Après les pluies diluviennes et les inondations, la ville de Grand-Bassam est frappée depuis plusieurs jours par une marée haute qui a avalé la quasi-totalité des plages de la cité Balnéaire. Une situation qui a causé de nombreux dégâts matériels.
Ce dimanche 13 août 2023, Isaac, un maître-nageur et tenancier d’un maquis en bordure de plage, fait le ménage. Aidé par son ami, il rassemble et dégage les déchets rejetés par la mer en furie la nuit précédente. Il est 17 heures et la corvée imposée par les vagues aux deux jeunes hommes est loin de se terminer. Les quantités de sachets d’eau et autres plastiques qui constituent des immondices sur le lopin de sable qui reste, sont importantes.
Le visage tout défait, il accepte de s’exprimer sur la situation, à 7info.
« C’est un phénomène qui se déroule chaque année, entre fin juillet et début août. Mais cette année, c’est exagéré ! », tente-t-il d’expliquer l’érosion côtière qui frappe la cité balnéaire.
Une montée du niveau de la mer
Il espérait vivre un moment unique dans la ville classée patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais Franck Mupepe, un touriste gabonais de passage en Côte d’Ivoire, est sans mot.
« Je suis là pour une formation. On a visité le musée. On est venu manger à présent et profiter de la plage. C’est bien dommage. On ne peut pas se baigner parce qu’on risque nos vies », se désole le Librevillois.
Depuis une semaine, c’est toute la façade maritime de Grand-Bassam qui est menacée de disparition à cause de l’érosion côtière. Le jeudi 10 août 2023, une montée du niveau des eaux a étendu le lit de la mer sur plus d’une centaine de mètres, avant de retirer.
« Ce que vous voyez, ce sont les dégâts de l’eau qui est sortie de la mer pour atteindre la route principale où se trouve la préfecture, le musée, le ministère de l’Agriculture et bien d’autres. Le débordement a cassé des clôtures, balayé les restaurants et l’eau vient avec toute cette saleté », nous confie un agent de la préfecture de Grand-Bassam.
Sur les rives, les bungalows et autres espaces de détente qui animent la plage ont pratiquement disparu.
Plusieurs restaurateurs ont perdu la moitié de leurs espaces. La piscine de l’hôtel étoile du sud, est inondée par les eaux de la mer.
Profiter des vacances malgré le danger
Aloutchi Kacou Hermann, un gérant à l’espace “Béni de Dieu’’, a perdu plus de deux tiers de son établissement.
« Le 09 août, on ne s’y attendait pas quand la marée est montée pour envahir notre espace. On a presque tout perdu. Tout a été bouffé par les vagues. On essaie de maintenir notre clientèle, mais on n’a plus d’espace pour les installer tous », explique le jeune manager.
« Nous continuons à travailler et nous espérons que l’Etat va nous venir en aide », ajoute-t-il avant d’aller s’occuper de quelques clients surpris par la nouvelle réalité de la plage de Grand-Bassam.
Plus loin, un groupe des jeunes vacanciers enregistrent des vidéos Tik-Tok, à la lisière des chutes de vagues. Pour eux, l’heure n’est pas de s’alarmer.
« On est conscient du danger, mais nous sommes prudents. On vient de loin, donc on fait avec. L’été prend fin bientôt, il faut profiter du peu de temps qui reste », nous lancent Amy Gbané, et ses amis venus de Bondoukou, au centre-est de la Côte d’Ivoire.
Prudence, c’est la consigne donnée par la Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique (SODEXAM) aux habitants des villes du littoral ivoirien face à une montée du niveau de la mer. La situation devrait durer encore quelques jours.
Littoral en sursis
Avec une superficie estimée à 23 253 km2 avec un réseau lagunaire qui s’étend sur une longueur de près de 300 km avec une superficie de 1 200 Km2, le littoral ivoirien, long de 556 km, s’étend du Cap des palmes, dans le Sud-Ouest au Cap de l’Est. Il couvre une superficie de 253 km², soit 7 % de la superficie de la Côte d’Ivoire.
À Grand-Bassam comme dans d’autres villes africaines, l’érosion côtière a atteint des proportions à grande échelle. Elle exige des pays qu’ils prennent l’initiative d’une coordination régionale.
Pour la seule année 2017, la dégradation des côtes, les inondations et la pollution ont coûté 3,8 milliards de dollars au Bénin, à la Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo, soit 5,3 % du produit intérieur brut de ces quatre pays réunis.
Les zones côtières d’Afrique de l’ouest abritent environ un tiers de la population de la région et génèrent 56 % de son PIB. Le littoral doit rester en bon état et productif pour créer des opportunités économiques, ancrer des communautés résilientes et transformer les moyens de subsistance.
Tristan Sahi