L’amnésie collective a laissé place à la réalité. La revanche tant attendue, tant caressée derrière les faux sourires, les fausses embrassades, les sous-entendus, est enfin arrivée !
Des groupuscules, identifiés comme proches de partis politiques de l’opposition, ont sonné la charge. Au motif de l’absence du nom de l’ancien président Laurent Gbagbo sur la liste électorale provisoire rendue publique par la CEI, ils ont appelé à l’Intifada. Depuis jeudi dernier, Abidjan vit au rythme de manifestations de groupes de jeunes enivrés par la soif de la vengeance. En 2010, ils n’ont pu rien faire pour sauver le pouvoir de Gbagbo, time is up now !
En face, les « fous » de Ouattara sont aussi prêts pour lui. Il n’y a qu’à faire le tour des réseaux sociaux pour s’apercevoir que les Ivoiriens sont bien assis sur une montagne de dynamites C4 dont les mèches sont bien allumées de chaque côté.
Qu’on ne vienne surtout pas dire que tout ce mélodrame qui n’est pas une fatalité ne découle que de la candidature annoncée et pas encore validée par le juge constitutionnel, d’Alassane Ouattara. Et même si c’était le cas, pour une opposition si large, la victoire devrait être bien à portée de mains. Mais, les actes sont plus parlant et démontrent autre chose.
Le charme de la politique ivoirienne est celui du sport, précisément du football dans ce pays nôtre. Ici, au pays de Didier Drogba et des autres candidats à la présidence de la Fédération ivoirienne de football (FIF), les quelque 25 millions d’Ivoiriens sont tous entraîneurs, spécialistes du football et même joueurs aux talents embrigadés par les sorciers du village.
Depuis quelque temps, mécaniciens, anciens vieux élèves échoués dans des rédactions à l’occasion du printemps de la presse, bons étudiants, piètres individus à l’avenir incertain et les idiots utiles sont tous devenus des juristes, pis, des constitutionnalistes chevronnés. Pourtant, dans ce débat juridique, tous ceux qui ont traversé l’amphi de Droit ou une cour d’université ne sont pas des tous appelés.
De quelle Constitution parle-t-on ? Celle de 2016 ? Celle du 19 mars 2020 ? Il faut lire, et bien lire la loi fondamentale qui déploie effets. Des Ivoiriens peuvent raisonnablement être contre la candidature d’Alassane Ouattara. Seulement, cette volonté devrait épouser le ton démocratique et s’exprimer dans les urnes. La haine d’un homme, présenté comme le malheur de ceux mêmes qui ont choisi de se frayer un chemin vers les abîmes de la vie, ne saurait être un fondement juridique.
Et c’est là que le débat crée la psychose chez la population, qui n’aspire qu’à vivre en paix, sans peur d’un lendemain incertain, d’une « guerre » potentielle. Il n’y a qu’à échanger avec des corps habillés pour se rendre compte qu’ils sont tendus. Ils ont, pour bon nombre, à la gendarmerie nationale, dans l’armée, à la police, vu la guerre que l’on croyait bonne pour les autres.
Il faut laisser au juge constitutionnel l’appréciation des textes, la Constitution et le code électoral. La Côte d’Ivoire ne devrait pas être un champ de bataille à chaque élection. À croire que les ateliers, séminaires et colloques sur la tenue d’élections apaisées sont juste bons pour se mettre en poche l’argent des bailleurs de fonds, les organiser contribuent justement à entretenir ce sentiment que les élections seront une occasion de troubles. Malheureusement confirmés par les agissements de vieux jeunes désœuvrés dont l’emploi occasionnel est la course avec les policiers, les incendies de pneus, la création de la peur chez leurs compatriotes.
Comme dans tous les autres pays, du monde, les Ivoiriens ne pourront jamais être d’accord. Mais, il faudrait que le désaccord, s’exprime par des idées, le respect des textes que nous nous sommes librement dotés, des manifestations sans violence, bien organisées et encadrées. C’est possible sauf à vouloir, pour une frange, imposer sa dictature d’idée et montrer que ce pays, construit à la sueur des fronts multiples des Ivoiriens, immigrés devenus ivoiriens, ne soit la propriété exclusive d’individus à qui des politiciens ont fait croire qu’ils détenaient le certificat de propriété. Il faut casser, non pas dans des prières à Dieu, que nous faisons depuis très longtemps, mais par nos actes, au quotidien, le thermomètre de la peur qui monte à l’approche de chaque élection présidentielle.
Adam’s régis SOUAGA