Que l’on soit chrétien, que l’on soit juif, musulman ou bouddhiste; que l’on soit croyant ou que l’on soit athée; que l’on soit blanc, noir ou jaune, seules la stupeur, la tristesse et la compassion dominent au lendemain du terrible incendie de la Cathédrale de Paris. 800 ans qu’elle était là, bien installée dans le paysage des parisiens, dans l’imaginaire des français, dans le cœur des touristes du monde entier, les accompagnant de son immense, rassurante, imposante et bienveillante bonhomie. Combien de fois n’ai-je marché contre ses flancs, foulé son parvis, visité sa nef, observé sa majesté depuis les quais de la seine? Combien de fois l’ai-je aperçue sans la voir? Vue sans l’observer? Regardée sans la comprendre vraiment?
Elle était là, c’est tout. Comme je le regrette. Car voilà qu’aujourd’hui elle brûle. Notre Dame de Paris nous appartient à tous. Le grand rabbin de France a eu ce mot qui dit tout, en appelant l’archevêque de Paris : « C’est notre lieu à tous et je pleure avec toi ». Tous les leaders du monde, présidents actuels ou anciens, sur tous les continents, ont exprimé leur stupeur et leur solidarité. Seul cet étrange individu, qui est aussi Président des Etats-Unis, Donald Trump, a eu ce mot, lui aussi étrange, après s’être affligé de l’incendie : « Envoyez des bombardiers d’eau, le temps presse ».
Oui, Notre Dame, monument planétaire de 800 ans, nous appartient à tous. La cathédrale de Paris a été construite entre 1163 et 1345, en plein moyen-âge. Elle représente une époque et une culture. Cette culture occidentale, judéo-chrétienne, qui a donné, comme d’autres, des joyaux à l’humanité. Elle en fait partie. Emmanuel Macron, le Président français a eu ces mots, graves et empreints d’émotion : « Notre Dame de Paris, c’est notre histoire, notre littérature, notre imaginaire, le lieu où nous avons vécu tous nos grands moments, nos épidémies, nos guerres, nos libérations. C’est l’épicentre de notre vie (…). C’est une cathédrale qui est celle de tous les français, même celle de ceux qui n’y sont jamais venus. Cette histoire est la nôtre. Alors elle brûle. Elle brûle et je sais cette tristesse, ce tremblement Intérieur ressenti par tant de nos concitoyens ». C’est le bois de la charpente, d’origine, ce bois qui a traversé huit siècles, qui aujourd’hui a brûlé. Avec lui, c’est l’art que l’on brûle et qui s’envole en fumée. Elle est elle-même une œuvre d’art. Et elle regorge, en son sein, de dizaines d’œuvres multi-centenaires. Des statues, des vitraux, des tableaux. Des œuvres majeures, exposées aux regards bienheureux des visiteurs. Elle est l’histoire d’un pays, la France, mais elle est aussi l’histoire du monde. Cette grande Dame qui a survécu à tellement événements, à tant d’attaques, comme sous la Révolution française où elle faillit être détruite, a traversé ses huit cents dernières années, observant la vie et les soubresauts de ce peuple français, ses joies et ses peines. C’est François 1er y rapportant ce qu’il pense être la couronne d’épines du christ; c’est Napoléon 1er s’y faisant couronner; c’est Paris, enfin libérée du joug allemand, s’y fêtant sous les volées interminables et bruyantes de ses cloches; c’est également ces grandes obsèques nationales, celles de De Gaulle, Pompidou ou Mitterrand; Et ces grands hommages nationaux, comme lorsque toute la France s’y est inclinée devant les victimes des attentats de Paris. Véritable héroïne du grand roman de Victor Hugo, « Notre Dame de Paris », elle est autant un symbole religieux que laïc, républicain, artistique que littéraire. Ce monument national qui part en fumée, c’est aussi le cloché du monde, tant il est connu et vénéré. 13 millions de touristes visitent la vieille Dame chaque année. C’est colossal.
L’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, a eu raison de lancer ce cri : « Il faudra que Notre Dame de Paris vive! » Et le Président Macron a eu raison de redonner de l’espoir avec ces mots : « Ce soir je veux aussi avoir un mot d’espérance. Cette espérance c’est la fierté que nous devons avoir. Fierté pour tous ceux qui se sont battus pour que le pire n’advienne pas. Ces soldats du feu. Fierté parce que cette cathédrale, il y a plus de 800 ans, nous avons su l’édifier. Et à travers les siècles, la faire grandir et l’améliorer. Alors je vous le dis très solennellement ce soir, cette cathédrale nous la rebâtirons, tous ensemble. Et c’est sans doute une part du destin français (…). Nous rebâtirons, nous rebâtirons Notre Dame. Parce que c’est ce que les français attendent. Parce que c’est ce que notre Histoire mérite. Parce que c’est notre destin profond. »
La structure a pu, paraît-il, être sauvée par les pompiers. Je me suis couché. Triste soirée que celle de ce 15 avril. Ce lendemain de drame est un autre jour et une nouvelle espérance.
Philippe Di NaceraDirecteur PôleAfrique.info