« Je veux wôrô mon Kadhafi », c’est le dangereux challenge qui fait fureur en ce moment sur le réseau social TikTok. Un défi qui aiguise la passion de bon nombre de jeunes, peu importe l’âge. A l’origine, une nouvelle drogue introduite sur le marché ivoirien et qui décime la jeunesse.
Perte de réflexe, somnolence, démangeaisons, regard perdu dans le vide et actes de violence. Autant de réactions observées chez ces jeunes, après la consommation de la drogue appelée Kadhafi. Les adeptes de ce nouveau stupéfiant, en majorité des mineurs, se retrouvent dans plusieurs communes de la capitale abidjanaise.
Composition de la drogue Kadhafi
Selon le confrère gouvernemental Fraternité Matin qui cite la Direction de la police des stupéfiants et des drogues (DPSD), cette drogue est un mélange de comprimés Tramadol dosés à 250 mg et la boisson alcoolisée Vody dosée à 18% d’alcool.
Le Vody, boisson énergisante alcoolisée, est très populaire en Côte d’Ivoire comme dans certains pays de la sous-région. Sa notice laisse découvrir que c’est un concentré d’arômes, de niacine, d’acide pantothénique, de vitamine B6 et B12 et surtout d’alcool.
Le Tramadol quant à lui, conditionné sous forme de comprimés est indiqué dans le traitement des douleurs modérées ou sévères. Par contre, son association avec l’alcool est contre-indiquée vu qu’elle entraîne des effets secondaires tels que la somnolence, les vertiges, les vomissements, les convulsions, les hallucinations et l’anxiété.
Malheureusement, c’est cette combinaison, un véritable cocktail molotov qui est tant adulée par les jeunes à la recherche de sensations fortes.
Quelle explication donner à ce phénomène de société ?
Véritable problème de société, la consommation de la drogue Kadhafi prend de l’ampleur au sein de la jeunesse ivoirienne. En témoigne, le challenge « Je wôrô mon Kadhafi » lancé sur le réseau social Tiktok et le nouveau concept musical crée par un groupe de jeunes ivoiriens. Des extrêmes qui drainent chaque jour un peu plus de monde séduit par ces défis d’un autre genre. Mais comment en est-on arrivé là ? Valentin Zahui, un sociologue ivoirien, partage sa réflexion à 7info.
« Quand vous avez un pays meurtri par diverses crises militaro-politiques comme on en a connu, ça apporte des dysfonctionnements au sein des familles et la vulnérabilité des populations. On assiste au fait que des parents n’ont plus forcément tous les leviers pour encadrer efficacement leurs enfants. A cela s’ajoutent des concepts d’immaturité où sur les réseaux sociaux on passe le clair du temps à faire croire aux jeunes que la vie est facile. Les jeunes n’ont pas assez de repères pour les structurer et ils vont plus s’investir dans le superflu par rapport à ce qui est essentiel. Quand vous avez tout ça réuni, on en arrive à des situations dramatiques comme c’est le cas en ce moment avec la consommation de cette drogue et son corollaire », analyse le spécialiste.
Dans l’optique de lutter contre la consommation de cette drogue, la police nationale a lancé une vaste opération sur le terrain, afin de cerner le phénomène et procéder à des saisies.
Ainsi, le mercredi 6 septembre 2023, une importante saisie de drogues a été présentée dans les locaux de la préfecture de police d’Abidjan, situés dans la commune d’Abobo. Il s’agit de cinq tonnes de médicaments de qualité inférieure dont du Tramadol, des boissons alcoolisées contrefaites ainsi que vingt personnes appréhendées.
Pour rappel, cette opération de démantèlement de réseaux de vente de produits prohibés a été lancée par la police des stupéfiants depuis le lundi 3 juillet 2023, dans l’ensemble des communes d’Abidjan.
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Ébauches de solutions
« Les parents doivent reprendre en main l’éducation de leurs enfants parce qu’on peut avoir un enfant mais est ce qu’on sait comment on l’éduque ? Aujourd’hui il y a des spécialistes qui accompagnent, donc c’est aux parents qui ont des difficultés de chercher les personnes qui peuvent les aider dans l’éducation de leurs enfants. Il n’y a aucune honte à cela car dans la vie on ne finit jamais d’apprendre. L’éducation des enfants est essentielle, de ce fait que l’école aussi essaie de prendre le relais. Concernant le gouvernement, qu’il joue pleinement son rôle. Quand on parle de faux médicaments il ne s’agit pas de placebo qui est un médicament neutre et sans effets. Mais plutôt de médicaments contrefaits qui rentrent dans notre pays et qui ne respectent aucune norme tel que c’est défini au niveau des standards internationaux. Ce sont de véritables dangers pour nos populations et je crois qu’il y a une volonté gouvernementale qui doit s’affiner et aller plus loin, pour mettre un terme à ce fléau », recommande Valentin Zahui.
Dans son analyse, le sociologue exhorte également le gouvernement à soutenir les Organisations non gouvernementales engagées dans la lutte contre la drogue.
« Il y a un important travail qui est fait par les ONG qui mérite d’être accompagné. Malheureusement, ces structures pour un financement sont obligées de solliciter des organismes internationaux. Elles font un travail d’utilité publique donc je pense que nos législateurs doivent faire ce qu’il faut dans ce sens. Chacun doit jouer son rôle de la meilleure façon qui soit pour construire le pays », conclut le sociologue Valentin Zahui.
Maria Kessé