Franck est un jeune diplômé ivoirien de 28 ans. Il est titulaire d’un BTS en mines et géologie. Approché par un ami, qui aurait trouvé un moyen de le faire embaucher dans une grande entreprise minière de la place, le jeune homme ne savait pas, qu’il tombait, la tête la première, dans un vaste réseau d’arnaque, bien connu des ivoiriens. Il revient sur sa mésaventure.
Tous les moyens sont bons pour s’enrichir a t-on coutume de dire. De vastes réseaux d’arnaque pullulent la Côte d’Ivoire et les victimes se comptent par milliers. Malgré les nombreuses mise en garde et alertes émises sur certaines organisations véreuses, des infortunés, mal informés n’arrivent pas à éviter les pièges dressés, par ces brigands sans vergogne. Et le jeune Franck, a bien failli mordre à l’hameçon.
« Après mon BTS, j’ai cherché du boulot et je continue de le faire. J’ai rencontré un ami qui travaillait en ce temps, à la mairie de Dabou (à 30 kilomètres d’Abidjan). Il m’a demandé si j’avais eu du boulot depuis mon dernier diplôme, j’ai répondu non. Il m’a alors parlé d’une entreprise, appelé Infinity Office, qui serait à Bouaké (centre-nord de la Côte d’Ivoire) et chargée du recrutement pour une grande entreprise, bien connue dans le domaine des mines et de l’énergie, « Géodrill Entreprises ». Mais étant encore à Dabou, il a souhaité postuler aussi pour vérifier l’offre, avant de m’encourager à le suivre. Une proposition que j’ai acceptée, car cela minimisait au maximum les risques d’échec à mon niveau, vu que j’avais confiance en lui. Pendant donc un mois, nous sommes restés en contact, jusqu’à ce qu’il me dise que son dossier a été retenu, qu’il a enfin eu un bon poste. Il travaillait désormais à Bonoua, selon lui, avec un meilleur salaire. J’ai donc sur sa parole décidé de déposer aussi mes dossiers dans cette agence de recrutement, sans savoir que j’allais tout droit dans un fossé béant » raconte le jeune diplômé.
Trouver du travail malgré un diplôme en poche, n’est pas une mince affaire en Côte d’Ivoire. Le taux de chômage croît chaque année (23% selon les autorités et bien plus selon les organisations de la société civile). Mais la question de l’emploi des jeunes demeure au centre des préoccupations de l’État ivoirien, qui n’a toujours pas trouvé la meilleure formule. Une situation de précarité sociale, dont profitent certains individus, pour développer des réseaux mafieux d’arnaque à grande échelle. Franck, vient en effet de tomber sur l’un d’eux.
« Je me suis rendu à Bouaké au siège de Infinity Office, l’agence de recrutement proposée par mon ami, afin de déposer mes dossiers. J’ai quitté Abidjan le mercredi 7 février dernier, pour Bouaké, plus précisément au quartier Kennedy. Là, j’ai retrouvé le siège de l’entreprise en question et tout de suite, j’ai été frappé par la vétusté du bâtiment. Une villa qui semble avoir été abandonnée, puis réaménagée pour la circonstance. Ce lieu, est censé abriter les locaux d’une entreprise aussi sérieuse, qu’Infinity Office. Mais je décide d’aller au delà de mes préjugés. J’ai été reçu en ces lieux, par une jeune dame, puis un homme dans des bureaux différents. Là ils me demandent de déposer mes dossiers avec une caution de 400 000 FCFA. Cette somme devrait servir à payer mon hébergement dans la ville, et la nourriture sur une durée de trois mois, avant mon embauche effective, par Géodrill Entreprises. Mes interlocuteurs, me rassurent qu’au bout de ces quelques mois, j’aurai un salaire de 250 000 FCFA mensuellement, avec une bonne couverture sociale à la clé. Pour un jeune de mon âge, c’est une belle opportunité. Mais verser une telle somme pour avoir du travail, après plusieurs expériences vécues et relatées par certaines victimes d’arnaque, cela m’a donné de réfléchir. Néanmoins, je demande à mes parents de m’envoyer de l’argent depuis Abidjan. Le lendemain 8 février, en possession de la somme demandée, je retourne à Infinity, mais plus prudent que jamais » assure le jeune homme.
Il ne s’agit pas d’une entreprise de recrutement mais bien d’un réseau d’arnaque. Ces individus sont adeptes du business réseau, QNET. Ils enrôlent subtilement de nouveaux membres, prétextant leur trouver de l’emploi, pour en réalité, les inscrire dans leur bases évolutives de données. Ceci dans le but d’accroître leurs gains au niveau des placements effectués sur internet. Mais pour cela, des inscriptions massives sont nécessaires et les quidams, ne manquent pas d’astuces pour attirer leurs proies.
« Je remets l’argent à l’homme qui m’a reçu la veille. Il me dit qu’il part en voyage et me dirige vers un autre, qui est censé donner suite à mes démarches. En face de ce dernier, j’exige de signer des documents comme cela se fait normalement dans le cas d’agence de recrutement. Là, stupéfaction, il me sort des documents sus mentionnés, QI brunches (une branche du Network business, QNET) et m’explique qu’il s’agit en effet, de mon inscription dans leur base de données. Il ne s’agit donc pas d’un recrutement pour Géodrill Entreprises, mais plutôt d’une arnaque. J’ai été dupé par mon ami et ses complices. Mais sur le champ, je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur ma situation. J’exige en toute présence d’esprit qu’on me restitue mon argent. Malgré toutes les tentatives d’explications et supposées garanties que mes arnaqueurs me proposent, je refuse et exige le remboursement. J’appelle des amis et tente même de joindre le commissariat le plus proche, dont j’avais pris soin d’obtenir le numéro d’un agent, au cas où les choses se passeraient mal. Et là, c’était le cas. Pris de peur, mes bourreaux me demandent de repasser le lendemain 9 février précisément à 8h, pour l’argent. Ce que je fis mais avec la peur au ventre car ne sachant pas de quoi, ils étaient capables. Sans autre forme de procédure, mes 400 000 FCFA, m’ont été remis. Je retourne finalement sur Abidjan le 10 février avec le sentiment d’avoir de justesse échappé à une arnaque, bien organisée. Hélas, nombreux sont ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi. Et à Bouaké, j’ai rencontré des jeunes, pris au piège et enrôlés dans ce réseau de bandits. Ils ne peuvent plus retourner auprès de leurs parents et entretiennent toujours l’espoir de se faire des millions à travers QNET » a conclu le jeune diplômé.
Poleafrique.info a tenté de joindre l’entreprise de recrutement en question à partir du numéro communiqué par Franck, notre témoin. Au bout du fil, une standardiste. A la question de savoir si l’entreprise se reconnaissait dans les faits qui lui étaient reprochés, la jeune dame est brève et mal à l’aise.
« Nous sommes une agence sérieuse qui recrute pour de grandes entreprises dans plusieurs domaines d’activités. Nous ne nous reconnaissons donc pas dans les faits qui sont reprochés. Plusieurs ivoiriens ont eu du travail par notre biais alors qu’on arrête de ternir notre image. Merci monsieur » a t-elle coupé court.
Le réseau QNET est connu des ivoiriens. Ces derniers jours, les membres sont passés d’une communication ciblée, à une communication plus large. Mais les plaintes quant aux agissements de ce réseau de faussaires ne cessent de se multiplier. Pour l’heure, dans l’indifférence la plus totale des autorités.
Éric Coulibaly
Source : Rédaction Poleafrique.info