Chacun fit valoir ses arguments. Ceux de la case dirent qu’ils ont la compétence des bâtisseurs de case. L’éléphant répliqua qu’il a l’expérience de la vie en forêt, de la vie avec les autres, au contraire de la case du repli sur soi, entre gens casés, alors que la forêt est ouverte. La case, il faut le reconnaître, est sans porte, mais son entrée est exiguë et limitée quoique plus grande que le chas d’une aiguille.
La case ne peut dire : « L’éléphant barrit, la caravane passe », comme on le fait avec tant d’irrespect pour les chiens. L’éléphant peut charger ou simplement encombrer et barrer le chemin. Barrir ou barrer ? Il vaut mieux le laisser barrir et l’entendre pour avancer. La case ne peut non plus se contenter de regarder l’éléphant passer et partir vers d’autres horizons.
Faute pour l’une, la case, et l’autre, l’éléphant, de pouvoir avaler son compagnon de route, il fallait trouver une solution. Ce fut celle d’un grand chapiteau unique. En effet, ce n’est pas une case et puis il est beaucoup plus spacieux. En hauteur et en largeur, il y avait beaucoup plus de d’espace.
Comment alors unifier l’ordre de l’immobilier (une chose, même s’il s’agit de case ou d’immeuble) et celui de la nature (c’est-à-dire les animaux en général et l’éléphant en particulier) ? Deux ordres différents et cela semble faire désordre ! Comment fusionner sans confusion ? Les voies de l’amour sont insondables !
Qui dit chapiteau dit cirque. Si l’éléphant ne peut faire le clown, quel numéro attend-on de lui ? Qui, par ailleurs, tiendra le fouet du maître dresseur ? Il s’agit en effet de dresser le pachyderme de sorte qu’il ne se dresse pas contre la case. Oui, tel parait être le but du spectacle. Divertissement ou diversion ou encore neutralisation de la diversité ? Enfin, qui chapeaute le chapiteau ?
Sous un chapiteau, ne se retrouvent que des artistes adroits et confiants les uns envers les autres. Même s’il est agile et bien dressé, l’éléphant peut-il tenir en équilibre sur le toit de la case ? Même s’il est richement harnaché, peut-on installer une case sur le dos d’un éléphant ? Ce dernier ne veut pas qu’on confonde son numéro avec celui d’un clown ! Il souhaite naturellement être pris au sérieux ! Il ne peut être trapéziste en raison de sa taille et de son poids mais lui clown, jamais ! Il veut bien tourner en cercle sous le chapiteau avec ses éléphanteaux, mais clown, jamais !
Ni case, ni zoo, ni chapiteau, ni numéro de clown, chers frères et sœurs animaux et humains, que faire, que ne pas faire ? Où aller, où ne pas aller ? Comment associer la case et l’éléphant ?
C’est à défaut d’avoir des réponses à ces questions que les éléphanteaux ont été rappelés à l’ordre et au silence. Interdiction de barrir puisque la case est silencieuse. Marcher ensemble ne doit pas devenir une course, surtout pas une course à mort, genre « fast and furious ».
Mais la case et l’éléphant ont, tous les deux, le regard tourné vers l’horizon, chacun pensant au conte du lièvre et de la tortue. Rien ne sert de courir, il faut arriver à temps ! Comment une case relevant de l’immobilier et de l’immobile peut-elle gagner dans une telle course vers l’horizon ? L’éléphant pourrait commettre l’erreur du lièvre en méprisant l’immobile qui veut courir et gagner la course.
En effet, rien n’interdit de construire une série de cases tout au long du parcours. A l’arrivée, l’éléphant trouverait une case et serait ainsi battu à la course ! Les éléphants sont cantonnés dans la forêt quand il y a partout des cases. Qui est donc fou pour ne pas en faire un atout ? L’histoire est ainsi faite. Il peut arriver que le mobile soit immobilisé et l’immobilier mobilisé !
Cependant, la case, à moins qu’il lui en manque une, ne doit pas oublier que frère rhinocéros et cousin hippopotame et tonton éléphant sont des parents. Et l’éléphant peut même en appeler à toute l’espèce mammalienne, celle qui nourrit ses enfants au lait et non au ciment bétonné, mammouths d’hier et buffles d’aujourd’hui ! « Mammifères de toute l’Eburnie, unissons-nous ! »
Que pensent la clé, celle que n’émeut pas le fait que la case soit sans porte, l’arc-en-ciel qui veut lier ciel et terre, les deux doigts d’éclaireurs, les arbres, les termites et les escargots ? Qui regardera verra !
On verra alors ce qu’on a déjà vu ou ce qu’on n’a pas encore vu ! Voilà mon conte politique. Quelle moralité ? Hélas, les contes politiques n’en ont pas !
Pr SERY Bailly