La campagne pour la municipale en Côte d’Ivoire bat son plein sur les réseaux sociaux, avant le lancement officiel prévu le 28 septembre 2018. On remarque que des influenceurs du net, soit sont sollicités par des candidats, soit s’autosaisissent eux-mêmes pour des candidats pour qui ils ont de l’admiration en présentant leur profil comme le meilleur. Focus sur un phénomène qui grandi depuis la campagne des législatives de 2016 à Cocody, au Sud d’Abidjan.
La campagne de la municipale du 13 octobre 2018 en Côte d’Ivoire enflamme les réseaux sociaux. Les activistes du web ivoirien ne chôment pas. A côté des sites internet d’information, ils sont associés à la couverture de la campagne, chacun y va avec son style aguicheur. Les webactifs affichent leur préférence à travers les publications. Histoire d’influencer le vote de leurs admirateurs.
Les communes d’Abidjan et celles de l’intérieur du pays, n’échappent pas à cette bataille de persuasion. Les communes les plus en vue sont à l’étape actuelle de la campagne, entre autres, Abobo, Port-Bouet, Plateau, Cocody, Vavoua, Bangolo.
Dans bon nombre de fora, on enregistre, entre autres sujets, des débats journaliers autour des candidats. Le buzz récent concerne une liste de candidats dans la commune de Cocody. Un colistier, homme de showbiz est à l’origine de la controverse. Si pour certains, il n’a pas sa place en politique, ses défenseurs, eux, saluent son « audace » et sa « jeunesse ».
Parfois, les échanges tournent au vinaigre, versant dans l’atteinte à la vie privée, faisant fi de l’éthique. Pour tempérer la cadence, les groupes sont administrés à qui mieux-mieux.
Michou Gabi est l’une des administratrices du forum Observatoire Libre de Côte d’Ivoire (OLCI). Interrogée par pôleafrique.info, elle témoigne du rythme de la campagne et explique le travail de l’administration du forum.
« OLCI est une plateforme qui prône la liberté d’expression. Les membres se lâchent. En tant qu’administrateurs, nous sommes là pour réguler pour ne pas que cela se passe dans l’animosité entre les chapelles politiques. Nous nous attelons à réguler de façon stricte la campagne. Nous sommes aidés par les modérateurs dans notre tâche et nous avons pour boussole notre charte », explique Michou Gabi.
Selon cette dernière, lorsque des manquements sont constatés, référence est faite à la charte pour sanctionner le contrevenant. « Nous savons que la politique, c’est aussi se lancer des pics, faire de la rivalité, nous veillons à ce que cela se fasse dans le respect ».
OLCI, c’est en moyenne une sanction par jour en ce qui concerne les publications relatives à la campagne de la municipale. « Les sanctions il y en a toujours. Souvent, le candidat est attaqué dans sa vie privée. Au nom de quelque célébrité politique que ce soit, les membres de l’administration ne peuvent pas laisser faire jusqu’à un certain niveau. Lorsqu’un nouveau membre adhère le groupe, il lui est recommandé de lire la charte. C’est la boussole ».
A côté de l’OLCI, les débats ont lieu aussi dans le forum Observatoire Democratique de Côte d’Ivoire (ODCI), l’un des plus anciens. Les nouveaux font aussi leur apparition. Au nombre de ceux-ci, Libre Expression Ivoiriene (LEI) ou encore Le Café d’Eburnie. Influenceurs et politiques envahissent ces espaces pour battre campagne au maximum.
Certains groupes de discussion sont suscités, via whatspap et Facebook dans cette optique. Entre concepts, visuels, hastags, dénigrements et célébrations, la communication numérique n’est pas négligée par les différents quartiers généraux.
Selon les observateurs, cette tendance monte en épingle en Côte d’Ivoire depuis la législative de 2016 dans la commune de Cocody. La candidate indépendante élue, Yasmina Ouegnin, a mobilisé des volontaires à partir du web.
Serif Tall, webactiviste, répondant aux questions de pôleafrique.info, analyse la situation. Pour lui, les politiques sont conscients aujourd’hui qu’ils une nouvelle ère de la communication et de l’information en Côte d’Ivoire. « De plus en plus des personnes qui sont loin d’être des journalistes ou des hommes de médias sont écoutées et lues par les internautes. En plus de cela ces politiques ne sont plus écoutés vis à vis des déceptions politiques. Ils s’associent ou souvent payent la conscience de ces influenceurs pour battre campagne pour eux. »
Et si les influenceurs choisissaient librement ? « Librement je ne pense pas. Les intérêts de part et d’autres peuvent influencer le choix », est catégorique Serif Tall.
Le scenario de la campagne sur les réseaux sociaux est rendu possible par une stratégie digitale bien définie. C’est ce que met en lumière Diaby Mohamed, consultant en stratégie digitale dans l’entretien ci-après.
Nesmon De Laure
Pôleafrique.info
Entretien avec Diaby Mohamed, consultant en stratégie digitale : « une bonne cellule de veille et stratégie est nécessaire »
Tout candidat, y compris en zone rurale, peut-il user des visuels, des vidéos et autres, sur les réseaux sociaux, pendant la campagne?
Oui tout candidat peut utiliser tous les supports de communication. Après il faut une adéquation à la cible supports traditionnels vs supports numériques ; qualité versus quantité. Il faut également tenir compte du budget disponible. Il doit être plus lié aux ambitions de la campagne qu’à la performance à mon avis. Pour une cible connectée, maîtriser son empreinte numérique est essentiel. Pour une cible rurale, des affiches, du door to door, du roadshow paraissent plus efficaces. Tout comme les vidéos qui circulent rapidement sur WhatsApp.
Par exemple, des vidéos courtes présentant un programme de campagne en langue locale et un discours clair peuvent faire plus d’impact qu’un gros meeting. Dans tous les cas de figure, une bonne cellule de veille et stratégie est nécessaire, de même qu’une bonne dose d’optimisme.
Cette stratégie est-elle efficace pour une zone où la population ne se connecte pas régulièrement à internet ?
Il faut un mix. Mais on revient aux fondamentaux, une campagne se prépare dans la durée. C’est un lien de confiance et de performance qu’on construit par un vrai engagement. Il faut être présent et participer à la vie de la communauté. Un autre point est la cartographie de couverture. Plus elle est étendue plus il faut être imaginatif pour la couvrir complètement avec des budgets maîtrisés.
Propos recueillis par Nesmon De Laure
Pôlafrique.info