L’élection présidentielle au Kenya ce jeudi 26 octobre 2017 se déroule sous haute tension. La commission électorale a décidé de tenir le scrutin malgré le retrait de l’opposant historique Raila Odinga. Ses partisans et la police s’affrontent à coups de pierre et de gaz lacrymogène.
Les conditions étaient-elles réunies pour tenir cette élection ? La commission électorale a-t-elle corrigé les erreurs qui ont conduit à l’invalidation du second tour, par la Cour suprême le 1er septembre 2017 ? En tout cas, pour l’opposant Raila Odinga, principal challenger de Uruhu Kenyatta, le président sortant, cette élection est tronquée. Il avait déjà annoncé son retrait de la course à la présidentielle le 10 octobre dernier, estimant que ce nouveau scrutin serait « pire que les deux premiers ». Il a donc appelé ses partisans à le boycotter. Une situation tristement similaire à bien d’autres sur le continent. Et pour les politologues, la culture démocratique n’a pas encore pénétré l’Afrique.
« La question de l’alternance politique est un défi à tous les États africains. D’ailleurs l’Union Africaine (UA) en a fait son cheval de bataille. Comment faire accepter les résultats des élections aux leaders africains ? Une problématique à résoudre sur le continent. Je trouve que réussir à faire invalider les résultats du deuxième tour après un recours auprès de la Cour suprême, et refuser de prendre part au nouveau scrutin, est anti-démocratique. Ce qui se passe au Kenya est l’expression d’un recul démocratique. Les institutions ont été empêchées de fonctionner normalement » a analysé le professeur Dogbo Pierre, Directeur de l’école des sciences politiques à l’Université Félix Houphouët Boigny, avant de déplorer la tournure des événements dans le pays et inviter les élites du continent à des compromis politiques.
« Depuis l’invalidation des résultats par la Cour suprême, Raila Odinga n’a cessé de lancer des appels à la mobilisation et à la perturbation des élections. Ce qui se passe au Kenya, nous rappellent ce qui s’est passé en Côte d’ivoire. Les leaders politiques doivent avoir le sens du compromis. Nous devons nous atteler à réussir une alternance politique pacifique. C’est notre défi » a invité le politologue.
Ce jeudi matin les partisans de l’opposition entravent le bon déroulement des élections. Conséquence, des affrontements ont lieu entre la police et les manifestants dans certaines villes du pays notamment à Nairobi, la capitale kényane. Des élections sous tension qui auraient pu être évitées, si les protagonistes s’étaient attablés autour de leurs divergences politiques, selon le docteur Geoffroy Kouao Julien. Rejoignant à bien de points le précédent intervenant, il appelle à une réflexion autour d’un mode politique, spécifique à l’Afrique, la démocratie ayant échoué.
« Les intellectuels africains doivent mener des réflexions pour proposer un nouveau jeu politique au continent. C’est la démocratie qui pose problème. Je vais moi-même mener des recherches dans ce sens. La question actuelle au Kenya n’est pas juridique, elle est politique. En Afrique les élections se présentent comme une calamité, c’est dommage » a constaté le juriste-politologue. A la question de savoir le régime politique qui pourrait convenir à l’Afrique, l’universitaire présente un modèle.
« Regardez la Chine. Ce n’est pas un pays démocratique et la dictature n’y est pas aussi dure qu’on le pense. C’est un modèle spécifique au pays. Vous savez, l’Afrique a un double problème. Il y a un souci de gouvernance et de vision politique. Au Kenya, on assiste à une guerre dynastique plutôt qu’à une opposition politique. Depuis 1963, les parents des opposants actuels ont dirigé le pays. Leurs enfants animent encore la scène politique. Et la question est de savoir si Uhuru Kenyatta qui sera forcément réélu, pourra gouverner dans la paix. Rien n’est moins sûr » a observé Geoffroy Kouao Julien.
Ce mercredi 25 octobre la commission électorale avait annoncé que toutes les conditions étaient réunies pour le bon déroulement des élections. Malgré cela, les opposants continuent de remettre en cause la légitimité du scrutin, au Kenya. Des membres de cette Commission électorale ont préféré prendre du recul et son président a clairement soutenu « ne pas pouvoir garantir la transparence » de cette élection.
Éric Coulibaly
Source : Rédaction Poleafrique.info