Il est évident, pour chaque Ivoirien, chaque étranger vivant en Côte d’Ivoire, chaque observateur, ainsi que pour tous les pays représentés en Côte d’Ivoire, que le retour du Président Laurent Gbagbo dans son pays, et avec lui, celui des derniers irréductibles de ses partisans qui restaient en exil, est un événement politique considérable. Il impactera durablement non seulement la vie publique de la Côte d’Ivoire, mais de manière plus impalpable, mais non moins importante, « l’atmosphère » du pays.
Il serait bon, dans le climat général d’apaisement actuel, après les fortes tensions qui ont eu cours lors de la dernière élection présidentielle, que les acteurs de cet important épisode de l’histoire du pays fassent leur possible pour que cette atmosphère, non seulement reste « respirable », mais si possible le soit encore plus, afin de permettre aux Ivoiriens, aux gouvernants et à ceux qui aspirent à gouverner un jour, de se consacrer définitivement à l’avenir.
Or c’est un peu au contraire que l’on assiste. Le retour de Laurent Gbagbo est censé solder le passif. Dès lors, on peut légitimement se poser la question de savoir s’il est utile que cet événement politique majeur soit une occasion pour ses partisans de « faire de la politique ». Autrement dit, est-il nécessaire de mener un bras de fer avec le pouvoir, qui, à juste titre, a accepté ce retour, sur des questions aussi secondaires que triviales comme la date ou l’ampleur de l’accueil populaire qui sera réservé à l’ancien chef de l’État ?
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À la question de savoir si le retour de Laurent Gbagbo sera apaisé ou pas, il ne tient qu’à lui et à ses partisans qu’il le soit. Acquitté de toutes les accusations qui pesaient sur lui à la CPI, il rentre. Voilà le fait majeur. Pour lui et ses soutiens, le match est déjà gagné. À quoi bon y ajouter de petites victoires tactiques ou politiciennes, au risque de prendre à rebrousse-poil des interlocuteurs ? Le gouvernement, manifestement mis sur le fait accompli, mais refusant toute polémique, s’est contenté de sobrement « prendre acte » de la date du retour choisie par le FPI, le 17 juin 2021. Quant aux associations de victimes, elles se sont senties agressées.
Dans un contexte d’apaisement et de réconciliation politique encore fragile, on peut souhaiter un peu plus de sobriété, moins de tactique et moins de provocation de la part des acteurs en présence.
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Gardons à l’esprit que le risque sociopolitique en Côte d’Ivoire est, pour tous les investisseurs internationaux et les plus grandes agences de notation africaines et mondiales, celui qui reste le plus élevé. Rien ne doit être engagé qui puisse aggraver ce risque.
Quant aux victimes de la crise, il faudra bien les gestes et les mots, le minimum d’explication et de consensus à leur endroit, aussi bien de la part du gouvernement que de l’opposition, pour leur permettre de s’engager dans la voie du pardon.
Nul ne connaît à ce stade les intentions du Président Gbagbo. Laissons-le arriver, respirer l’air de son pays et y retrouver ses marques. Lui-même décidera de la posture qu’il adoptera ; lui-même prononcera les paroles qu’il jugera nécessaires, en tant qu’ancien Chef d’État rétabli dans la plénitude de son statut. Gageons qu’il adoptera la hauteur de vue dont il a fait preuve lors de sa première sortie publique depuis dix ans, en octobre dernier.