Un chansonnier sénoufo a composé une belle chanson philosophique dans laquelle il fait savoir qu’un aîné n’a point besoin de relever à son jeune frère qu’il est l’aîné. Ce rapport va de soi. A priori. En clair, quand un aîné est obligé de clamer haut et fort qu’il est l’aîné, c’est que, entre lui et son petit-frère, une pièce de l’armature a fait défaut. Il lui faut alors, plus que des mots et de la force physique, user d’humilité, de sagesse. Cette humilité qui grandit celui qui en use ne devrait être vue comme une faiblesse mais révéler la force de l’homme. Sur le long chemin de la consolidation de son être, l’homme trébuche, tombe, se relève, avance pour atteindre son objectif.
Les palabres, il y en a partout, entre les frères d’une même fratrie, des régions, des pays. Entre Dieu et ses créatures avec le dernier acte de rappel de sa puissance en Australie, par le feu. Quand ce ne sont pas les tsunamis, ce sont les ouragans ou éruptions volcaniques. Ou des inondations. C’est cela la nature.
« Faire taire les armes » a été le thème de la dernière assemblée de l’Union Africaine qui entend s’impliquer dans le développement du continent, en faisant cesser les foyers de tension. Y parviendra-t-elle ? On verra.
Pour un parallèle avec la chaudière ivoirienne où mensonges, trahisons, reniements, regrets se côtoient et s’entremêlent, il faut comme dans le « sizang » sénoufo, à l’aîné, jouer, son rôle.
Un aîné peut faire un faux pas, il lui faut le reconnaître et se confesser. L’aura-t-il fait de mauvaise ou bonne foi ? Son jugement personnel se chargera de son procès mais pour le bien de la communauté ivoirienne, dans son ensemble, il faut donner des signaux forts. Il ne faut pas faire semblant de vouloir se réconcilier par de menus fretins. Il faut oser affronter le regard inquisiteur des parents. Ce n’est pas gai, on l’avoue mais sortir de cette épreuve comme celle subie au bois sacré, fait de l’aîné, une référence morale !
Les chefs de canton, des très proches sont là, ils n’attendent que le bras tendu. Car, au final, il va bien falloir arriver à cette ultime étape ou épreuve. Entendre ce que le frustré aura sur le cœur, son déchaînement de fureur. On dira, c’est la jeunesse ! Mais, on ne demeure pas éternellement jeune. La jeunesse ivoirienne, en tout cas, pas celle qui travaille sur facebook pour des lâches et véreux politiciens à semer la graine de la discorde, de la haine, a conscience de son rôle dans l’essor de ce pays nôtre. Il lui faut se sentir écouter, même si son discours peut avoir des limites, semblé fort, offensant pour les Anciens. Nul n’est éternel et il faut, comme Félix Houphouët-Boigny, savoir faire le don de soi pour la Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo l’a si bien compris. Lui qui hier était furieux du défi lancé par Affi N’guessan, a su puiser dans son tréfonds, pour donner une leçon d’humilité à la classe politique, aux familles déchirées, aux amis séparés. L’aîné a joué son rôle, loin du tintamarre de la cour de suiveurs et de prébendiers, de charognards politiques qui se goinfrent de la discorde.
Qui l’eut cru ? Même si cette paix avec Affi N’guessan a laissé sur le bord de la route, un acteur majeur qui rêvait de bénéficier de l’électorat FPI, sans coup férir, en maintenant Gbagbo en prison, ce pas de géant, va au-delà du FPI. Contraint ? Pas forcément. Stratège, oui. La fin justifie les moyens. Il a ouvert une brèche dans laquelle Bédié s’est engouffré dès qu’il a vu le rapprochement avec Affi avant de demander à ce dernier de venir le voir. Ce faisant, Bédié qui avait remis Affi aux calendes grecques pour embrasser le gorisme, s’est mordu la langue en l’absence de vis-à-vis. Est pris qui croyait prendre.
En face, au RHDP, les pas sont lents, calculés. Il faut oser affronter sa peur, même si elle s’appelle Guillaume Soro, lui parler, taire les différends, sortir grands et rassurer les ivoiriens. C’est bien le rôle des aînés.
7Info
Par Adam’s Régis SOUAGA