Le Cameroun a lancé son « épervier » pour traquer dans les hautes sphères politiques et administratives, la corruption. Le Sénégal a suivi, faisant mordre la poussière à des hommes politiques jusque-là, intouchables. En Côte d’Ivoire, investisseurs et ivoiriens s’impatientent devant le phénomène qui a pris le corps du pays, tel un cancer.
C’est par un communiqué récent que la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance s’est rappelée au bon souvenir des ivoiriens. La structure que dirige « tonton Seydou » est aux « abonnés muets ». Entre temps, les actes défiants les règles éthiques de la bonne gouvernance sont constatés dans l’administration ivoirienne.
Les ivoiriens voudraient sûrement des actions d’éclat comme au Cameroun et au Sénégal. Le Commissaire du gouvernement, le Col Ange Bernard Kessy Kouamé, se débat pour freiner la corruption au sein des forces de sécurité, sur les routes, où elles s’adonnent au racket à coups de sifflet.
« L’Opération anti-corruption » menée au pas de charge au Sénégal n’a pas pour l’heure sembler inspirer l’ex-Premier Ministre, Seydou Elimane Diarra, Président de la HABG, son secrétaire Général, Yves Kouamé, et leurs hommes. L’institution installée à Abidjan avait suscité de l’espoir mais elle n’est pas encore parvenue à se faire un nom contre la corruption. Avec un numéro de téléphone méconnu du grand public, sans représentation à l’intérieur du pays, la HABG reste un organe isolé.
Seul dossier, la traque à Malamine Sanogo, ex-DG du Conseil Coton-Anacarde, suite à des faiblesses de gestion dans la filière cajou. Entre aveux et dénégations de versement de pot de vin, l’épisode avait passionné jusqu’au relèvement de Malamine Sanogo de son poste. Depuis, plus rien. La Côte d’Ivoire n’est pourtant pas bien classée et les actes de viol à la bonne gouvernance sont légions et dénoncés par les opérateurs économiques et investisseurs qui se plaignent d’être financièrement essorés. La HABG, elle n’en a surement pas encore pas entendu parlé.
L’Etat ivoirien, en septembre 2013, dans un souci de mieux gérer le patrimoine public, met en place la Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG). Cet organe est chargé de la prévention et la répression des actes de corruption et des infractions assimilées. Trois ans plus tard, le 8 février 2017 , Bruno Nagbané Koné, porte-parole du gouvernement, au sortir du conseil des ministres, annonçait la création d’un Observatoire du Service Public (OSEP) dont le rôle serait de « constater l’efficacité et la transparence du service public par l’écoute, le recueil des plaintes des usagers et le suivi du traitement de celles-ci. » Pourquoi la création de cette seconde structure qui semble avoir des prérogatives semblables à la première ? La HABG aurait-elle failli à ses obligations ?
« Je ne saurais dire qu’elle a failli à sa mission mais la haute autorité a quand même des fonctions plus élargies que l’Osep » rappelle Guigui Veto, acteur de la société civile. Selon lui, en dépit de l’existence d’une la loi, tous les règlements et décrets qui doivent accompagner le cadre réglementaire de la HABG ne sont pas encore bouclés. Donc trop tôt pour la juger. « Une autorité, quand elle se crée a besoin de temps pour s’installer concrètement avant de mesurer son action » justifie-t-il.
« La multiplicité des organes de régulation et/ou d’amplification de la surveillance de la vie publique montre que l’exécutif n’a pas encore décidé d’aborder les questions de bonne gouvernance de manière holistique », telle est l’avis du Dr Kouamé Christophe, président de Civis Cote d’Ivoire, organisation citoyenne et de civisme, joint par politikafrique.info au sujet de cette nouvelle structure qu’est ‘Osep. Pour lui, point n’est besoin de créer autant de structure pour la lutte contre la corruption. « Il faut juste prendre la peine de trouver des articulations afin que les responsables des institutions de ce genre soient indépendants et que ces institutions elle-mêmes soient également indépendantes vis-à-vis des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, afin de faire correctement leur travail au lieu d’en créer plusieurs ». Il soutient que c’est de cette manière que l’on pourra véritablement travailler pour une meilleure gestion des biens publics.
Mais pour Fousseni Traoré, juriste, ces deux structures n’ont pas le même rôle. Il explique que la haute autorité pour la bonne gouvernance veille au respect des indicateurs en matière de lutte contre la corruption sur les questions financières et permet d’éviter le détournement de deniers publics, Quant à l’Osep, il met l’accent sur la délivrance du service public, c’est-à-dire, vérifie si les différents services publics font ce pour quoi ils existent.
« Elles ne se marchent même pas dessus, au contraire elles se complètent et l’Osep pourrait être une chambre d’alerte pour la haute autorité pour la bonne gouvernance » rassure-t-il.
Selon une source bien introduite auprès de la haute autorité pour la bonne gouvernance, telles que définies par les différents décrets, « les deux institutions n’ont pas du tout les même missions. »
Elle indique qu’hormis la déclaration de patrimoine, qui n’est rien d’autre que l’une des tâches assignées à la HABG, elle compte plusieurs autres actions à son actif comme des enquêtes réalisées sur certains dossiers très sensibles . Pour elle, point n’est besoin pour la HABG de fanfaronner sur les actions déjà réalisées.
« Les ivoiriens s’attendent à ce qu’on ait des actes de répression, alors que cela ne marchera pas. Les pays où l’on constate un faible taux de corruption n’utilise pas la répression » précise –t-elle tout en indiquant que la Côte d’Ivoire fait partie des « pays d’intervention. » La source de Politikafrique.info explique qu’il suffit d’arrêter une personne pour que des coups de fil arrivent de partout pour la faire libérer.
Elle mentionne que dans le combat pour la bonne gouvernance « tout est question de transparence. » « Il y a les cas de petite corruption que l’on voit dans l’administration mais aussi les cas de grande corruption » reconnaît notre source. Elle indique également que l’informatisation de l’administration pourrait être un moyen de lutte contre la petite corruption.
La Côte d’Ivoire occupe la 107eme place sur 167 des pays les plus corrompus, selon une étude réalisée par l’ONG Transparency en 2015. Les autorités ivoiriennes continuent toujours de se débattre pour éradiquer cette gangrène qui ne cesse de se répandre dans la société ivoirienne.
Raïssa Yao