Soupçonné de corruption dans l’attribution de la gestion des ports de Lomé et de Conakry, le patron du groupe Bolloré, Vincent Bolloré a été mis en examen ce mardi 25 avril, par des juges à Paris. Des poursuites engagées contre ce milliardaire dans l’hexagone, alors que la France reste muette face à l’enrichissement illicite de certains Chefs d’États africains. Les raisons d’un double jeu.
On estime qu’il a utilisé des moyens fourbes pour obtenir la gestion des ports de Lomé au Togo, et de Conakry en Guinée. Vincent Bolloré a été mis en examen pour corruption par la justice française. Il a été entendu par la police anti-corruption de Nanterre depuis ce mardi, avant d’être libéré ce jour. Mais au-delà de cette action judiciaire à l’endroit du milliardaire français, c’est toute une problématique qui se dégage. Les personnes poursuivies par la justice française font-elles l’objet d’une procédure ordinaire ou sont -elles simplement victimes d’un règlement de compte avec l’État français ? Sinon, pourquoi la France n’engage t-elle pas des procédures judiciaires contre certains Chefs d’États africains ? Selon le Dr Adou François, enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan Cocody, la France n’intervient que lorsque ses intérêts sont menacés.
« Le Général De Gaulle l’a dit en son temps, la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Alors quand elle sent que ses intérêts sont menacés, elle utilise tous les moyens pour se faire comprendre. Attention à ne pas confondre les différents cas de figure. Il s’agit bien dans cette affaire, d’un problème entre deux français. La justice essaie donc de dire le droit entre deux ressortissants du même pays. C’est une manière pour le pays de mettre un peu la pression sur certains de ses ressortissants qui possèdent des fortunes au détriment de l’État français. Elle n’a pas à se mêler des affaires africaines car c’est aux africains de travailler pour avoir des institutions fortes, de sorte à poursuivre leurs chefs d’États pour enrichissement illicite après leurs mandats » a t-il affirmé, avant d’ajouter que « la France est libre de poursuivre qui elle veut ».
Et pourtant en 2017, 10 ans après les premières plaintes déposées contre lui, pour « blanchiment et détournements de fonds publics », Théodorin Obiang N’guema, vice-président de Guinée-équatoriale et fils du Président Téodoro Obiang N’Guéma Basongo, a été condamné par la justice française. Il a écopé de trois ans de prison avec sursis et une amende de 30 millions d’Euros, soit 1 milliard 965 millions FCFA. Certains de ses biens en France, ont même été saisis. Ainsi donc, l’immunité présidentielle brandie par ce dernier, n’a pu le tirer d’affaires. A contrario, La justice française reste à quai, face aux nombreuses plaintes déposées par exemple, contre Paul Biya, le Président camerounais, Denis Sassou N’Guesso, Président du Congo-Brazzaville ou encore la famille Bongo, au Gabon. Pour Le Pr Dogbo Pierre, directeur de l’école des sciences politiques de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan Cocody, la France s’est peut être décidée, à travers ce procès de Vincent Bolloré, à juger la France-Afrique.
« Les juridictions françaises sont intervenues dans une affaire franco-française. Mais en ce qui concerne les chefs d’États africains, c’est un problème qui va au-delà du droit français. Un État est-il fondé à juger les ressortissants d’un autre pays pour biens mal acquis ? Parce que si on s’en tient à la définition de l’expression « biens mal acquis », on pourrait dire que l’Europe elle-même a mal acquis tous ses biens à travers la colonisation. C’est toute la problématique. Je pense que la France essaie de mettre une sorte de pression sur les dirigeants africains pour montrer qu’elle les tient. Sinon c’est elle-même qui devait être poursuivie pour biens mal acquis, pendant la colonisation » a t-il réagi avant de poursuivre.
« Mais au-delà, je pourrais dire que si la justice française est sincère dans sa démarche et le Président Macron, fidèle à sa ligne politique de rompre avec la France-Afrique, ce procès pourrait sonner comme le début de la fin, de cette pratique occidentale envers le continent » a analysé l’universitaire.
La plainte déposée contre Vincent Bolloré est l’œuvre du franco-espagnol Jacques Dupuydauby, qui a perdu la gestion du port de Conakry en 2009 au profit de Bolloré Africa Logistics, quelques mois seulement après l’élection d’Alpha Condé, à la tête du pays.
Éric Coulibaly
Source : Rédaction Poleafrique.info