L’implication sur fond politique des Premières Dames face à la Pandémie du Covid-19, n’est plus à démontrer. D’Henriette Konan Bédié à Dominique Ouattara en passant par Simone Ehivet Gbagbo, l’engagement au secours des plus vulnérables n’a pas fait défaut face à cette pandémie meurtière.
« Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont aidé en apportant de petites contributions, de grandes contributions pour les remettre aux étudiants. Je voudrais saluer les étudiants. Et les parents que nous sommes, nous nous sentons obligés de leur venir un tout petit peu en aide. Que ces sacs de riz les aident à se fortifier, à tenir le coup pour que ce virus-là, nous en triomphions tous » a déclaré aux étudiants de l’Université Félix Houphouet-Boigny, Simone Ehivet Gbagbo dans un message vidéo enregistré.
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L’ex première Dame a offert le mardi 7 avril 2020, 3 tonnes de riz aux étudiants vivant en confinement dans les cités universitaires du district Abidjan. La cérémonie de remise de ces dons a eu lieu au siège de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) sis à l’université Félix Houphouët-Boigny. Mais Simone Gbagbo n’a pu s’y rendre elle-même car empêchée. Depuis sa sortie de prison à la faveur d’une grâce présidentielle du Chef de l’État accordée le 6 Août 2018, l’ancienne députée d’Abobo a très vite repris sa place au sein de son parti.
Engagée politiquement contrairement à ses paires, Simone Gbagbo est l’actuelle deuxième vice-présidente du Front Populaire Ivoirien (FPI) tendance Gbagbo. Un statut qui lui confère le pouvoir de réagir, au nom de son parti, sur la situation politique en Côte d’Ivoire notamment les réformes entreprises par le Président de la République avant les prochaines élections dans le pays.
« C’est vrai que le nombre de cas augmente chaque jour. Mais il nous faut un engagement sincère, résolu, généreux de tout le monde et de chacun. Face à cette menace, il est impérieux que le pouvoir suspende toutes ces réformes impopulaires qu’il a annoncées de faire par ordonnance ou par promulgation. Il doit également suspendre la réalisation des Cartes Nationales d’Identité (CNI), les listes électorales jusqu’après la victoire dans ce combat contre le Coronavirus. De la même façon, la sagesse conseille d’éviter aujourd’hui des interpellations à relent politique des leaders d’opinion. Cela éviterait de provoquer, au sein du peuple, un sentiment d’injustice et de révolte pouvant l’amener à descendre dans les rues pour protester. Cela ne ferait qu’aggraver la situation et maintiendrait la propagation du virus hors de tout contrôle. Évitons des actes de vanité. Pour appliquer des réformes, il faut un peuple en vie, un pays vivant ! Il est indispensable de l’autre côté que le peuple, les associations de la société civile et toute l’opposition politique acceptent d’observer une trêve en suspendant la manifestation de leurs colères légitimes jusqu’à ce que la victoire contre le Coronavirus soit remportée », propose l’ex-première Dame, qui suspecte aussi le pouvoir de profiter de la crise à coronavirus pour se tailler une Constitution sur mesure.
Le Président Alassane Ouattara avait en effet annoncé le désir de modifier la Constitution avant le scrutin présidentiel d’octobre prochain. Une décision à l’origine de vives protestations au sein de l’opposition. Puis, le coronavirus s’en est mêlé. Mais le Chef de l’État a quand même poursuivi son initiative de révision constitutionnelle, malgré la crise sanitaire. Le Parlement en session extraordinaire à Yamoussoukro, la capitale politique du pays, le 17 mars 2020, a, par un vote à la majorité, donné feu vert à Alassane Ouattara pour la révision de la Constitution. Pourtant ce jour-là, les groupes parlementaires de l’opposition avaient boycotté les travaux, arguant que « les textes ne remplissaient pas toutes les conditions démocratiques ».
Cette sortie de Simone Ehivet Gbagbo en pleine crise de coronavirus, vise donc à attirer l’attention de l’opinion sur les réformes en cours. Ne pas se laisser endormir par la crise au point d’être surpris à la veille des élections. Une démarche singulière comparée aux autres premières Dames, qui elles, ont une approche différente de la situation malgré le confinement.
Le mercredi 22 avril 2020, la fondation Servir de Henriette Bédié, ex première Dame et épouse du président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, a fait un important don aux autorités de la région de l’IFFOU. Ce sont des seaux à robinet pour lavage de mains, des masques de protection, du savon liquide et du gel hydroalcoolique. Selon Kablan Mathias joint par la rédaction de 7info.ci, il s’agit d’aider le gouvernement dans la lutte contre le coronavirus.
« Avant la région de l’Iffou nous avons remis des dons dans les pouponnières et des hôpitaux. L’Iffou n’est pas la seule région qui a bénéficié de la générosité de la première Dame. Il y a eu aussi le sud-Comoé. Tout cela pour vous dire que nous nous sommes engagés à soulager les ivoiriens dans cette crise à coronavirus, sans distinction aucune de parti politique. La fondation Servir est apolitique et nous essayons autant que ce peut, de rester dans la vision de Madame Bédié afin qu’ensemble, nous sortions de cette situation. Nous sommes actuellement à plus de 50 millions FCFA » a confié le représentant de l’ex première dame.
L’épouse de l’ex président de la République, Henri Konan Bédié, est officiellement membre de l’opposition depuis la brouille entre le PDCI et le RDR d’Alassane Ouattara, l’actuel Chef de l’État. Henriette Konan Bédié est donc une opposante modérée qui préfère mener des actions sociales à travers sa fondation, plutôt que réagir sur la vie politique de son pays. Même stratégie pour Dominique Ouattara, plus en vue avec sa Fondation Children Of Africa, en cette période de crise sanitaire.
L’actuelle première Dame a offert des produits alimentaires et sanitaires aux populations de six (06) localités du Grand-Abidjan, le 16 avril 2020 au siège de sa Fondation à Cocody. Les habitants de Grand-Bassam ont aussi reçu des dons le vendredi 24 avril 2020. Mais avant, Dominique Ouattara a offert le mardi 7 avril, des dons à l’Union Nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire.
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Ces actions se chiffrent à plusieurs centaines de millions de FCFA. Quelques jours seulement après le discours du Chef de l’État, Alassane Ouattara sur les dispositions prises pour faire face au coronavirus, la première Dame a donné le ton. Le 2 avril, plus de 230 millions de FCFA en produits alimentaires et sanitaires ont été offerts aux populations du District d’Abidjan.
Cette cérémonie de remise de dons a vu la présence d’Eugène Aka Aouélé, Ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique, Anne Désirée Ouloto, Ministre de l’Assainissement et de la Salubrité, et Danho Paulin Claude, Ministre des Sports et Président de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI).
Des engagements salués
L’action des femmes engagées dans la lutte contre le coronavirus, n’est pas passée inaperçue auprès des Ivoiriens. Que ce soit au sein de partis politiques ou d’associations à but non lucratif, les femmes ont su apporter leur contribution dans la sensibilisation et l’aide aux familles vulnérables.
Selon Dr Blé Késsé, géo-politologue et enseignant-chercheur à l’Université Péléforo Gbon de Korhogo, dans le Nord de la Côte d’Ivoire, les femmes leaders ont tenu leurs rangs dans la crise sanitaire actuelle.
“ Dans la lutte contre le coronavirus les femmes ne sont pas inactives. On peut dire qu’elles assurent. Des femmes politiques aux actrices de groupes de pression que sont les ONG de protection des femmes, en passant par les épouses des présidents Alassane Ouattara et Konan Bedié, les femmes bougent. Les dons qu’elles font aux populations les plus vulnérables, la dénonciation des violences dont les femmes sont l’objet en ces temps de confinement, traduisent leur engagement à la solidarité” reconnaît-il.
“Dans le même temps on peut convenir que ces actions ne sont pas dénuées d’arrière pensée politique. La teinture politique est plus nette chez les femmes politiques. L’occasion des dons est aussi propice à l’interpellation du gouvernement sur son incapacité à faire face rigoureusement à la pandémie. D’autres dénoncent les manœuvres politiciennes du gouvernement à modifier les institutions de la République, en leurs points concernant les élections (Constitution et Code électoral)” a ajouté le politologue.
Les actions sociales et politiques s’imbriquent donc parfaitement. L’enjeu est certes sanitaire, mais aussi et avant tout politique pour certaines femmes.“ Madame Bédié et Madame Ouattara, elles, passent par leur fondation pour faire des dons. Cela peut avoir un impact positif sur l’image de leurs époux. En définitive, les femmes sont engagées sur le terrain pour soutenir les populations face à la pandémie, sans confiner l’action politique face au pouvoir qui semble se jouer de la maladie pour prendre à défaut l’opposition dans le processus électoral de 2020” se convainc Dr Blé Kessé.
Un avis partagé par un autre politologue, Dr Kipré Zunon, enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët Boigny, d’Abidjan Cocody. Il a suivi l’activité des femmes ministres dans le gouvernement ivoirien pendant cette période. Selon lui, elles ne sont que des exécutantes.
“ Collégialité. L’engagement est fonction du plan d’action stratégique que déroule le gouvernement. Il dépend des missions confiées par le gouvernement. C’est surtout des actions collégiales du gouvernement qui sont mises en œuvre. Pour ce qui s’agit des femmes leaders, ce n’est pas non plus personnel. C’est Mariatou Koné, Kaba Nialé, Kandia camara et Myss Belmonde Dogo qui étaient plus en exergue dans cette lutte face au virus à la couronne” fait remarquer le politologue.
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La lutte contre le coronavirus intervient dans un contexte particulier en Côte d’Ivoire. L’action des femmes leaders politiques a donc été affectée par les enjeux électoraux. Ce qui n’est pas forcément le cas dans la société civile. La crise sanitaire éprouve durement les ménages et fait augmenter les violences basées sur le genre (VBG). Une situation contre laquelle certaines associations de défense des droits de la femme n’hésitent pas à prendre leur bâton de pèlerin.
Pour voter, il faut être en bonne condition physique et les voix féminines pourraient peser lourd dans la balance électorale.
Éric Coulibaly
7info.ci