L’appréciation n’est pas la même pour tous, surtout en ce qui concerne son application. La mesure de suspension des manifestations sur la voie publique en Côte d’Ivoire continue de faire parler d’elle. Si dans la mouvance présidentielle la décision est applaudie, c’est tout le contraire chez les adversaires politiques et de certains observateurs de la scène politique nationale.
Se sentant principalement visés, des plateformes et partis politiques de l’opposition ne cessent de dénoncer la décision. Ils sont soutenus par des mouvements de la société civile. Il s’agit d’une restriction de l’espace civique, pensent certains. Pour d’autres, il s’agit d’une volonté manifeste des autorités ivoiriennes d’empêcher les activités de l’opposition. Ils en veulent pour preuve l’article 20 de la Constitution en Côte d’Ivoire qui affirme que « les libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifiques sont garanties par la loi ».
« (…) Nous avons constaté qu’à chaque fois que nous programmons quelque chose, ils prennent des décrets. Nous sommes dans un pays non démocratique », se désolait N’dabian Adèle la présidente des femmes de la Coalition pour la démocratie, la réconciliation et la paix (CRDP), plateforme de l’opposition qui a appelé à une marche de protestation contre la candidature du président ivoirien Alassane Ouattara le vendredi 21 août dernier. Manifestation qui n’a pu aller à son terme suite à une intervention des forces de l’ordre.
Dr Geoffroy-Julien Kouao est juriste, écrivain et analyste politique. La Côte d’Ivoire est encore dans une situation exceptionnelle dit-il. « D’abord, nous ne devons pas oublier que nous sommes encore en état d’urgence, situation exceptionnelle qui met entre parenthèses certaines libertés publiques. Ensuite, l’autorité administrative peut interdire une manifestation s’il y a risque de trouble à l’ordre public ou en cas d’insuffisance des forces de l’ordre pour sécuriser la manifestation », analyse-t-il auprès de 7info.ci.
Le mercredi 19 août 2020 en effet, en conseil des ministres, le gouvernement ivoirien décidait de la suspension des manifestations sur la voie publique jusqu’au 15 septembre 2020. « Le Conseil a décidé de la suspension des manifestations sur la voie publique pour les autoriser seulement dans les enceintes closes ou les espaces dédiés sécurisés », avait annoncé Sidi Touré le ministre porte-parole du gouvernement au cours de la traditionnelle conférence de presse de fin de conseil des ministres tenue à Abidjan.
Du deux poids, deux mesures ?
En plus de dénoncer la mesure de suspension de manifester, les acteurs de l’opposition politique dénoncent également son application. Le vendredi 21 août, jour de la manifestation des femmes de l’opposition, l’on pouvait lire sur la page Facebook PDCI 24, l’un des canaux de diffusion des informations du vieux parti ivoirien, un élément filmé avec pour légende « Pendant que les femmes sont torturées, emprisonnées, giflées par les forces de l’ordre … pour une simple marche, les militants du Rdr-Rhdp marchent librement à Abobo ». La même réaction est également faite le lendemain samedi 22 août au moment de la cérémonie d’investiture du président ivoirien Alassane Ouattara comme candidat du RHDP. Sur le même PDCI 24, même son de cloche : « Interdiction de marche sur la voie publique: la loi c’est pour les autres. Les militants du RDR RHDP dans les rues d’Abidjan ce matin », avec des images des plusieurs centaines de personnes présentées comme des militants du parti au pouvoir dans les rues de la commune de Plateau à l’appui.
Pour le politologue Geoffroy Julien Kouao, c’est le signe d’une fébrilité politique. « (…) En période préélectorale , cette interdiction des manifestations sur la voie publique réduit la liberté d’expression et de mobilité des politiques et des électeurs. Cette mesure d’interdiction est symptomatique d’une fébrilité politique des uns et des autres à moins de cent jours du scrutin présidentiel ».
Richard Yasseu
7info.ci