Les chiffres sont alarmants. Selon un récent rapport du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), 3 588 cas de grossesses en cours de scolarité ont été enregistrés de septembre 2022 à avril 2023. Comment réduire drastiquement ces statistiques ? Les acteurs du système éducatif ivoirien font des propositions.
En dépit des campagnes de sensibilisation contre les grossesses en cours de scolarité organisées sur l’ensemble du territoire national, les chiffres continuent de grimper.
En 2022, ce sont 3 409 cas qui ont été enregistrés. Malheureusement, rien que sur la période allant de septembre 2022 à avril 2023, l’on affiche déjà 3 588 cas au compteur.
Qu’est-ce qui est à l’origine de cette recrudescence de cas ? Pour les acteurs du système éducatif ivoirien, les causes sont de plusieurs ordres.
« Généralement les cas de grossesse en milieu scolaire sont dus au fait que certaines filles sont livrées à elles-mêmes. Lorsque ces dernières n’ont pas le minimum de la part de leurs parents ou vivent dans de mauvaises conditions, elles sont vulnérables. Donc les garçons qui viennent vers elles sont les bienvenus. Il suffit qu’un garçon leur propose de l’argent pour avoir des rapports sexuels, elles vont rapidement tomber dans ses bras », nous confie Basoleymane Coulibaly, enseignant dans la ville de Bouaké.
De son côté, Kadio Claude, président de l’Organisation des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (OPEECI) nous raconte une anecdote.
« Il y a quelques jours, j’échangeais avec des élèves (filles) afin de chercher à comprendre les raisons qui étaient à l’origine de ces grossesses contractées en cours de cursus scolaire. Elles m’ont dit : « Papa c’est vrai que tu nous donnes des conseils, mais il faudrait aussi que vous parliez à nos parents. Pour des filles du secondaire par exemple, il y a certains parents qui ne leur donnent que 300f ou 500f pour leurs besoins quotidiens, nourriture et transport compris. C’est vraiment compliqué. Mais s’il y a quelqu’un à côté qui te propose 2 000 F tout de suite, tu vas accepter ». En tant que parent d’élève, je me dis que la faute revient à nous les adultes. De plus, nous devons également sensibiliser au quotidien nos enfants de sorte qu’elles comprennent qu’en contractant une grossesse pendant qu’elles sont sur les bancs, il y aura des conséquences », confie-t-il.
Démission des parents, mauvaises conditions de vie, manque de communication avec les enfants. Voici entre autres les causes de la persistance des grossesses en cours de scolarité.
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Pour Dr Kouakou Yao Albert, enseignant-chercheur en sociologie à l’Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, il n’y a pas de solution miracle. Il faut plutôt un changement de mentalité.
« La sexualité est une donnée biologique comme avoir faim ou soif. Et comme toutes données biologiques, elle se doit d’être orientée, conditionnée et éduquée. La sexualité doit être enseignée et seule une volonté politique peut permettre l’instauration de l’enseignement de la sexualité responsable en milieu scolaire. En introduisant »l’éducation à la sexualité responsable » en milieu scolaire, nous serons en train de former des citoyens et des générations de parents qui ont tous les arguments pour parler de sexualité avec leurs enfants. En instaurant l’éducation à la sexualité responsable en milieu scolaire », on donne les moyens et les capacités nécessaires aux enfants pour leur permettre de vivre sainement leur sexualité tout en poursuivant leur scolarité et pouvoir décider d’où et quand tomber enceinte. Agir de la sorte nous permettra de réduire les cas de grossesses en milieu scolaire », souligne le sociologue.
Une proposition à laquelle pourraient se greffer des campagnes agressives de sensibilisation. C’est l’approche proposée par Basoleymane Coulibaly.
« C’est vrai qu’on ne peut pas totalement éradiquer ce phénomène, mais on peut au moins contribuer à réduire le nombre de cas de grossesse en cours de scolarité. Je propose l’instauration de campagnes de sensibilisation, la construction d’internats dans les établissements scolaires et surtout la prise de sanctions contre les victimes et les auteurs de grossesses en cours de scolarité », souhaite l’enseignant.
Selon le rapport du CNDH, les cas les plus élevés de grossesse en milieu scolaire ont été observés dans les régions de la Nawa avec 294 cas, du Poro et du Gbeké avec 268 cas, de la Marahoué avec 234 cas, du Haut Sassandra avec 199 cas, des Grands Ponts avec 154 cas, du Gôh avec 145, de l’Agneby-Tiassa avec 144 cas et 131 cas dans la région de San-Pedro.
Maria Kessé