Les moyens ne sont pas forcément les mêmes, mais l’engagement si. A l’instar des forces vives engagées contre le coronavirus, Covid-19, les femmes politiques et leaders d’opinion sont elles aussi en première ligne. Au nom de la santé, elles appellent à l’union pour vaincre la pandémie, sans toutefois s’écarter de leurs lignes politiques.
La défaillance des systèmes de santé en Afrique a fait craindre le pire dans la crise sanitaire qui s’est déclenchée en Chine en décembre 2019. Pourtant conscients de ce handicap, dirigeants, leaders d’opinion et entreprises citoyennes, ont mis en place une chaîne de solidarité en vue d’aider les personnes les plus vulnérables dans la lutte contre la maladie et porter la voix, pour préserver leurs pays, d’une propagation à grande échelle. Ceci dans le but d’éviter que la crise sanitaire ne se transforme en crise sociale, plus difficile à résoudre.
En Côte d’Ivoire, plusieurs partis politiques ont fait confiance à leurs « femmes » dans la lutte contre le coronavirus, Covid-19, et bien au-delà, année électorale oblige. A Bouaké, au Centre Nord de la Côte d’Ivoire, des femmes s’organisent ce samedi 18 avril 2020 pour une campagne de sensibilisation dans les marchés de la ville et de remise de dons aux habitants de Dar-es Salam et Sokoura, deux quartiers populaires.
Membre de la plateforme des femmes leaders de la région de Gbêkê, Jacqueline N’Guessan, est 3ème adjoint au maire de Bouaké, Nicolas Djibo. Elle dit s’inscrire avec ses paires dans la lutte contre la pandémie sanitaire qui a mis le monde à genoux. Depuis le début de la crise sanitaire, madame la Maire est à la tâche. Une vaste campagne d’information sur la maladie et d’éducation aux gestes barrières a été initiée par la municipalité.
« Vous savez dès le début de cette crise, le Maire m’a dit, Jacqueline, tu es une femme. Et ce sont les femmes qui tiennent les ménages et la plupart des commerces ici à Bouaké. Je suis certain, que ta voix va porter. Et depuis, investie de cette mission, nous parcourons tous les marchés et les petits commerces pour sensibiliser et offrir des kits de lavage des mains afin de se prémunir contre le coronavirus. Ce n’est pas facile car c’est un travail de toute heure. Il y a des femmes qui ne croient même pas en l’existence de la maladie et donc il faut en plus d’éduquer, expliquer le contexte du covid-19. Mais fort heureusement, nous sommes avec l’association des femmes de Bouaké et des organisations de la société civile, pour mener à bien cette mission », fait-elle savoir.
Plusieurs autres quartiers ont déjà été visités par la cohorte de la responsable du social et de la santé au sein de la municipalité de Bouaké. Ahougnansou, Broukro, N’dakro, N’gattakro, Belleville, Assoumankro, Tchèlèkro, Gbèssèkro, Tola kouadiokro, sans oublier les 24 marchés de la commune. Une opération qui nécessite une importante mobilisation de fonds.
« Nous disposons de deux sources de moyens financiers. Les moyens propres (ceux de la mairie) et les dons de l’État. Nous avons reçu le don du Premier Ministre ainsi que des dons d’autres personnes venant de divers démembrements de l’État. Il y a aussi eu les dons de personnes morales et physiques en appui à la mairie. (…) parfois, nous travaillons avec nos propres fonds. Nous prenons de l’argent de notre propre poche pour des actions concrètes. Nous avons acheté nous-même des gels et des cache-nez pour les distribuer », confie Jacqueline N’Guessan.
Un combat épars en Côte d’Ivoire contre le virus
Dans l’Ouest du pays, plus précisément à Man, une autre femme mène des actions sociales, au nom de son parti. Clarisse Mahi, cadre de la région et membre de l’Union pour la Démocratie et pour la Paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) dirigée par Dr Albert Mabri Toikeusse, est au front. Avec les femmes de sa formation politique, elle s’est rendue aux quartiers Domoraud et Air France pour faire de la sensibilisation, ce lundi 20 avril.
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Le message est le même, observer de manière stricte les consignes des autorités ivoiriennes pour faire barrage au coronavirus. Selon cette haute responsable de l’UDPCI, des dons d’une valeur de 3 millions ont aussi été remis aux habitants ce jour. Ils sont constitués pour l’essentiel, de kits de lavage des mains, de gels hydroalcooliques, de masques médicaux et gants de protection. Selon la deuxième vice-présidente chargée de la stratégie et des questions juridiques à l’UDPCI, tous les partis politiques devraient parler d’une même voix, en ce qui concerne cette crise sanitaire.
« Nous ne faisons pas ce que font les autres. Mais, plutôt ce qui doit être fait en pareille circonstance. Nous sommes, nous, femmes de l’UDPCI, sur le terrain. Ce n’est pas le seul quartier que nous visitons et déjà les dons faits aux populations s’élèvent à plus de 5 millions FCFA. Nous allons continuer dans ce sens jusqu’à ce que les gestes barrières deviennent des réflexes », fait savoir l’ancienne députée de Bin-Houyé.
Le Coronavirus, Covid-19, intervient dans un contexte particulier pour l’UDPCI. Le parti dirigé par Albert Mabri Toikeusse, fondu dans le RHDP, a fait un réaménagement de sa direction le 10 avril 2020. Clarisse Mahi, anciennement vice-présidente adjointe chargée de la stratégie et des questions juridiques est désormais titularisée à ce poste. Elle remplace un autre responsable, Dr Albert Flindé. Ce dernier a été écarté pour défaut de loyauté envers son président dans les perspectives des futurs enjeux électoraux.
Pas de répit pour l’opposition politique
Si les autorités sanitaires s’organisent pour faire face au virus à la couronne, les leaders politiques eux, s’impliquent sans toutefois oublier l’essentiel pour eux, le scrutin présidentiel d’octobre prochain. Les actions, notamment celles du pouvoir, sont passées au peigne fin par l’opposition. Et quand les règles démocratiques sont flouées, des femmes, procèdent à un rappel à l’ordre. C’est le cas de Yasmina Ouégnin, députée de la commune de Cocody, un quartier d’Abidjan. Elle est à l’origine du groupe parlementaire Vox populi. Yasmina dénonce une récupération politique de la crise sanitaire en Côte d’Ivoire.
« Pour faire face à sa propagation, un formidable élan humanitaire a permis une série d’initiatives pour d’une part, sensibiliser les populations et d’autre part, contribuer financièrement et/ou matériellement aux actions de prévention et de protection sur tout le territoire national. Malheureusement, force est de noter que des personnalités aux réflexes et aux comportements d’une autre époque posent des actions uniquement pour leurs petits intérêts, alors même que le péril qui nous guette est un enjeu national majeur » condamne l’élue de la Nation.
La fille de l’Ambassadeur George Ouégnin, chef de Protocole de feu le Président Félix Houphouët Boigny, s’est toujours illustrée par ses positions tranchées sur des questions sociales. Très critique à l’endroit du pouvoir quand elle veut, Yasmina Ouégnin, transfuge du PDCI RDA, a exprimé son indignation face à l’attitude du gouvernement dans la crise à coronavirus.
« Que c’est ignoble d’exploiter le malheur du peuple en y trouvant l’occasion idéale pour procéder à des calculs mesquins en vue de redorer son blason ou améliorer son image. En tant que Fille, Mère et Citoyenne de Côte d’Ivoire, je déplore, refuse et condamne avec la dernière énergie toute récupération partisane, clanique et politicienne qui pourrait être la motivation principale de ces dons ou actions » dénonce-t-elle.
Les responsables du groupe parlementaire Vox Populi, dont elle est issue, n’ont pas souhaité communiquer sur les dons faits à Cocody. D’ailleurs son président M’Bolo Martin, se veut modeste.
« On ne peut faire ce qu’on dénonce. Alors souffrez que je ne vous en dise pas plus sur les dons effectués à l’endroit des populations les plus vulnérables ici à Cocody. Nous souhaitons juste que tout cela se fasse dans le strict respect du jeu démocratique. Ce qui n’est pas vraiment le cas quand on voit le comportement de certains candidats à la présidentielle » déplore-t-il.
Le groupe parlementaire Vox Populi, n’est pas le seul à dénoncer une récupération politique de la crise à Coronavirus. Des partis politiques sont aussi en première ligne. C’est le cas de l’Union Républicaine pour la Démocratie (URD), dirigée par l’ancienne ministre de la communication Danielle Boni Claverie. Ce parti officiellement catalogué comme membre de l’opposition, participe à l’animation de la vie politique en Côte d’Ivoire. Les positions tranchées de sa présidente en pleine crise de Coronavirus, rappellent son engagement politique.
Danielle-Boni Claverie est pour un report du scrutin présidentiel.
« Pour l’URD, ce report est logique et même souhaitable au vu de l’impréparation flagrante des opérations électorales. Le porte-parole du gouvernement s’en faisant même l’écho la semaine dernière en avouant que sur 6 500 000 personnes à enrôler en vue de l’obtention des cartes nationales d’identité, seules 133 000 ont été effectivement enregistrées. N’est-ce pas là un aveu d’échec ? La position de l’URD est connue et elle n’est pas nouvelle. Depuis plus d’un an, nous disons qu’on ne peut envisager la tenue d’élection sans qu’un certain nombre de conditions ne soient remplies » relève la présidente de l’URD.
Cette formation politique a, selon ses responsables, mené des actions en faveur de ses sections réparties sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Les dons offerts étaient essentiellement constitués de kits d’hygiène pour faire face au coronavirus.
Mais, la période de respect des gestes et de confinement suscite d’autres problèmes dans les ménages. Des situations sur lesquelles, ont décidé de se pencher, des organisations de la société civile.
Répercussions sociales
Irad Gbazalé est enseignante de formation, présidente de l’ONG “Femme en Action” et Présidente des Médiatrices de Paix d’Onu Femmes Côte d’Ivoire. Avec ses associations, elle a démarré depuis le 17 Mars 2020, la sensibilisation porte à porte face au coronavirus, dans la commune d’Abobo et ses marchés. Toujours dans cette dynamique, Irad Gbazalé a participé à deux émissions télévisées. Un reportage sur les violences conjugales sur des femmes victimes, a été réalisé, et la militante des droits de la femme est intervenue en tant qu’experte sur le cas d’une dame tombée d’un immeuble à la suite d’une violence conjugale en pleine crise de coronavirus.
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“Il faut dire que cette période de confinement du COVID-19 a accru la vulnérabilité des femmes dans les ménages. Et nous essayons de leur apporter notre soutien dans cette situation difficile. Notre organisation est communautaire et est représentée dans 7 villes de la Côte d’Ivoire. Et nous avons aussi mis à profit tous nos canaux de communication telles que les réseaux sociaux pour diffuser les messages en langues locales, des capsules vidéos, affiches de sensibilisation sur les consignes prises par le Gouvernement et l’OMS. Dans cet élan, nous avons apporté réconfort à 61 familles démunies et vulnérables, qui nous ont sollicitées, à Abobo et Anyama. Nous avons lancé un SOS d’appel de dons sur les réseaux sociaux, qui a eu gain de cause” a t-elle indiqué.
Irad Gbazalé a accordé plusieurs interviews à des médias étrangers en cette période de crise sanitaire. Elle annonce une vaste Campagne de sensibilisation contre le coronavirus du 04 au 08 mai 2020 dans le District d’Abidjan. L’opération sera pilotée par le Groupe des Organisations Féminines pour l’Égalité Homme Femme (GOFEHF) dont est membre son ONG, “Femme en Action”. Il s’agira de mettre pieds dans 15 marchés des différents quartiers de la commune d’ Abobo.
En dehors de cette localité, la militante et son équipe se sont rendues dans les communes d’Anyama, Cocody, Adjamé, Plateau, Yopougon et Grand Akoupé, toujours pour la sensibilisation face au coronavirus. Les habitants ont partagé leurs peines en cette période sensible.
“ Plusieurs problèmes sont exprimés par la population. Leur économie qui tourne actuellement au ralenti, le confinement , le couvre-feu posent problème surtout pour les personnes qui font le commerce de nuit. Depuis le haut, jusqu’au au plus petit métier, pas d’entrée ni de sortie parce que leur travail est journalier, la population vit au jour le jour. Autre constat, c’est bien celui des VBG (Violences Basées sur le Genre) mais particulièrement les violences conjugales en cette période où nous sommes passées de trois (3) dénonciations de femmes battues, à six (6) dénonciations uniquement pour le mois de mars et 8 cas en Avril, donc un total de 14. Vous comprenez qu’on ne peut pas laisser cela, et venir parler de politique. Voilà ce qui nous préoccupe pour l’instant”, fait savoir Irad gbazalé
Son organisation a réussi à être autonome grâce à la location d’un espace dénommé » Espace de la paix » pour les cérémonies de mariages. Le lieu situé dans la commune d’Abobo Akeikoi a été totalement équipé par des personnes de bonne volonté, qui partagent la même vision que l’organisation. Mais les moyens demeurent en deçà des ambitions fixées. Un handicap qui n’entrave pas pour autant ses actions.
“C’est difficile d’avoir des financements auprès des bailleurs ou du Gouvernement ou peut-être que nous ne frappons pas aux bonnes portes ou bien que notre demande de subvention est mal formulée tout est possible. Mais, actuellement, nous travaillons sur fonds propres. J’interpelle le gouvernement, qu’il tende l’oreille aux cris et aux larmes des vraies familles démunies et vulnérables afin que celles-ci soient, un tant soit peu soulagées. Aux ONG sœurs, il ne faut pas baisser les bras et continuer la sensibilisation auprès des populations” encourage la militante des droits de la femme.
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La situation sanitaire en Côte d’Ivoire a obligé les femmes leaders, sans distinction aucune, à s’impliquer dans la lutte contre le coronavirus. L’appel à la mobilisation générale contre la maladie, lancé par le Chef de l’État Alassane Ouattara a été entendu par toutes les femmes de Côte d’Ivoire, avec à leurs têtes, les premières dames.
Éric Coulibaly
7info.ci