Le premier président ivoirien, de sa tombe a cru s’entendre parler. Pour la première fois depuis son décès le 7 décembre 1993, un Chef d’Etat ivoirien a pris une décision de haute portée historique qui vise à apaiser les cœurs, rassurer ses concitoyens et célébrer la Paix.
En 1999, alors que la haute direction du RDR est décapitée par des arrestations du pouvoir de Bédié, le prince de Pépréssou (Daoukro) reste inflexible dans son discours du 24 décembre 1999. Il demande au RDR de se trouver un autre candidat, autre que Ouattara. Les militaires en profiteront pour ramener un peu de quiétude et de joie par le premier coup d’Etat de l’histoire du pays.
Là où le Général Robert Guéï était attendu, il a indiqué n’avoir pas fini de mâcher la nourriture en bouche et finit par troquer le treillis pour la veste civile. Résultat, sa fuite d’Abidjan fin octobre 2000 face à Laurent Gbagbo qui avait fait sortir la population, ses militants et ceux du RDR qui exigeaient la reprise de l’élection dont leur mentor avait été écarté. Au final, son assassinat le 19 septembre 2002, accusé par le président du FPI, Pascal Affi N’guessan d’avoir tenté un coup de force.
Quand survint le contentieux électoral suite au vote du 28 novembre 2010, huit ans après le début de la rébellion du 19 septembre 2002, Laurent Gbagbo, que Commission électorale indépendante (CEI), ONUCI et toute la communauté internationale désignaient comme grand perdant de l’élection est attendu. Son discours ne viendra jamais et le pays s’embrase du 16 février 2010 au 11 avril 2011, date de la capture de l’ex-chef d’Etat.
Et vint le tour d’Alassane Ouattara. L’homme était depuis quelques semaines confronté à une fronde sociale sournoise, un front politique hérissé, mené par le PDCI-RDA, l’ex-allié au sein du RHDP. Le FPI qui entrevoyait un sésame pour faire partir Alassane Ouattara et son RDR du pouvoir faisait des pieds et des mains pour se rapprocher du partenaire devenu adversaire.
Sur les réseaux sociaux, tout le travail abattu depuis 2011 est réduit à néant. Mais, s’il y a un point qui cristallise les relations entre le FPI et le pouvoir, c’est bien la question de ceux « qui étaient injustement emprisonnés depuis sept ans » selon Désirée Douaty, fille du ministre Alphonse Douaty, présidente d’un regroupement de défense des cadres du FPI en détention.
Le FPI estimait que ces prisonniers étaient des « prisonniers politiques » là où le pouvoir les qualifiait de putschistes notoires, commanditaires de tentatives de subversion, d’attaques contre les institutions de l’Etat. Chaque année depuis 2012, les discours à la nation du Président de la République étaient scrutés. Et arriva celui consacré à la célébration des 58 ans d’indépendance de la Côte d’Ivoire.
Et la fumée blanche sortit sans que les 800 personnalités bénéficiaires de l’amnistie décrétée ce 6 août, ne s’y attendent.
« Le père de la Nation, le président Félix Houphouët-Boigny disait qu’il n’y a pas de sacrifice trop grand pour la paix, c’est pourquoi en raison de mon attachement à la paix et à une réconciliation vraie, j’ai procédé ce lundi 6 août à la signature d’une ordonnance portant amnistie » a indiqué Alassane Ouattara.
« Il s’agit d’une mesure de clémence de la nation entière envers des filles et ses fils. J’ai invité donc tous les bénéficiaires de cette amnistie de faire en sorte que notre pays ne revive plus jamais de tels événements et ne sombre plus jamais dans la violence » a recommandé Alassane Ouattara qui remet le pays au cœur de la sa religion : la paix.
Cela rappelle bien le pardon accordé par Félix Houphouët-Boigny à des cadres du PDCI-RDA accusés de « complot du chat noir » en 1963. Il y a avait Samba Diarra, Charles Bauza Donwahi, Jean Konan Banny, Germain Koffi Gadeau et bien d’autres.
Sur le sens de cette décision politique majeure, Alassane Ouattara explique que « nous avons une précieuse richesse commune à préserver, c’est la Côte d’Ivoire, notre grande nation bâtie dans l’effort, dans la diversité, dans le respect de nos différences. Mais, nous avons une responsabilité collective, celle de réaliser l’union de tous les enfants de notre chère patrie. » Ce discours, il va falloir l’envoyer à Israël N’goran, ce lugubre personnage qui est devenu le nouveau Hitler ivoirien, appelant au nettoyage de sang des « dioulas dont le parti est le RDR », « l’ennemi commun ». Ce que cet « apôtre » a dit haut, il s’en trouve des ivoiriens au PDCI et au FPI qui ne le pensent pas moins.
Ainsi, le discours de 18 mn d’Alassane Ouattara ce 6 août ne coïncide pas seulement avec les crispations normales de la vie politique. Il est délivré à une période où le discours ivoiritaire refait surface.
A tous ceux qui voyaient Ouattara comme le monstre qui empêche les uns et les autres de nourrir leur fantasme politique, il a encore assuré que « pour ma part, en tant que Président de toutes les ivoiriennes et de tous les ivoiriens, je prends l’engagement devant la nation de consolider cette œuvre de cohésion sociale. »
« Au moment où la Côte d’Ivoire célèbre ses 58 ans d’indépendance, je veux réaffirmer ma foi en la jeunesse et ma conviction dans le renouvellement des générations. Comme je l’ai déjà souligné, nous devons travailler pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération, de manière démocratique en 2020 » a rappelé le président Alassane Ouattara. Comme pour confirmer sa posture du lundi 16 juillet dernier, à l’occasion de l’assemblée générale constitutive du RHDP unifié, cérémonie au cours de laquelle il annonçait le passage générationnel auquel il tient et y invitait à y travailler.
A-t-il coupé l’herbe sous les pieds des pro-Soro qui l’inondaient d’injures et se recherchaient un nouveau parrain à Daoukro ? Ouattara a-t-il brisé les espoirs d’Affi et ses camarades de créer un front anti Ouattara avec le PDCI ? Que fera le parti de Bédié qui faisait des prisonniers du FPI, la nouvelle levure pour sa farine ?
Les arguments ont volé en éclats. Et pour toujours chercher noise, on s’accroche à la « gestuelle », jugée « abondante » et au processus juridique qui a abouti à la signature de l’ordonnance portant amnistie des 800 prisonniers. Un Haut Magistrat sous couvert d’anonymat a bien accepté de décrypter le processus de signature de l’ordonnance pour en déceler ou non un vice de forme (à lire sur PôleAfrique.info).
Ce 6 août 2018 restera gravé dans la mémoire collective car, outre la libération de ces 800 prisonniers, c’est une atmosphère détendue que Ouattara crée avant son envol pour le pèlerinage à la Mecque.
Houphouët-Boigny qui disait que la paix n’est pas un vain mot mais un comportement a retrouvé son filleul, son fils spirituel qui traduit par cet acte grandeur nature, qu’il est et demeure le vrai houphouétiste. Comme on le dit à Abidjan « kouman banan » (tout est dit, en malinké NDLR).
Adam’s Régis SOUAGA
Source : rédaction PôleAfrique.info