Côte d’Ivoire

Éducation Nationale- La chicotte, mal nécessaire avant, les ivoiriens, « plus maintenant »

Mis à jour le 19 septembre 2018
Publié le 20/12/2017 à 3:27

En Afrique, la chicotte est définie comme un instrument servant à infliger des punitions corporelles aux enfants turbulents. Pour beaucoup d’Africains, il s’agit de corrections utiles dans l’éducation des enfants à l’école. D’autres par contre pensent que la chicotte n’est pas forcément nécessaire, qu’il existe d’autres moyens pour les instituteurs d’affirmer leur autorité. Tous les enfants ont-ils des réactions égales face à la chicotte? Ainsi, des pays africains commencent à mettre le bémol concernant cette pratique dans les écoles.

Mais, face au diktat des élèves des lycées et collèges ivoiriens qui se permettent depuis peu d’anticiper sur les congés, des voix s’élèvent pour plaider le retour du « gbèyan ». 

La chicotte est-elle une correction utile dans l’éducation à l’école?  Telle est la question posée aux ivoiriens par Poleafrique.info.

Pour Mamadou Doumbia, PCA du Ramede-CI, « C’est un raccourci qu’il faut éviter. La violence est loin d’être la solution appropriée. Pour ce qui concerne les dérives scolaires, la responsabilité est collective. Ce phénomène n’est pas nouveau. Le RAMEDE CI souhaite l’union sacrée de tous les acteurs de la société autour de l’école. Les enfants et l’école doivent être une priorité de tous. Que chacun évite de les instrumentaliser. En clair, il faut une concertation approfondie pour trouver ou mettre au goût du jour les solutions idoines » recommande-t-il.

Comme  le  premier intervenant, Gondé Yacouba, enseignant de philosophie à Divo, admet que les temps on changé. « Je suis un pur produit des années de chicotte. Je dois avouer de prime abord qu’à cette période, régnaient la discipline et le respect de l’aîné dans les écoles. Le pays a eu de nombreux cadres grâce en partie à ces méthodes. On serait même tenté de soutenir que ce fut l’âge d’or du système éducatif en Côte d’Ivoire. Mais enfin, partisan de la non violence (sous toutes ces formes), l’abandon des fouets à l’école est à saluer. Je pars du principe que le recours au fouet dans un pays où l’État investit assez pour le respect des droits des enfants est un recul. Mieux, si nous avons jugé utile de faire l’économie de cette méthode archaïque, c’est bien parce qu’elle a montré ses limites. C’est pourquoi il est souhaitable d’opter pour la sensibilisation» fait-il savoir à PôleAfrique.info.

Malick, lui, est chauffeur de taxi dans la commune du Plateau. Il est sans équivoque, quant au retour de la chicotte dans nos écoles. C’est le seul moyen selon lui, de rétablir la discipline, « Ma chicotte est une planchette, un morceau de bois que j’utilise pour me faire obéir. Avec la chicotte, l’africain comprend vite. C’est une sorte de remède qui permet de mettre les enfants au pas, par exemple quand ils ne veulent pas travailler. Avec cela, ils savent que s’ils ne travaillent pas, ils seront chicottés. Cette méthode reste exceptionnelle parce que qu’elle est interdite, dans le règlement scolaire. Mais nous sommes obligés de l’utiliser car l’africain, a besoin de la chicotte. Et puis avant de chicotter, je donne toujours au moins deux avertissements, au bout du troisième, l’enfant sait ce qui l’attend. C’est sûr qu’en Occident on ne peut pas trop comprendre cette méthode mais ici, elle est indispensable dans l’éducation des enfants. Mes enfants, quand ils commettent une faute, je n’hésite pas à les chicotter. Comme je vous l’ai dit, c’est le seul moyen pour qu’ils comprennent vite. C’est sûr qu’au moment de la chicotte, ils ne sont pas contents, mais une fois grands, ils doivent forcément nous remercier » a t-il assuré.

Pour Sanata, commerçante au Plateau et future mère, le fouet a fait son temps. Mais il existe aujourd’hui,  d’autres moyens de correction. « la chicotte, c’est un instrument qu’on utilise pour taper, corriger les enfants. Comme beaucoup d’enfants, j’ai eu droit à la chicotte, surtout à l’école. Souvent c’était le bâton du balai, une règle ou alors les pneus de voiture coupés en languettes. Ce n’est pas dramatique, c’est éducatif à fond et avec le recul, je me dis que ces coups, je les ai mérités, sauf pour ce qui est de l’école. En classe, c’était abusé parce que le maître donnait les coups parfois pour rien. C’était une question de savoir, de rapidité, quand il te posait une question. Il fallait répondre très vite, sinon bonjour la chicotte. On n’avait pas le temps de la réflexion. Il te tapait devant tout le monde alors que tu n’avais même pas fait de bêtise. Mais parfois, je me dis c’est mieux, comparé aux petits français, que je peux croiser dans les rues et qui parlent trop mal à leurs mères. En ce qui me concerne, je ne vais pas chicotter mes enfants plus tard. Peut-être des petites tapes, des fessées, mais pas plus. C’est dès la petite enfance, qu’il faut montrer son autorité avec le jeu du regard. Tout se joue dans le regard au début. Il y a des regards qui te glacent le sang et qui sont pires que la chicotte. » a t-elle réagi.

Comme la plupart des intervenants, Stéphane, agent dans une banque de la place, n’encourage pas le retour de la chicotte dans le système éducatif ivoirien. Pour lui, bien que cette méthode ait fait ses preuves dans le passé, elle est aujourd’hui désuète.

« La chicotte pour moi, c’est le palmature, une espèce de fouet qui sert à frapper. La chicotte a fait partie de ma vie quotidienne, à l’école (internat), à la maison. C’est surtout à l’école que j’ai été le plus chicotté. C’était tout le temps. Cela pouvait tomber à tout moment. Dès lors que tu ne te tenais pas tranquille. A la fin, c’était devenu presqu’un jeu entre l’instituteur et nous. Quand quelqu’un faisait une bêtise, on savait qu’il allait y avoir droit. On se mettait à chanter. Le maître se dandinait de gauche à droite, « la danse de la chicotte » devant l’infortuné. La punition était souvent disproportionnée, par rapport à la faute commise. Parfois cela pouvait être le piquet. On devait rester immobile pendant plusieurs heures dans une position indiquée, la jambe droite au sol, l’autre en l’air derrière le dos, tout comme le bras droit. Si on avait le malheur de bouger, on avait des coups de chicotte. Mais bon, cela fait partie de la culture africaine, on l’accepte. Surtout que dans mon cas, cela m’a été utile. Avec le recul, je comprends qu’il me fallait cette éducation sinon j’aurais sûrement mal tourné. Les maîtres ou les professeurs se sentaient tout puissant parce qu’ils se savaient soutenus par les parents, qui les encourageaient dans ce sens. Personnellement, je ne le ferai pas avec mes enfants parce qu’il y a d’autres moyens de faire valoir son autorité. Pour moi, chicotter son enfant, est un signe de faiblesse. Si on en arrive là, c’est que, quelque part, on a échoué dans son éducation » est-il convaincu.

En Afrique, les familles ont généralement opté pour la chicotte, comme moyen de correction à la maison comme à l’école. Mais de nos jours, les conséquences négatives de cette vieille méthode, ont emmené une bonne partie des populations africaines, à comprendre que d’autres moyens moins violents et plus productifs, pourraient permettre aux enseignants de faire valoir leur autorité.

Diaby Baba Alassane (Stagiaire)

Source : rédaction Poleafrique.info

 

 

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