdre de vue l’essentiel : la vie en toute sagesse vaut d’être vécue, utilement car mort, on ne sert plus de référence. Sur son épitaphe, il sera écrit, « Il était une fois Arafat DJ, il a vécu heureux ! »

Adam’s Régis SOUAGA

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