Eco-business

Ghana et Côte d’Ivoire s’unissent contre les industriels du cacao

Mis à jour le 8 janvier 2020
Publié le 08/01/2020 à 12:10 , , ,

Avec une production moyenne de 2 millions de tonnes, la Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao mondial. Après des décennies de rivalité avec son voisin le Ghana, les frères ennemis ont décidé de former le cartel des producteurs du cacao face à la demande internationale exponentielle. Les géants africains de l’or brun ont mis leur rancune de côté et acté une entente historique pour faire plier les puissants industriels et se tailler une meilleure part du gâteau.

En août 2019, le président Alassane Ouattara déclarait que « Nous n’allons pas vendre la récolte 2020-2021 à moins de 2600 dollars la tonne. Et nous aurons une marge de 400 dollars pour nous assurer de reverser aux producteurs un minimum de montant ». Aussi le 1er octobre dernier, les autorités ivoiriennes réévaluaient-elles le prix bord champ aux producteurs et annonçaient une hausse de 10%. Pour les deux frères ennemis dont la production de cacao représente 65% de la production mondiale, l’objectif est clair : revenir aux prix de 2015, soit 1000 francs CFA le kilogramme contre 750 francs CFA aujourd’hui. Sur les 100 milliards de dollars annuels que représente la filière, seuls 6% reviennent au producteur et « ce n’est pas normal » commentait le 6 août dernier le président Ivoirien sur RTI 1, la veille de la célébration de la fête de l’indépendance du pays. Séance tenante, le Ghana et la Côte d’Ivoire, qui produit seule plus de 40% de la production mondiale, ont décidé de suspendre la vente de leurs récoltes en juin dernier, mais la mesure n’a tenu qu’un mois. Ils ont également imposé un différentiel de revenu décent (DRD) sous forme de surtaxe de 400 dollars par tonne pour la campagne 2020-2021, mais peinent à faire plier les puissantes multinationales.

Pour y parvenir, l’économiste et spécialiste de la filière cacao François Ruf a expliqué dans un entretien avec le confrère Jeune Afrique, qu’un embargo de la Côte d’Ivoire et du Ghana pouvait constituer un début de solution. Avec 65% de la production mondiale, le cartel de l’or brun pourrait se permettre de dicter les prix car « il faudra bien que les acheteurs trouvent leur cacao quelque part ». Faire grève serait également une solution plausible selon l’économiste. Aussi, la deuxième transformation du cacao serait-elle aussi, l’une des pistes à explorer par les deux pays afin de réduire leurs dépenses vis-à-vis des industriels minoritaires, mais puissants. L’analyste Nicholas Ekow de-Heer préconise quant à lui le dialogue. « Je pense que s’ils discutent avec l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement néerlandais (premier importateur de cacao au monde) et des géants mondiaux du cacao, leurs chances de succès seront plus grandes » recommande-t-il.

Pour l’heure les multinationales et grands chocolatiers  boudent la DRD et boycottent les achats et contrats par anticipation de la saison 2020-2021. La Côte d’Ivoire n’a vendu que 40 000 tonnes cette année contre 300.000 l’année dernière à la même période. Au port d’Abidjan, il est annoncé l’arrivée d’un peu plus de 1 million de tonne de cacao.

Manuela Pokossy-Coulibaly

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