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Fonction Publique: Concours à vendre, Cafop, Infas, ENA, des prix pour des passeurs

Mis à jour le 3 janvier 2019
Publié le 30/03/2017 à 6:56

Les concours d’entrée à la Fonction publique ivoirienne donnent lieu chaque saison à de grands deals financiers entre corrupteurs et corrompus. Des circuits qui datent de longtemps, qui transcendent les partis politiquent pour se noyer dans le temps. 

Tout le monde le sait. Mais, personne ne se veut en parler à visage découvert. Or, la corruption prospère sous nos tropiques et demeure une mission impossible quand il s’agit de la combattre.
A peine les visites médicales des 74000 aspirants instituteurs de niveau BEPC dont 5000 seulement auront la chance d’être recrutés, que les prix ont pris l’ascenseur à la « bourse » libre d’Abidjan. Selon une source bien au fait du business de commercialisation des concours de la Fonction publique, victime directe,  » les prix ont atteint 800.000 FCFA en ville » informe-t-il Politikafrique.info.
En Côte d’Ivoire,  accéder à la fonction publique est possible par deux moyens. Postuler au concours officiel ou bien acheter une place de la fonction publique par un réseau interne de l’administration que vous visez. C’est un système de corruption qui fonctionne depuis une décennie.
Pauline* a déjà payé pour insérer son fils à la police. Elle l’explique dans le wôrô wôrô à la descente du service, ouvrant ainsi un débat avec sa collègue de travail.
« Nous avons fait une réunion de cotisation en famille pour payer le concours d’entrée à l’Infas pour mon beau-fils. Et lui, dit qu’il ne veut pas, cela ne l’intéresse. Il ne sait pas ce qu’il va faire. On veut l’aider, il s’y oppose…. Pourtant, notre réseau est sûr», explique Pauline à sa collègue.
En fait, l’option d’achat d’un emploi à la fonction publique par intermédiaire en Côte d’Ivoire depuis quelques années est un secret de polichinelle. L’Etat dit lutter mais, le système fonctionne bien. 
Les fonctionnaires, membres des réseaux de fraude, encouragent ou contraignent leurs connaissances et parents à se plier au système qui est selon eux est  « la seule véritable option de réussite », nous explique un gérant de cabine à Cocody. « Je vais économiser pour rentrer à la douane » informe-t-il avant de relater l’histoire de sa copine.
« Ma copine dit avoir payé huit cent mille Fcfa pour le concours de Cafop. Mais cela n’a pas marché en 2016 parce que le quota de son passeur avait été atteint. Le monsieur lui a promis de l’insérer cette année sans payer encore. Elle s’est donc réinscrite. Je pense que ce sera bon parce que ce passeur a déjà fait ses preuves », rassure notre source sous anonymat.
A Adjamé, les nouveaux postulants au concours d’entrée à la Fonction publique sont venus faire leur visite médicale chez les sapeurs-pompiers militaires. Ils constituent une longue file d’attente.
L’un des candidats s’est abrité sous un petit palmier. Venu postuler de manière officielle, il a décidé de s’assurer le succès par un « circuit », parlant de la corruption. Le sujet est délicat, la plupart d’entre eux ne veulent pas s’exprimer sur le sujet. Pourtant, l’explication de notre interlocuteur focalise l’attention de ses camarades candidats.
Sous anonymat,  il explique l’expérience de son frère. « Ma sœur doit payer sept cent mille Fcfa pour avoir le concours de l’Infas. Elle a déjà payé trois cent cinquante mille Fcfa pour être insérer dans le circuit. On lui a dit  que quand sa réussite sera confirmée, elle devra payera l’autre moitié. Mais, au cas où cela ne marcherait pas, l’argent lui sera restitué », explique-il avec confiance.
Que pensent les ivoiriens de cette propension à la facilité qui touche de plus le pays?
Tanoh Siaka, le président  de l’Union des Parents d’élèves de Côte d’Ivoire, estime que « Nous sommes dans un monde déjà vieux et tu ne peux pas le changer. Aujourd’hui, vous-mêmes, je ne sais comment vous avez fait pour être à ce poste. Le monde est ainsi fait. La corruption, on la voit dans les concours et les examens. 1000 FCFA, 2000 FCFA et quand tu dis  que tu ne donnes pas à ton fils, il ne comprend pas, il va te honnir, il y va de sa réussite. C’est difficile, c’est délicat », se lamente-t-il.
  Tanoh Siaka soutient toutefois que les choses peuvent changer positivement.  « Mais, je pense que  de génération en génération la situation va changer. D’un magasin à un autre, il y a des différents prix. C’est la vie tu veux manger tu paies, tu n’as pas d’argent tu ne mangeras pas. Mais, celui qui se fait prendre à ce jeu, subit la rigueur de la loi. Si tu dis à quelqu’un de ne pas faire cela, il pense que tu es contre ses intérêts. L’un dans l’autre, la corruption va exister partout, c’est devenu un crime mondial », déplore  le Président de l’Union des Parents d’élèves de Côte d’Ivoire.

Pour le sociologue, Dr Kouakou Albert Yao,  les conséquences de la corruption dans la Fonction publique de Côte d’Ivoire se ressentent par les compétences face aux dossiers techniques. « L’impact n’est pas trop visible au niveau de la Fonction publique comme vous le dites. Des exemples : L’Ena, là où on forme des cadres qui vont négocier des dossiers techniques importants pour le pays. Si à ce niveau on choisit des gens qu’il ne faut pas à la place de ceux qu’il faut parce que ceux-là ont des moyens pour payer le poste, aux négociations, ils n’auront pas les compétences pour le faire » a-t -il justifié.

Il propose un éveil de conscience pour que le monde et la Côte d’Ivoire puissent avancer. « Au niveau de la Fonction publique quand quelqu’un n’est pas à son poste, cela se ressent automatiquement et rejaillit sur tous les aspects de la vie. Quelqu’un qui est médecin malgré lui va soigner malgré lui-même, idem pour l’instituteur qui travaille parce qu’un parent est haut placé. Mais, la génération d’enfants qu’il va avoir à sa charge va traîner des tares dans leur formation. C’est dommage que cela se passe comme cela, au vu et au su de tout le monde. Mais que personne ne dise stop » déplore-t-il.

« Un pays, c’est l’Etat. C’est véritablement un souci car depuis un certain nombre d’années, c’est la corruption. Ils sont propulsés dans l’administration qui est au rabais » se désole Dr Séraphin Yao.

« Tu ne connais pas quelqu’un? » est la question la plus utilisée à l’orée des 348 concours de la Fonction publique. Des jeunes ivoiriens, psychologiquement affaiblis par cette coutume nationale, préfèrent prendre une année sabbatique pour chercher l’argent nécessaire aux paiements des passeurs. En priant Dieu que cette corruption fonctionne bien pour sa réussite. Même si nul n’ose en fin de compte se plaindre ouvertement quand cela tourne au vinaigre. Le ministère de la Fonction publique a promis envoyé sa contribution dans le cadre de ce sujet.

Des candidats font savoir à leurs proches contactés par Politikafrique.info que des réseaux « sûrs » au niveau du parti au pouvoir demandent 4 millions FCFA pour le cycle supérieur de l’ENA et 2 millions FCFA pour le cycle moyen supérieur. La course à la recherche aux fonds a donc commencé. Que feront dans cette grisaille, les enfants de pauvres?

Moïse ACHIRO.
Source :Politikafrique.info

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